Les Partisans et celui qui ne prenait pas parti


  1. Des résistants attaquent une prison et libèrent douze de leurs compagnons. Or, ils réalisent tardivement qu'il y a un 13ème condamné dans le groupe, "un homme de trop" que personne ne connaît. Cet homme est immédiatement suspecté d'être un espion des Allemands, mais lui prétend ne pas se soucier de politique...


    Pour son 2ème film, Costa-Gavras offre au spectateur une pléiade d'acteurs franchement réjouissante: Jacques Perrin, François Perrier, Michel Piccoli, Bruno Cremer, Jean-Claude Brialy, Charles Vanel, Patrick Préjean,... On peut trouver que certains sont sous-employés, mais chacun apporte, même modestement, une touche personnelle, un personnage bien caractérisé à cette oeuvre chorale, que ce soit Claude Brasseur en érotomane jovial ou Charles Vanel en aïeul dont les interventions allègent un peu la tension du film.


    Authentique film d'action à l'américaine, Un Homme de trop ne va pas sans quelques invraisemblances, mais est surtout extrêmement efficace. S'il ne manque ni d'humour ni de spectaculaire (Cremer la mitrailleuse à la main, sur fond de grand-place et de clocher, l'attaque de la prison puis celle du maquis,...), il sait aussi être grave, présentant des hommes qui, confrontés à l'urgence et au danger, doivent pourtant prendre des décisions moralement difficiles, ou qui sont confrontés à une mort brutale et douloureuse – le personnage du jeune milicien livre un itinéraire tragique et inconfortable pour le spectateur. Et Jean (Jean-Claude Brialy) reste jusqu'au bout un combattant acharné, préférant se jeter dans le vide en entraînant un soldat allemand avec lui.


    Costa-Gavras caractérise donc bien ses personnages, et le trio de chefs, complémentaires, n'échappe bien sûr pas à la règle: il y a Jean, dont le nom et l'allure ne sont pas sans rappeler Jean Moulin, qui est un chevalier blanc de la Résistance et n'est pas loin d'être un fanatique, et, à l'autre extrémité, Thomas (Gérard Blain), celui qui doute, réfléchit et s'interroge; entre les deux, Casal (Bruno Cremer), le pragmatique. Dans ce film de groupe, l'homme de trop (Michel Piccoli) détonne: au milieu de résistants qui le menacent et luttent les armes à la main, lui garde toujours la même désinvolture (et la même veste) malgré une série d'ennuis qui ne datent pas de la veille ! Farouche individualiste qui renvoie dos à dos tous ceux qui sont prêts à tuer pour leurs idées, il ne répond pas aux questions ou bien de manière biaisée; homme à part, indéfinissable, il restera "le type" dans la bouche de ses "hôtes", même si l'on connaît son nom – Louis Robert -, prononcé une seule fois durant tout le film. Mais peut-on se permettre de ne pas choisir dans un contexte pareil ? Néanmoins, il a souvent un comportement exemplaire, qui ne lui vaudra pas le moindre merci, qu'il se fasse messager ou infirmier, ou encore qu'il mette une gamine à l'abri lors d'une fusillade, au péril de sa propre vie.


    Jean, partisan de son exécution, ne comprendra qu'in fine sa valeur, lorsque celui-ci ne le dénoncera pas aux Allemands, malgré les avantages qu'il aurait pu en tirer. Le film s'achève douloureusement sur la destruction du maquis et une fin ouverte. Beaucoup sont morts, on ne saura pas si Casal et "le type" s'en sortiront finalement. Cet homme qui refuse de s'engager finira le film encore une fois dans une situation inconfortable et intermédiaire, suspendu sous un viaduc entre ciel et terre, entre les Allemands et le vide. On pourrait ne pas donner cher de sa peau, mais on a vu que l'homme, s'il a un talent certain pour attirer les ennuis, en a tout autant pour y échapper.


Drustan
8
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le 17 avr. 2021

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