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7.2
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Court-métrage de Juanjo Giménez (2016)

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Avec ce film, l’espagnol Juanjo Giménez Peña a obtenu le Goya 2017 du meilleur court métrage de fiction dans son pays, mais également la palme d’or du court métrage au festival de Cannes 2016. Autant dire que c’est mérité, tant le film séduit par son originalité et sa capacité à saisir une atmosphère typique de nos sociétés modernes tout en la transcendant par son inspiration et une mise en scène inventive.


Tout se passe dans un parking souterrain à plusieurs étages, où Luna (Lali Ayguadé) et Diego (Nicolas Ricchini) se relaient pour effectuer la surveillance dans un bureau où ils ont un œil sur une batterie de caméras qui ne laissent aucun angle mort. Bien entendu, ce ne sont pas des caméras de cinéma, et lorsque le spectateur profite des vues ainsi captées, il fait immédiatement le constat que l’image est déformée, ce qui donne un aspect authentique fort bienvenu. C’est très intéressant, car la situation de base, très froide, avec ce lieu uniquement fonctionnel (aussi bien le parking que le bureau), éclairé en lumière artificielle, avec des couleurs dont personne ne voudrait chez soi et bien évidemment sans la moindre décoration, le tout dans une ambiance quasi mutique, cela donne la sensation d’un monde en voie de déshumanisation totale. Les deux personnes qu’on voit arborent des mines impassibles. Réflexion : on a encore besoin d’eux pour centraliser des informations et réagir en cas d’imprévu, mais on imagine facilement que, d’ici quelque temps, ils seront remplacés par des robots (ce qu’ils semblent déjà devenus par leurs comportements).


Le scénario introduit un élément qui bouleverse tout cela. Un détail suffit : un objet genre cataphote, plutôt détaché que brisé, d’une voiture en stationnement, avec semble-t-il une plainte d’un usager. Voilà Luna la consciencieuse plongée dans l’observation de ce qu’une caméra a enregistré dans la zone en question. Ce qu’elle découvre, au départ relativement anodin, va changer complètement sa façon d’aborder les heures de travail.


Avec un scénario de qualité, parfaitement adapté à la durée de son film (16 minutes), le réalisateur fait preuve d’une grande maîtrise pour saisir une ambiance et camper ses personnages (froideur des relations adaptée à la froideur du lieu). Avec intelligence et un grand naturel, il bouscule l’ordonnancement du lieu pour changer radicalement la situation. L’humain se manifeste et la gestuelle en est un élément fondamental. Giménez montre que l’absence de communication par les paroles établit malgré tout une relation entre deux personnes, au moins par les interrogations qu’elle suscite. Et l’absence de parole peut être très largement compensée par une simple indication écrite (Timecode : vocabulaire audiovisuel qui indique ici une caméra et un moment) et des gestes qui deviennent même une chorégraphie. Giménez va jusqu’à utiliser à bon escient l’effet de split screen qui fait très justement écho (magnifique clin d’œil) à un autre film intitulé Timecode (Mike Figgis - 2000) connu pour l’utilisation de cet effet. Ici l’effet accentue une certaine ivresse d’avoir dépassé les règles régissant le lieu. Il y aura certes des conséquences pour avoir dépassé ces règles, mais quelle importance puisqu’il s’agit de vie qui prend le pas sur la robotisation ?


Les acteurs sont à la hauteur, aussi à l’aise dans leurs personnages initiaux très stricts d’allures (les cheveux attachés de Luna) et qui se révèlent complètement dans les chorégraphies imaginées.
La chute permet au spectateur de rire de bon cœur. Seul petit bémol à mon avis pour ce court métrage, quelques détails dans le scénario (coécrit par Giménez le réalisateur et Pere Altimira). On se demande si le supérieur de Luna et Diego découvre par hasard la situation à ce moment-là. Si c’est le cas, j’y vois une contradiction avec ce qu’on a observé la dernière fois entre Luna et Diego, même si on peut imaginer que la narration ne respecte pas la chronologique des événements.

Electron
9
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le 29 juin 2017

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Electron

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