Si proche et pourtant si loin, c’est comme si le cinéma d’animation italien peinait à franchir la frontière alpine, et s’il le fait c’est avec des coproductions françaises.


Basé à Turin, le studio Lanterna Magica réalise des longs métrages animés, on lui doit les estimés La Mouette et le Chat en 1998 et Kérity, la maison des contes en 2009, tous deux sortis en salles en France.


Cela n’a pas été le cas de Totò Sapore e la magica storia della pizza, mais il a été édité chez nous en DVD, intégralement doublé mais avec le strict minimum en contenu additionnel.


Peut-être est-ce l’ancrage profondément italien qui a rebuté les diffuseurs français. Ce n’est certainement pas sa qualité, car le film est joyeux et virevoltant, amusant et appétissant.


L’action se déroule dans la ville de Naples, dans une période historique un peu floue, où la royauté est encore présente et le voisin français est encore un roi. C’est une ville ensoleillée, pleine de joie de vivre, où les petits malheurs du quotidien n’affectent guère les Napolitains. Parmi ceux-ci, il y a Totò Sapore, jeune homme, amuseur des rues, mais qui aimerait devenir un jour cuisinier.


Toute cette gaieté agace la sorcière du volcan, Vesuvia, qui décide d’écarter Totò en lui donnant ce qu’il souhaite, des instruments de cuisine mais ceux-ci sont magiques. Non seulement ils sont animés et parlent, mais chaque ingrédient qu’ils avalent, même le plus immangeable, se transforme en plat de chef. Avec son nouvel ami, le bavard Polichinelle, leur cuisine fait des merveilles auprès de la population. Totò est alors embauché dans la cuisine du roi qui s’apprête à rencontrer son homologue français. Il y retrouve la belle Confiance qu’il avait rencontré auparavant. C’est le moment parfait pour que la vilaine sorcière décide de tout faire capoter.


Cette petite facétie italienne ne s’apprécie pas pour la complexité de ses personnages, bien établis dans une certaine simplicité de caractère, entre le jeune héros généreux et dynamique, Totò, la sorcière colérique, l'odieux cuisinier français, l’agité Polichinelle, et d’autres encore. L’histoire, elle, est assez classique si on étudie ses grands moments, mais c’est son enrobage italien qui fait la différence.


Cela n’a rien de rédhibitoire, au contraire, c’est même charmant, dans ce décor ensoleillé, les grands murs blancs de Naples, son intérieur de volcan qui bouillonne, ou cette propriété royale luxueuse. Le film utilise l’animation traditionnelle, en dessins animés, avec des traits qui pourront rappeler certaines productions télévisuelles, mais malgré tout assez réussis. Totò a de l’allure, Polichinelle, représenté traditionnellement aussi, et les casseroles et autres ustensiles enchantés pourraient sortir d’un Disney. L’animation est un peu faiblarde, un peu trop tranchée, mais cela ne jure pas.


Ce qui surprend malgré tout c’est l’utilisation du numérique à deux reprises. La découverte de Naples au début du film se fait par un plan qui se rapproche d’une Naples incroyablement modélisée en 3D, pour mieux plonger dans ses ruelles. Rien que cette scène est une prouesse à une époque où l’animation numérique fait encore ses premiers pas, et ce probablement encore plus en Italie. Tout le film ainsi n’aurait probablement pas été viable, mais on sent déjà une certaine maitrise, même l’intégration de personnages en 2D dans cet environnement en 3D se fait bien.


Italien, le film l’est aussi dans sa bande-sonore, omniprésente. Les personnages s’échangent banalités ou répliques à grande vitesse, les doubleurs français font ce qu’ils peuvent pour suivre le débit. La fatigue guette, au moins au début, mais finalement la greffe prend, le film étant tout du même allant, qui ne prend jamais le temps de se reposer. Le silence est rare.


Car si les personnages ne parlent pas, ils chantent. Le film est truffé de séquences musicales, toutes entrainantes, et parfois trop courtes, certains morceaux nous font à peine taper du pied qu’ils s’achèvent. Les chansons ont été doublées, et le résultat n’est pas désagréable (introuvable sur internet malheureusement, mais en italien si). Les textes sont simples et naïfs, à l’image du film. La bande son est signée Edoardo Bennato et Eugenio Bennato, deux musiciens qui ont renouvellé la musique traditionnelle italienne du sud, et cela s’entend avec ces orchestrations rythmées et ensoleillées.


Dans ces chansons, dans le film, la nourriture est omniprésente, et le titre évoque bien quelle découverte culinaire Toto fera. C’est une cuisine simple et populaire, qui rassemble, à l’image du caractère napolitain, contrairement à la cuisine française incarnée par son chef odieux. Cette joie de vivre italienne qui fait tant enrager la sorcière du Vésuve est alimentée par la satisfaction du ventre, du bon repas partagé. En dehors des péripéties du film, c’est peut-être là le principal sujet du film. Difficile de lui donner tort. Totò Sapore e la magica storia della pizza est à l’image de cette gastronomie, le film est simple et léger, consistant mais pas trop, en tout cas enjoué et fédérateur.

SimplySmackkk
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le 20 févr. 2021

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