Ultras
5.7
Ultras

Film VOD (vidéo à la demande) de Francesco Lettieri (2020)

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Tu es ma vie, mais j’aime encore plus les azzurri !

Adossée à une crique napolitaine, une petite église vétuste célèbre le mariage d’un ultra. Au milieu des applaudissements et jets de riz joviaux des invités, les apaches entonnent un chant viril et belliqueux : « Ma femme m’a demandé, que suis-je pour toi ? Tu es ma vie, mais j’aime encore plus les azzurri ! [surnom de l'équipe du SSC Napoli] ».
Voilà comment s'ouvre le film Ultras, qui est une excellente découverte parmi les projets européens de Netflix !


Le film est écrit par son réalisateur, Francesco Lettieri, qui signe son premier long-métrage. Il est épaulé par Peppe Fiore, un auteur plus expérimenté puisqu’il avait co-écrit avec Paolo Sorrentino les épisodes de la série The Young Pope, et co-écrit 24 des 36 épisodes de la série Squadra criminale.
Le film est en effet très bien écrit. On retrouve ici toutes les caractéristiques du Drame : on suit des personnages ordinaires, confrontés à des problèmes et conflits personnels, dans le climat social difficile des quartiers populaires napolitains. Ce film aborde la thématique de la rédemption, à travers le personnage de Sandro qui tente désespérément de fuir son passé de hooligan. Il se rapproche à ce titre d’autres œuvres comme L’impasse de Brian de Palma ou American History X de Tony Kaye.
La structure du récit est maîtrisée, ainsi que les différentes arches narratives en son sein. L’exposition est efficace, dès le début, on comprend que Sandro est face à un dilemme : continuer de vouer sa vie aux apaches ou quitter sa vie d’ultra. Les trois grandes arches narratives : la lutte de pouvoir au sein des apaches, les hésitations d'un adolescent et la romance se conjuguent à la perfection. Ensemble, elles font évoluer le conflit intérieur du protagoniste tout au long du film.
Les auteurs jouent avec l’espace et le temps de leur narration. Ils nous guident à travers différents lieux de Naples, qui caractérisent parfaitement leurs personnages et le cadre social du récit. La timeline suit le calendrier de la Série A, rappelé par les convocations policières de Sandro chaque journée de championnat.
L’action tient en haleine de bout en bout grâce à une écriture soignée, qui ne laisse aucune place à l’incohérence ou au doute. De plus, le scénario n’oublie pas d’enrichir le texte de nombreuses références à la culture italienne, notamment à la cuisine, aux tensions régionales ou encore aux violences policières.


La mise en scène et réalisation technique sont plaisantes. Francesco Lettieri n’invente rien, mais présente un travail de qualité. On peut saluer sa direction d’acteurs qui rend crédible et réaliste cette fiction. Il est aidé d'une grande performance d’Aniello Arena (Sandro), un acteur qui n’a aucun mal à incarner un ultra impétueux car il a lui-même été condamné en 1991 à perpétuité après une fusillade mortelle dans la banlieue de Naples. Le film possède quelques dialogues presque poétiques au milieu du langage familier des personnages.
La réalisation de Lettieri est très suggestive, de nombreux plans sont lourds de sens et illustrent parfaitement les intentions du scénario. Cela participe activement à donner une cohérence forte au film : on ne voit pas passer les 1h49 ! Le réalisateur n’en oublie pas moins de s’attarder sur des plans purement esthétiques également, comme le panoramique d’ouverture ou les magnifiques travelings au-dessus de la mer Tyrrhénienne à la fin.
Les scènes de rixes filmées en caméra à l’épaule sont très réussies. Le film comporte aussi des scènes plus gaies, comme une escapade sur l’île d’Ischia à une quarantaine de kilomètres du centre de Naples, ou un magnifique passage où le Caruso de Lucio Dalla est chanté sur la baie ensoleillée : la luminosité augmente, la colorimétrie se contraste, quelques contrejours surprennent. Le réalisateur alterne aussi à merveille le rythme du montage selon la tension et l’état d’esprit de ses personnages.


Malgré les critiques évidentes que l’on peut faire au film, qui sont liées à son modèle économique (comme les nombreux placements de produits), Ultras reste un bon film, agréable à visionner. Cependant, il est vrai que ce film a été produit pour le petit écran, ce n’est donc pas un film très intéressant pour son travail sur le son.
Si vous êtes à la recherche d’un film qui prend des risques en termes d’écriture et de réalisation, vous allez être déçu. Si vous voulez voir un film engagé, qui prend parti sur la question de la violence dans les stades : ce n’est pas ce qu’essaie de faire le film.
Ultras est un film italien, qui n’a d’autre ambition que de vous faire passer un bon moment !

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7

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Créée

le 29 nov. 2020

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