Qu'il est difficile de prendre certains personnages de comic book au sérieux ! Cela Marvel avait fini par le comprendre après les deux premiers volets consacrés au dieu du Tonnerre. Kitsch à souhait et assumant assez mal son héritage mythologique, les deux premiers films n'échappaient pas au registre nanardesque. A la décharge des pauvres âmes chargées de remplir un cahier de charge, force est de constater qu'un bodybuilder armé d'un marteau affrontant des hordes d'aliens et créatures mythologique passe beaucoup mieux en BD qu'au cinéma. C'est pourtant là le réel défi des adaptations de super héros au grand écran, garder l'essence des comics qu'ils adaptent tout en se libérant des codes que ce média impose. Au delà, d'une adaptation le spectateur est tout de même en droit d'attendre une véritable oeuvre cinématographique et non pas un produit calibré.


La recette Marvel (blague à gogos, CGI, explosion, soupçon de leçon de morale et méchant en carton pâte) ne marche malheureusement que trop bien et ce en dépit des détracteurs du MCU. Ce constat soulève finalement une question : au sein de ce public de masse, n'ayant au sens large nul autre objectif que celui de passer un "bon moment", coexisterait il deux segments ? Un premier se contentant d'applaudir n'importe quel blockbusters en excusant n'importe tares sous le seul prétexte que l'appréciation d'un film du MCU n'est possible qu'après avoir préalablement anesthésié sa matière grise. Le second râlant à foison sur la piètre qualité des films sortis mais subissant l'effet de masse ne pouvant s'empêcher d'attendre encore et encore le prochain volet.


Parce que bon soyons clair, à ce stade personne doté d'une parcelle d'objectivité ne pourrait remettre en question la platitude abyssale des productions Marvel/Disney, il n'empêche que le concept est tellement assumé que cela permet d'avoir une expérience cinématographie obsolète de toute réflexions. Visiblement effectuer ce travail de déconnexion intellectuel permet de traiter la forme en le substituant au fond, ce qui permet d'en tirer un certain plaisir. D'aucuns auraient pu espérer que la Distinguée Concurrence amènerait un second souffle au genre et forcerait Marvel à remettre en question le statut calibré de leurs divertissements grand publics. Malheureusement DC/Warner non content de n'avoir aucune stratégie à long terme, s'est efforcé de hacher méthodiquement chacune de leurs oeuvres tout en les noyant sous un cahier de charge encore plus conséquents.


Soucieux de sortir la tête du ruisseau, Marvel a cependant pris l'initiative de dévoiler une nouvelle carte avec l'essor de films plus décomplexés. Le premier volet des Gardiens de la Galaxie et Deadpool étaient les signes avant coureur du changement. Le temps est la parodie. Malheureusement lorsqu'un genre en est réduit à parodier ses propres codes pour espérer survivre, il ne faut plus s'attendre à une quelconque forme d'ambition. Et c'est bien dans cette optique que s'inscrit Thor Ragnarok. Soucieux d'assumer jusqu'au bout sa connerie et son coté Kitsch, ce troisième volet emmène le spectateur dans un voyage hyper coloré truffé de référence et de désinvolture. Malheureusement, trop soucieux à l'idée de ne pas se prendre au sérieux jusqu'au bout, Thor Ragnarok tombe dans l'autre extrême, celui de la parodie.


Comprenez que Thor Ragnarok n'est pas vraiment un film à proprement parlé mais davantage une compilation de blague carambar de 2h15 truffée de CGI. A trop vouloir faire rire et assumer son ridicule, ce troisième volet à l'instar du second volet des Gardiens de la Galaxie et de Spider man Homecoming bascule dans la lourdeur et tue toute forme de rythme. De l'introduction jusqu'à la séquence post générique le spectateur est littéralement happée par une avalanche inépuisable de gags balourds. Jamais le film ne prend le temps de se poser ou de laisser le spectateur digérer. Il ne se produit pas deux minutes sans que le film n'essaye d'arracher un sourire forcé à coup de bouffonnerie. En résulte le fait que la moindre parcelle d'émotion, d'exposition, d'action, d'épicness ou même de maigre tentative de réflexion est phagocyté sous une avalanche de lourdeur. Thor Ragnarok n'est finalement pas tant un film décomplexé et léger qui assume le coté kitsch de l'univers qu'il adapte mais davantage une parodie qui se fout ouvertement de l'univers qu'il adapte.


La démarche est d'autant plus cynique que le message à en tirer n'est finalement que cet univers n'est digne d'intérêt pour le spectateur que s'il est parodié jusqu'à l'extrême. C'est donc avec un mépris non dissimulé que le film va noyer toute forme d'enjeux et de rythme deux heures durant. Le film prend le parti pris de croire, à l'instar de Spider man Homecoming, qu'une série de blagues consensuelles pour enfants de six ans prononcées avec entrain sur fond vert, porté par des acteurs dont le cumul des cachets doit bien atteindre le PIB d'un petit pays constitue un divertissement honnête.


