A patch of kindness

Selina est une jeune femme aveugle vivant avec sa mère et son grand père, enfin vivant est un bien grand mot. La mère est une trainée absolument exécrable, elle traite sa fille comme une moins que rien, profitant de son handicap pour en faire d'elle ce qu'elle veut. Le grand père est un poivrot notoire, il est là presque sans le vouloir mais faute de mieux...c'est un parasite plus qu'autre chose. Tant qu'il arrive à mettre un pied devant l'autre pour aller se beurrer la gueule au troquet du coin. Il n'interfère pas vraiment dans cette malveillance mère fille, c'est un lâche mais parfois il réalise une bonne action, même si il ne s'en rend pas vraiment compte.

Selina, comme le reste de sa famille finalement, a une vie misérable. Elle se tape les corvées dans ce taudis miteux où elle est cloitrée jour et nuit. Vous avez dit Cendrillon? On n'en est pas loin. Elle est laissée pour compte, elle n'y voit rien donc elle ne sert à rien. L'ignorance totale, qui dans un sens a du bon, car être aveugle lui offre au moins le répit de ne pas voir dans quelle monde hideux elle vit. Elle est déconnectée, totalement innocente, limite sotte avec ses perles qu'elle trimballe pour confectionner des colliers. Les enfiler l'une après l'autre, encore et toujours, dans la monotonie la plus totale. Totalement mise à l'écart de ce qui l'entoure, Selina n'ayant jamais reçu la moindre éducation.

Mais elle a en elle ce désir de liberté. Rien de bien extraordinaire pour n'importe quel quidam mais elle va la trouver...au parc. Elle tanne son grand père pour y aller, la mère refuse catégoriquement lui expliquant à quel point son visage d'aveugle était laid (alors que c'est bien évidemment faux), mais elle promet de faire toutes ses taches et de confectionner encore plus de colliers. Le grand père finit par l'y amener, contre l'avis de sa fille. Pendant que celle ci profite de sa journée au parc, adossée à un arbre à enfiler ses perles, elle rencontre Gordon. Rencontre qui va changer radicalement le cours de sa vie. Gordon va se montrer bienveillant tout en ressentant de l'affection pour cette jeune aveugle totalement perdue. Une perspective, une échappatoire à un quotidien terriblement morne.

Le film soulève plusieurs lièvres à la fois. On pourrait s'arrêter uniquement sur l'aspect racial, faire un film de ce type dans les années 60 avec un contexte particulier est assez audacieux. Au delà de ça, la relation entre Selina et Gordon est singulière également de par la différence d'âge. Gordon est dans une situation assez inconfortable à priori. On pourrait penser qu'il profite d'elle, de son handicap, alors qu'il fait juste preuve de bonté et gentillesse. Il trouve du plaisir à éduquer Selina. Lui apprenant à s'orienter, lui faisant découvrir de nouvelles choses. Il ouvre des portes qu'elle est ravie de pouvoir franchir. il y a du respect et de la considération, de la tolérance. Et c'est surtout ça que ce film montre. C'est plein de bons sentiments, et ça fait du bien. Le duo est remarquable. Guy Green le réalisateur a choisi de tourner le film en noir et blanc, pour renforcer la symbolique certainement, et il a eu raison.

Sidney Poitier est remarquable, quel acteur. La beauté et l'assurance, il irradie. Elizabeth Hartman est fabuleuse également, je ne connaissais absolument pas, malheureusement elle a eu une vie et une carrière assez courtes. C'est son seul film notoire malgré son talent. Bien dommage.