-Film coréen de gangsters. Du sang, des bagarres à la batte de baseball, des insultes, de la traitrise, de la vengeance; tout ça à l'intérieur d'une mise en scène très soignée, aux p'ti oignons. Ce qui est étonnant par contre c'est que c'est le premier (et seul pour l'instant) film de ce cinéaste, j'ai même hésité à donner 9, tellement c'est bien bien foutu. Une espèce de Kitano très dark.
-La mise en scène, quand elle est très académique comme ça, permet de faire passer facilement une violence extrême, de par justement le paradoxe entre la finesse de la mise en scène et la crudité du propos. Ce paradoxe-là rend la chose intrigante, et permet au spectateur de rentrer de biais dans le film, ou ce que j'appelle "le film de genre sérieux", ce que ne permettent pas, par exemple, les films d'auteurs sérieux (car le fait d'être un film d'auteur est déjà sérieux en soi, alors si en plus on rajoute du sérieux au sérieux ça devient imbuvable, c'est une faute de goût), ici donc la forme très hollywood (de par son côté artificiel/faux) permet de faire passer à côté une charge d'énergie folle et vraie. Un peu comme un kebab qu'il faut faire passer avec un soda. Donc, pour moi, ce genre de films est d'une intelligence extrême, car il y'a là une compréhension des moyens et des fins du cinéma qui est admirable, sans équivoque : Haut rythme, action, nervosité, bonne vulgarité, on peut dire que le film a directement les yeux en face des trous.
-Dans les bons films il y'a toujours des phrases comme ça qui résonnent, qui restent, dans celui-ci on peut citer le bon chef des gangsters qui dit au mauvais : "La conscience aigue des limites est une chose très importante, voilà ce qui détermine la différence entre les hommes, et la valeur de chacun." Ou encore, à la toute fin, après l'ultime bain de sang, le nouveau chef qui dit : " Que pouvais-je faire d'autre ! Le romantisme n'existe plus dans le monde d'aujourd'hui." C'est bien ça, une vision aussi lucide du cinéma, surtout dès un premier film, car le nerf de la guerre, c'est l'argent, le film policier/gangsters permet d'assumer cette réalité et nous fait rentrer tout de suite dans un monde où les émotions sont à vif, palpables, et où les contrastes humains (les gens bien/mauvais, car même chez les gangsters il y'a des gens bien et mauvais) s'embrasent naturellement, chacun découvrant nécessairement son vrai visage quand vient le décisif moment de la tuerie. J'aime quand un film ose parler du bien et du mal, car, au fond, on revient toujours sur ça, on bute toujours au final contre cet éternel problème de l'humanité : Le mettre en scène relève du cinéma, l'évacuer ou l'éviter relève de l'arnaque, du moins pas forcément de l'arnaque mais enfin quelque chose de pas excitant du tout, car n'affrontant pas ses propres monstres. Bref, vive cette jeune génération de cinéastes coréens qui ont à la fois la tête bien pleine et les tripes en feu.