Le film méprise également ouvertement ses personnages qu'il s'agisse de Stephen Strange relégué au range de caméo comique et inutile, des 3 guerriers massacrés dans l'indifférence la plus totale, Skurge relégué au rôle de concierge, Heidmall inutile de bout en bout, de Loki passant du statut d'antagoniste et antihéros à celui de punching ball vivant dont la malice est devenue tellement vaine et vide que Thor lui même le ridiculise à son propre jeu. Thor et Hulk quant à eux sont relégués au range de pur boutte en train, l'un gémissant pour éviter qu'on lui coupe les cheveux, l'autre dénué de toute la rage et la dimension tragique qui caractérisait le personnage pour se balader tout nu et se baigner dans un jacuzzi. Même ce pauvre Stan Lee devient de plus en plus lassant, tant ses caméos finissent par fatiguer. Les nouveaux venus n'adoucissent malheureusement pas l'ensemble entre une Tessa Thompson fade campant une Valkyrie amorphe et un Jeff Goldblum absolument ridicule et insupportable portant le Kitsch jusqu'à l'écoeurement. Les seconds rôles tout de CGI conçus et les ô combien subtiles références à Beta Ray Bill ne sauvent en rien l'ensemble. Le seul personnage à s'en tirer avec un semblant de dignité demeure finalement Hela. Remarquablement interprété par Cate Blanchett, le personnage n'est ni dénué de grâce, ni de charisme. Si le personnage ne constitue toutefois pas un renouveau en matière d'antagoniste, elle éclipse cependant tout le reste du casting de par sa simple présence (en outre la demoiselle est étrangement avenante dans sa combi verte moulante). Le film se focalisant cependant à 75 % sur les bouffonneries de Thor, Loki et Hulk, la dame n'a cependant pas assez de temps d'antenne pour exister. En résulte le fait que son background tout comme ses motivations paraissent bien légèrs. Pourtant de par son intermédiaire le film aurait pu mettre en avant la face sombre d'Asgard et d'Odin, apporter une touche plus noire et mature à cet univers kitsch sans tomber dans le grand guignolesque et même instaurer une relation inattendue entre elle et Thor


On découvre non seulement qu'il s'agit de sa soeur cachée mais que d'une certaine façon, ils ont tout deux été utilisés


. Mais non le film préfère exploiter tout cela par l'intermédiaire de gravures et réduire le personnage d'Héla à un méchant de Power Rangers qui n'aura rien fait de plus que lancer des lames et poursuivre des paysans tout le film durant.


Dans sa constitution même l'intrigue se révèle schizophrénique. Le film tente de faire coexister le Ragnarok et l'intrigue de Planet Hulk, sauf que tout ce qui passe durant une bonne heure sur la Planète du Grand Maitre n'est qu'une parenthèse inutile bourrée de bouffonnerie qui écarte le film de son intrigue centrale la chute d'Asgard et l'avénement d'Hela. Or cette dernière n'aura finalement pas fait grand chose et toute la dimension apocalyptique et tragique du Ragnarok sera finalement passé à la trappe au profit d'une leçon de morale périmée jusqu'à l'usure se résumant : un peuple est plus qu'un foyer ou un lieu.


Plus surprenant encore est le mépris avec lequel le film traite la psychologie et les relations entre les personnages. Le fait que Loki se soit fait passé pour mort, usurpé l'identité d'Odin et contribué à sa chute est traité sous l'aune de la rigolade. Les révélations d'Odin (qui s'avère finalement être un bien mauvais père) sur le passé d'Asgard et son futur est traité encore une fois sous l'aune de la rigolade. A aucun moment le film n'essaye d'approfondir les liens des personnages au delà de la parodie. La relation chaotique entre Hulk et Banner, la rédemption de la Valkyrire, la relation Thor/Loki


Le fait que Thor finisse borgne


tout cela n'est prétexte qu'à noyer le spectateur sous la lourdeur.


Bien entendu le film s'enferme dans la coolitude auto proclamée à coup de musique emblématique et de scènes d'actions hyper colorée. On aurait pu imaginer que la nouvelle faculté de Thor soit due à la force d'Odin et ainsi mette en scène une passation de pouvoir mais que nenni non point. Cette nouvelle faculté est davantage traité comme un Deus ex Machina avec comble du mauvais coup, des apparitions succintes d'Odin en mode vieux maitre kung fu Believe in yourself petit scarabée


Difficile aussi d'imaginer ce que les scénaristes ont en tête au niveau des rapports de puissance. Thor dieu du tonnerre, se fait littéralement écraser par Hulk sans trop de bobos, génère de la foudre à travers ses doigts, se découvre une nouvelle forme surpuissante mais se fait neutraliser par un appareil lui envoyant un choc électrique. C'est un peu comme si la Reine des neiges choppait un rhume en avalant une glace ou comme si la torche humaine se brulait les doigts avec une allumette mais bon c'est drôle donc mieux vaut ne pas relever j'imagine.


Le film possède cependant quelque beaux plans et une superbe photographie. Il y a également un bel effort au niveau de la lisibilité des scènes d'actions. A ce titre, Thor est beaucoup moins indigeste que Wonder Woman ou Gardiens de la Galaxie 2. Le film a également le mérite de passer assez vite malgré ses deux heures. Probablement en raison du fait qu'il donne l'illusion que quelque chose se passe pendant qu'on le visionne .

The-Goblin
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le 27 oct. 2017

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