Tokyo Olympiades
7.4
Tokyo Olympiades

Documentaire de Kon Ichikawa (1965)

Les Jeux olympiques, la fraternité des peuples qui vont se réunir avec fair-play et convivialité pendant deux semaines autour d'épreuves sportives. Oui, bon, le propos du film n'allait pas être évidemment que cet événement quadriennal est un gouffre financier effroyable pour les villes organisatrices qu'elles mettent des décennies à rembourser, pendant que des infrastructures construites pour les circonstances pourrissent ensuite par leur inutilité, et l'occasion pour les grandes puissances (ici les États-Unis et l'Union Soviétique !) de montrer qui a la plus grosse, les autres nations essayant juste de grappiller quelques victoires par-ci, par-là.


Bon, nous sommes en 1964. Le Japon a l'occasion de recevoir ses premiers JO. Il aurait dû déjà les organiser en 1940, mais pour des raisons plus qu'évidentes, cela ne s'était pas fait. Le réalisateur Kon Ichikawa, avec pas moins de 600 techniciens, donne un film de ces événements. Le résultat n'a pas plu au gouvernement japonais, ni au comité olympique. Oui, pour eux, il y aurait dû n'y avoir que des épreuves, des classements et des gagnants (l'ensemble a eu le droit à plusieurs coupures, passant de 163 minutes à 95 pour son exploitation en salles ; je précise que j'ai vu la version intégrale !).


Ben non, ce n'est pas juste ça, les JO. Et Ichikiwa l'a parfaitement compris. C'est le visage d'un spectateur ou d'une spectatrice dans la foule. Ce sont des billets qui sont déchirés par ceux qui sont chargés de les contrôler. Ce sont des queues devant les toilettes. Ce sont des ramasseurs de poids après les lancers. Ce sont des journalistes qui s'activent en coulisse. Ce sont des employés qui s'occupent de préparer et de servir des rafraîchissements ainsi que des éponges mouillées aux coureurs du marathon assoiffés et épuisés. Ce sont des à-côtés sans lesquels rien ne fonctionnerait.


Et quand on est en pleine compétition, il y a toujours des bruitages sonores sur des ralentis nous plongeant dans l'intensité de l'effort des sportifs, comme si on était en eux. On sort de l'impression d'assister bien confortablement de son siège ou de son canapé.


Pourquoi le documentaire s'occupe d'un bon dernier à une course ou accompagne pendant plusieurs minutes un athlète tchadien qui ne brillera pas ? Ben, pourquoi pas ! Il y a des médaillés et des non-médaillés. Les derniers étant aussi intéressants que les premiers. C'est l'humain qui prime, pas la performance. Ce n'est pas pour rien que le commentaire nous dit les diverses professions bien “modestes” de ceux qui vont être à un moment précis de leur vie des dieux du stade. C'est pour cela qu'on a cette information banale que les tireurs doivent apporter leur propre panier-repas sur le lieu de l'épreuve. On s'attarde sur des visages où transparaissent la fatigue et peut-être la déception pour certains, sur des pieds abîmés. De l'humain, de l'humain, de l'humain...


Pour le palmarès, le pays de l'Oncle Sam fait une véritable razzia comme d'habitude, suivi d'assez loin par son grand adversaire rouge. Le Japon se démerde pas mal dans les sports de combat et remporte la finale de volley-ball féminin après un beau suspense. Mon chauvinisme n'a pas pu s'empêcher de pester après que la France a passé à un cheveu d'une médaille d'or aux 800 mètres et en natation, comme si c'était du direct ; oui, c'est un réflexe que je n'ai pas pu réprimer, désolé.


Si du point de vue sonore, ça en jette, visuellement, ça déchire grave (ce n'est pas aussi poussé que chez Leni Riefenstahl, car je doute qu'Ichikawa ait recréé (au contraire de la réalisatrice saveur désagréable croix gammées !), avec des participants, certaines épreuves pour avoir quelques cadrages bien spécifiques !), avec une photographie splendide, ne faisant absolument pas son âge (cette image de ouf du passage de la flamme devant le mont Fuji !), un véritable plaisir pour les yeux, accentué par une diversité étendue de plans.


Et si l'eau fait quelquefois son apparition en s'invitant par le biais d'une pluie, l'élément qui est mis en vedette est le feu. Le feu de la flamme olympique, celui pour s'éclairer la nuit et celui des feux d'artifice lors de la clôture, le soleil, le vrai et celui du drapeau.


De plusieurs spectacles flamboyants, Ichikawa réussit un documentaire flamboyant par son esthétisme riche et son originalité technique et narrative constante, tout en nous imprégnant d'une atmosphère authentique. Bref, l'artiste a fait de la réalité une véritable œuvre d'art.

Plume231
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le 26 juil. 2021

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