Sorti en 2005 et réalisé par Bennett Miller, Truman Capote est un biopic du célèbre écrivain qui se concentre sur la genèse de son non moins célèbre roman De sang-froid. Attention, le film est bien un biopic de Truman Capote et non l'adaptation du roman De sang-froid, qui a d'ailleurs déjà été adapté en 1967 par Richard Brooks. Le film nous montre comment un auteur se sert d'un terrible fait divers pour écrire un livre à succès. Et ce fait divers est pour le moins glaçant, puisqu'il relate le meurtre "de sang-froid" de quatre membre d'une famille par deux marginaux, Perry Smith (Clifton Collins Jr.) et Richard Hickock (Mark Pellegrino). C'est un film qui a des longueurs, qui est assez austère, mais qui sur le fond et sur la forme est passionnant dans son étude de la monstruosité. Et puis, disons-le tout de suite, le regretté Philip Seymour Hoffman est absolument monstrueux (lui aussi) et mérite amplement son Oscar du meilleur acteur.
De 1959 à 1966, toute l'intrigue du film se concentre sur la préparation du roman-vérité De sang-froid, qui relate le meurtre d'une famille entière par deux jeunes hommes désœuvrés. Truman Capote y met toute son énergie, car il sent bien que ça pourrait être l'œuvre d'une vie. Et pour mener à bien son ambition, il se fait aider par son assistante et amie de toujours Nelle Harper Lee (Catherine Keener), elle même autrice à succès et bien plus douée que lui pour les relations publiques. Elle facilite donc beaucoup ses relations avec la population locale et lui est aussi d'une aide précieuse durant son travail de recherches. Il peut également compter sur la collaboration de l'enquêteur en chef Alvin Dewey (Chris Cooper), avec qui il se lie rapidement d'amitié.
L'histoire de l'écriture du roman se révèle être aussi fascinante que le fait divers lui-même et on comprend aisément pourquoi Bennett Miller a voulu en faire le sujet de son film. Durant ses nombreuses interactions avec les deux meurtriers, en attente dans le couloir de la mort, Truman Capote va se lier d'amitié avec l'un d'entre eux, Perry Smith. On ne saura jamais vraiment si cette amitié est sincère ou si elle est seulement motivée par les ambitions de l'auteur. Et tout ça, on le doit à la justesse du jeu de Philip Seymour Hoffman qui ne laisse jamais rien transparaitre de son (double) visage.
Truman Capote est à l'évidence un personnage schizophrénique, conscient des tensions qui le caractérisent et ayant une très haute opinion de lui-même, mais ne pouvant pas s'empêcher d'être touché par la personnalité de Perry Smith. Il aide les deux assassins à se défendre en leur trouvant un avocat qui multiplie les recours, mais il ne perd jamais de vue son ambition d'écrire un pur chef-d'œuvre qui doit révolutionner le genre roman-vérité. C'est pourquoi, au moment où il pourrait encore repousser le moment de leur exécution, il les abandonne parce qu'au bout de sept longues années d'enquête, il détient toutes les informations nécessaires pour (enfin) sortir son roman.
Le film de Bennett Miller n'évite pas certaines longueurs et n'a pas l'ampleur dramatique de La Dernière Marche ou de Les Evadés par exemples, mais l'écriture du film nous tient en haleine jusqu'au bout, même quand on connait déjà l'issue pour les deux assassins (De sang-froid de Richard Brooks est déjà passé par là). Toujours est-il que Bennett Miller et Philip Seymour Hoffman nous font parfaitement ressentir la schizophrénie d'un auteur de génie, personnage à la fois ambigu, manipulateur, distant et aussi proche de ces deux assassins. Mais pour finir, on retiendra surtout la performance magistrale de Philip Seymour Hoffman, un acteur caméléon qui ne recule devant aucune transformation. Et pourtant, il aurait été si facile d'en faire trop et de tomber dans le risible avec un personnage autant maniéré. (7.5/10)