L’humour est la politesse du désespoir

APRÈS SÉANCE


Thunder Road, c’est avant tout l’histoire d’un type, Jim Cummings, qui, fatigué de produire des sketchs et des pubs pourris sur youtube, décide d’écrire, de produire, de réaliser, de composer la BO et de jouer dans son premier film. On n’est jamais mieux servi que par soi-même…


Il commence alors en 2016 avec un court-métrage Thunder Road (visionnable gratuitement ici), composé d’un unique plan-séquence de lui d’une durée de 11 minutes. On y voit un flic visiblement cyclothymique perdant complètement le contrôle de ses émotions lors de son éloge funèbre à l’enterrement de sa mère. Fort d’une récompense au festival Sundance, Jim Cummings se dit alors qu’il tient là de quoi développer un long-métrage autour des nombreux déboires de Jim Arnaud.



SUR LE FOND : 6 étoiles



Pendant une heure et demie, Thunder Road nous fait suivre Jim Arnaud dans les pires jours de sa vie : l’enterrement de sa mère, la gestion difficile de « l’héritage », la demande de divorce de son ex-femme, le procès pour la garde de sa fille, la perte de son boulot… Bref, des merdes, il va en avoir des brouettes. Et comme Jim Arnaud est un flic du sud des États-Unis (Texas il me semble), probablement élevé dans le culte de la masculinité insensible, il va avoir beaucoup de mal à gérer ses émotions créant ainsi des situations allant de la tragédie au burlesque. Cette constante jonglerie avec les émotions de son personnage principal rend Thunder Road assez malaisant. Tantôt comédie dramatique, tantôt drame comique… Le film développe cette ambiguïté illustrant l’hétérogénéité des sentiments submergeant Jim Arnaud.


La scène d’ouverture (concept repris du court-métrage) donne clairement le ton de tout le film. Jim Arnaud est complètement débordé par ses émotions, il n’arrive pas à les gérer et à les exprimer. Ce qui offre des témoignages touchants et sincères, et en même temps une chorégraphie de danse sur du Bruce Springsteen a capela… Je rappelle que la scène se déroule à un enterrement. Cette sensation bizarre, Thunder Road va la développer jusqu’au bout en épousant les traits d’un drame, d’un film noir, d’une analyse sociale, mais aussi d’une comédie absurde et embarrassante. Le film nous questionne continuellement sur les émotions qu’on est censé éprouver pour ce paumé.



You teared my pant !



Évidemment, en self-made man puissance 1000, Jim Cummings porte complètement le film en proposant une excellente performance pour quelqu’un qui n’est pas acteur à la base ! Il y a un petit côté Jim Carey (sans les mimiques faciales) dans ce personnage qui n’est pas vraiment débile, pas vraiment looser mais un peu les deux à la fois. Qui tente de bonne foi de faire au mieux mais sur qui le sort s’acharne. On n’est pourtant pas en totale empathie avec ce type parce que, clairement, parfois, on ne le comprend pas. L’équilibre est vraiment bien trouvé entre le mec pitoyable, le gars détestable et l’homme bouleversant.


Le reste du casting fait le boulot mais est assez oubliable. J’ai bien apprécié son collègue flic (Nican Robinson, pour qui Thunder Road est également le premier film) même si au final, il a le rôle assez classique du side-kick black. On s’identifie presque davantage à lui parce qu’il est dans la même incompréhension que nous. Il va tenter d’aider Jim par moment, à d’autres cela va être au-dessus de ses forces… Bref, toute la position du spectateur décrite un peu plus tôt.


Après, personnellement, je n’ai pas vraiment été touché par ce film, je suis resté dans cet entre-deux en me demandant les intentions du réal : Qu’est-ce que je suis censé ressentir ? Mais objectivement, on ne peut pas reprocher à Thunder Road d’aborder le deuil, le divorce, la transmission et la filiation, l’amitié, et surtout la gestion et l’expression des émotions pour un homme, flic, blanc, américain. On ne peut pas lui reprocher, parce que globalement c’est très bien fait. En plus, le film a également le mérite d’œuvrer pour la réhabilitation de la moustache au même titre que Her, ou Mission Impossible : Fallout !



SUR LA FORME : 6 étoiles



Thunder Road s’inscrit parfaitement dans la veine des films indépendants américains qui percent au Festival Sundance et/ou au Festival de Deauville comme Little Miss Sunshine ou A Ghost story. Il y a d’ailleurs cette même façon de filmer que dans le film de David LoweryCasey Aflleck passe son temps sous un drap blanc. Sur un dialogue par exemple, nous n’allons pas avoir le champ/contre champ habituel, mais des mouvements très fluides et lents, une caméra latérale se baladant d’un personnage à un autre sans forcément suivre le rythme des répliques. Il y a également de nombreux plans-séquences, qui n’égalent peut-être pas la scène d’engloutissement de tarte mais quand même. Celui d’ouverture, à l’enterrement, est notamment bien réalisé et très prenant. Ces plans-séquences imposent aux spectateurs de suivre la même temporalité des personnages. Ainsi, l’éloge funèbre de 11 minutes dure réellement 11 minutes à l’écran de quoi vivre tout le malaise des invités. Cela rend ces scènes plus honnêtes et réalistes à mon sens parce que le montage ne vient pas insister sur tel ou tel élément pour te taper du coude et te montrer quoi ressentir. Le spectateur n’est pas vraiment guidé et personnellement, faute de guide, je me suis un peu perdu…



If you see me fighting with an alligator, help the alligator.



Après, je n’ai pas beaucoup plus d’éléments à relever. Le film est bien rythmé, l’esthétique est soignée et c’est incroyable de se dire que cela a été fait avec un budget de seulement 250 000 dollars issus d’un financement participatif. 250 000 dollars ! C’est littéralement mille fois moins que Fast and Furius 8 ! La comparaison n’a évidemment aucun sens mais elle est frappante et le résultat sur Thunder Road promet à Jim Cummings une belle carrière.


Bonus acteur : NON


Malus acteur : NON



NOTE TOTALE : 6 étoiles


Spockyface
6
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le 4 oct. 2018

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Spockyface

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