Ne dites pas: "radis artificiels", mais: "paradis artificiels"...

On sent le film artisanal dans Trainspotting, le film de début de carrière (le deuxième de Danny Boyle) qui démontre un certain talent (confirmé depuis ?) pas encore dévoré par les impératifs de rentabilité et de calibrage propres à l’industrie cinématographique. Le résultat est un film qui n’est pas formaté avec des mouvements de caméra parfois hasardeux, une image pas toujours clean et des acteurs dont le jeu semble souvent basé sur la spontanéité, mais avec le mérité de la sincérité.

« La drogue c’est de la merde et ça vous met dans la merde ». C’est un peu le message que semble faire passer Danny Boyle en racontant le parcours de quatre petits merdeux accros à l’héroïne qui gaspillent leur temps, leur argent et leur vie dans la lâcheté des paradis artificiels. A l’image de ce que fera plus tard Darren Aronofski, Boyle ne nous épargne pas grand-chose des bas-fonds dans lesquels les drogues dures peuvent mener un être humain. La dépendance n’est pas grand-chose finalement, à côté il y a la criminalité dans laquelle entraine cette dépendance. On voit alors quatre gamins qui perdent tout discernement et sont capables de tout quand vient l’urgence de se faire un fix. Même si la première partie du film arrive à être très drôle (le coup des suppositoires est très bon), voir Renton incapable de se sortir de l’héroïne finit par devenir désespérant.

A cette époque la caméra de Danny Boyle était dynamique et nerveuse, les mouvements et la succession de plans étaient rapides et même si cela donne une sensation de malaise, c’est essentiel pour donner au film la vigueur de la jeunesse dont il parle. En cela, la bande originale qui sent bon les banlieues britanniques et la naissance du punk est une réussite, le Lust For Life d’Iggy Pop prend d’ailleurs une saveur et un sens bien particuliers. Ce film sent fort l’Angleterre ouvrière, celle des citées minières, celle des grèves ouvrières durement réprimées et de groupes comme les Clash ou les Sex Pistols. Il sent fort la merde d’un type qui se fait sur lui parce-qu’il a abusé de l’alcool une fois de trop, il sent fort l’appartement à l’abandon d’un autre qui ne fait plus le ménage tant il passe son temps à se détruire à grand renfort de piqûres d’héro, il sent fort l’errance de mômes à qui la vie n’a jamais rien promis et qui n’ont alors aucun rêve auquel se raccrocher.

Ce film, même s’il sait être drôle (comment ne pas se marrer devant l’extravagance de Franco joué par un Robert Carlyle en roue libre ?!) est plein de douceur amère et établi le constat qu’une part de la jeunesse qui, faute d’avoir été un jour considérée se réfugie, par confort et par défi, dans un monde fermé et, de gré ou de force, déconnecté de tous les problèmes d’un quotidien pourri. Sans être une farce, Trainspotting n’a pas le côté totalement sombre et désespéré d’autres films traitant du sujet, il sait le placer dans une histoire, un quotidien et montre des junkies parfois clean et capables d’avoir un semblant de vie, mais un semblant seulement…
Jambalaya
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le 23 nov. 2013

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