Le terme péplum semble bien désuet aujourd’hui et il évoque chez beaucoup des héros en petite jupette ou des drapés élégants sur corps musclés et belles sylphides, héros et héroïnes qui vont connaître des aventures mythologiques, subir l’explosion du Vésuve ou se battre dans des guerres puniques.


Mais le péplum évoque aussi des grands films bibliques, sous-genre du péplum, et acquiert une dimension épique, romantique et religieuse dans ces sommets que sont Ben Hur, Quo Vadis ou Les 10 commandements.


Le cinéma italien, terre de prédilection du genre, va produire plus de 180 péplums entre 1946 et 1966. Avant de se tourner vers les westerns et les films du genre giallo, généralement moins coûteux, l’Italie va se passionner pour ce style qu’elle commence à exploiter dès les débuts du cinéma.


Les réalisateurs des années 10-20 rivalisent en effet déjà des deux côtés de l’Atlantique dans ce domaine, ce qui laisse rêveur sur le nombre de films tournés. Cecil B. De Mille réalise aux Etats-Unis toute une série de péplums, faisant construire de gigantesques décors près de Los Angeles et dirigeant des milliers de figurants dans Les Dix commandements – 1923 – ou Le Roi des rois -1927-.
En Autriche, Michael Curtiz réalise Sodome et Gomorre puis L’esclave reine, battant même Cecil B. de Mille dans le gigantisme de ses tournages – j’avais déjà évoqué les monumentales réalisations du muet et leurs prodigieuses figurations dans ma critique de L’esclave reine, film réunissant 5 000 figurants-.
En Italie Giovanni Patrone tourne en 1914 le gigantesque Cabiria, considéré comme un modèle du genre.


Les péplums italiens se raréfient cependant jusqu’aux années 50 où les grandes réalisations américaines vont faire renaître le style.
Les nombreuses productions vont se révéler de qualités très diverses selon le genre de péplum : héros mythologiques, films bibliques ou films historiques.
De multiples acteurs vont traverser le péplum italien, qu’ils en aient fait leur spécialité comme Steeve Reeves ou Gordon Scott, ou qu’ils soient simplement passés comme Michèle Morgan, Michel Simon ou encore, plus surprenant, Serge Gainsbourg, qui figurera dans trois d’entre eux (je vous laisse rechercher les noms).
Kirk Douglas lui-même va s’essayer au genre, lui donnant un de ses rôles les plus enthousiasmants et le motivant sans doute par la suite à tourner Spartacus.


Voir Kirk tourner dans un film italien peut surprendre au milieu de sa filmographie, principalement américaine. La raison porte un nom, Pier Angeli, rencontrée lors du tournage du film à sketches Histoire de trois amours de Vincente Minnelli et Gottfried Reinhardt, où Kirk incarne un trapéziste amoureux de sa partenaire. Suivant Pier en Europe, il aura l’occasion d’y tourner trois films, et rencontrera celle qui deviendra sa femme pour les 67 ans à venir, Anne Buydens.


Revenons-en à présent au péplum tourné par Kirk en 1953, Ulysse, réalisé par Mario Camerini et financé par les studios hollywoodiens.
Le film mêle les genres mythologie, fantasy, aventures et drame. Inspiré des écrits d’Homère, il se centre sur la destinée d’Ulysse, après le siège de Troie, où grâce à sa ruse, il réussit à vaincre les troyens. Personnage orgueilleux et incontrôlable, il va alors défier les dieux, notamment Poséidon, ce qui est, bien sûr, une erreur fatale lorsque l’on doit entreprendre un long voyage en mer. L’absence d’Ulysse durera vingt ans.


Le film s’attache tout d’abord à nous présenter le personnage de Pénélope, belle et digne femme, toujours fidèle à son lointain époux, bien qu’assiégée par une meute de prétendants avides et paillards.
Ses pensées vont toujours vers Ulysse que l’on découvre bientôt échoué seul sur une plage, ayant perdu ses compagnons et sa mémoire.
Son épopée nous sera racontée alors que ses souvenirs reviennent peu à peu, un jour qu’il contemple la mer, le jour même où il s’apprête à épouser la belle Nausicaa, fille du Roi du lieu.


Réalisé avec des moyens plutôt limités, le film présente de manière concise, un peu trop parfois, quelques-unes des aventures du héros. Son style de narration, ses couleurs et décors ainsi que la présence de deux grands acteurs américains – Kirk Douglas est accompagné d’Anthony Quinn – permettent de donner une dimension épique et une réelle qualité au film, malgré sa durée assez courte.


Les aventures liées au Cyclope, aux Sirènes, à Circé et à Nausicaa sont les seuls épisodes qui seront évoqués, parfois de façon assez détaillée, notamment la rencontre de Polyphème, parfois de façon plus concise, comme le séjour chez Circé.
On pardonnera certaines naïvetés du scénario comme le jus de raisin, devenant instantanément du vin qui rendra le Cyclope totalement ivre.
Certains moments sont particulièrement réussis comme l’histoire du rocher des sirènes où l’image d’Ulysse, ligoté au mat pour s’empêcher de répondre à l’appel des tentatrices, demeure dans les mémoires.


Sourire carnassier, regard ardent et frénésie quasi incessante – sauf lorsqu’il se réveille amnésique -, Kirk Douglas campe un Ulysse particulièrement réussi et marquant.
Sylvana Mangano dans le double rôle de Pénélope et de Circé est impériale et Anthony Quinn en prétendant plein de morgue est étincelant.
Un beau classique du film d’aventures et du péplum.


Critique de L'esclave reine de Michael Curtiz :
https://www.senscritique.com/film/L_Esclave_reine/critique/142003829

m-claudine1
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le 21 févr. 2020

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m-claudine1

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