Je préfère le dire d'emblée : il a fallu réaliser d'importantes coupes pour faire tenir les 32 épisodes de 20 minutes que compte Uchû Senshi Baldios en un long-métrage de 2 heures. D'autant que, tout comme Be Invoked (ce genre de remontage est un classique chez Yoshiyuki Tomino), l'équipe a mélangé des séquences d'origine avec des scènes inédites, en particulier pour la fin. Évidemment, cela se voit parfois, avec des détails qui sont vite passés, ou des passages qui paraissent confus ; de la même façon, cela nous empêche de véritablement découvrir les personnages, hormis Marin.
Il faut bien garder cela à l'esprit si vous décidez de regarder ce film, ce que je vous conseille vivement pour peu que vous ne soyez pas allergiques aux vieux animes.
Ceci étant dit, revenons à nous moutons. Je ne sais pas vous, mais je trouve que le synopsis ressemble à un mélange de Albator 78 (Uchû Kaizoku Captain Harlock) et de Goldorak (UFO Robo Grendizer) : nous avons d'un côté un peuple errant dans l'espace et bien décidé à conquérir la Terre pour retourner à une vie normale, et de l'autre un alien bien décidé à défendre notre planète qu'il trouve si belle. Sauf que dans le cas présent, c'est un peu comme si une Mazone (Sylvidre) se retournait contre sa propre race, puisque l'alien qui veut nous sauver vient de la même planète que ceux-là même qui veulent nous exterminer
Mine de rien, cela change pas mal de choses. Marin aura beaucoup de mal à faire accepter sa trahison aux habitants de la Terre, qui ne pourront pas s'empêcher d'imaginer en lui un espion potentiel. La peur et la haine de l'autre sont ici exacerbées par les actions menées par sa race, là où Duke Fleed (Actarus) avait été accueilli de bon cœur par le professeur Umon (Prossion). C'est uniquement car les Blue Fixers, l'équipe chargée de protéger la Terre, a besoin de son appareil alien (avec lequel il a quitté S1) pour compléter leur robot Baldios qu'ils finissent par l'accepter, et encore ses coéquipiers ne lui font qu'une confiance toute relative.
Uchû Senshi Baldios est à la base un anime de robotto ; sans avoir vu la série, je suppose qu'il affronte de nombreux adversaires en combat singulier, sans compter les innombrables navettes ennemies. Néanmoins, l'aspect robotto est fortement occulté pour ce film, pendant lequel nous ne le verrons presque pas : un ou deux combats au moment où ils le mettent en service, et bien entendu à la fin du film, mais ce n'est absolument plus le point central de cette nouvelle version. Dans un sens, ce n'est pas un mal car ce robot n'a rien de bien agréable visuellement...
Ce long-métrage va se concentrer sur le scénario qui se développe dans la série d'origine et ses passages inédits, plus que sur les combats eux-mêmes. C'est la guerre dans son ensemble qui constitue la base de Uchû Senshi Baldios, et non les affrontements spécifiques ; l'homme se retrouve mis en avant au détriment de la machine, et c'est finalement ce qui rend ce long-métrage aussi poignant.
Au-delà de la guerre, cet anime va développer plusieurs autres thèmes, dont la xénophobie évoquée plus haut. Surtout, j'ai été étonné par le grand pessimisme écologique dont fait preuve ce film, même si d'autres titres de la même époque – Terra e de Keiko Takemiya, Nausicaä de la Vallée du Vent (Kaze no Tani no Nausicaä) de Hayao Miyazaki – évoquent les mêmes idées extrêmement fatalistes.
Mais le plus étonnant reste l'incroyable dureté de ce film. J'ai déjà fait plusieurs fois références dans cette page à Be Invoked, car leurs points communs ne s'arrêtent pas à leur format : ce sont deux œuvres poignantes, puissantes, et extrêmement dramatiques, où la mort est omniprésente. Le côté catastrophique et inéluctable de ce qui arrive aux personnages et à la Terre atteint une ampleur quasi-inimaginable, et vous pouvez me croire : j'en suis carrément resté sur le derrière (pour ne pas dire autre chose). J'ajouterais même qu'il m'a fallu plusieurs minutes après la fin du film pour revenir à mes esprits, tant il est stupéfiant. Et pour moi, c'est le signe d'un très grand anime.
L'équipe de Uchû Senshi Baldios avait une sacrée paire de couilles, parce que pour atteindre un tel résultat, il fallait oser.
Niveau équipe, justement, pas de quoi s'extasier particulièrement ; les noms connus se cantonnent au casting de seiyuus, avec en particulier Kaneto Shiozawa (Paul von Oberstein dans GinEiDen).
Le réalisateur Kazuyuki Hirokawa n'a que peu de faits d'arme à son actif, Uchû Senshi Baldios restant son plus gros projet, aux côtés de Muteki Choujin Zanbot 3, anime pour lequel il a réalisé plusieurs épisodes. Il en va de même pour Akiyoshi Sakai, puisqu'il s'agit du seul anime pour lequel il soit l'auteur de l'histoire originale ; ce qui ne l'a pas empêché de travailler comme scénariste sur de nombreux séries comme Voltron et Tokimeki Tonight. Le chara design est signé Osamu Kamijô, et malgré sa grande qualité, il s'agit d'une des rares fois où il a été sollicité à ce poste (en dehors de quelques noms célèbres, les chara designers sont généralement des animateurs choisis par le réalisateur selon des croquis préalables).
L'absence de « grands » noms n'implique absolument pas une mauvaise qualité technique pour cet anime. Comme je l'ai mentionné, le chara design est agréable – il me rappelle un peu le trait de Akio Sugino. De même, les thèmes musicaux sont réussis. Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue que ce film date de 1981, et qu'il reprend de nombreux plans créés pour une série télévisée, donc disposant d'un plus faible budget qu'un long-métrage. Donc il ne faut pas attendre des merveilles du côté de l'animation, et le style graphique d'ensemble pourra rebuter le spectateur habitué aux productions les plus modernes. Pour ma part, cela ne me dérange pas, j'ai même un faible pour les traits exagérés pour marquer les émotions, et pour les plans fixes très détaillés utilisés pour économiser l'animation.
J'ai adoré ce film, qui non seulement reprend de nombreux aspects que je peux aimer dans les productions du début des années 80, mais qui surtout arrive à surprendre le spectateur par ses thèmes forts, la puissance de son scénario, sa violence aussi effroyable que dramatique, et son final démesuré. Il s'agit d'un anime très dur, mais absolument magnifique.
Ninesisters

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