La chanson commençait comme cela:

Une minijupe, deux bottes Courèges / Un bidonville et deux Mireille / Une nouvelle Piaf, un p’tit oiseau de toutes les couleurs / Une nouvelle Darc qui brûle les planches / Une religieuse, un Cacharel / Des cheveux longs, des idées courtes / Un vieux Paris, un Paris 2 / Des paravents à l’Odéon, un palmarès de la chanson / Et toujours , le même président

Même en l’absence de musique on aura reconnu « Inventaire 66 » de Michel Delpech. Lui-même en parle ainsi :

J’ai pris ce qui faisait l’actualité, ce qui était à la mode,dans l’air du temps, quoi. J’ai assemblé les pièces du puzzle, j’ai ajouté la phrase : et toujours le même président, qui résumait ce que pensaient les jeunes après l’échec de Mitterrand face à de Gaulle . Je me suis beaucoup amusé à écrire cette chanson, ça venait tout seul, un jeu.

L’air du temps nous dit Michel Delpech . Tels sont les maîtres-mots qui s’imposent également ici. Avant d’aller plus loin écoutons encore le deuxième couplet.

Une guerre au Vietnam, un mariage en Hollande / Pour bientôt un p’ti Smet et la mort d’un poète / Caméra sur la lune, un drugstore Opéra / Des chemises à fleurs, un étrangleur / Une bombe dans la mer, opération Tonnerre / Juanita Banana, un four à l’opéra / Un homme et une femme au festival de Cannes / Un Tabarin en moins, un Paladium en bus / Et toujours le même président

Nous y voilà. Entre la chanson « Juanita Banana » interprétée par Henri Salvador et le Bus Palladium, à l’époque le nouveau temple parisien du rock, s’intercale « Un homme et une femme » qui obtiendra la palme d’or au festival de Cannes 1966. Cinquante-six ans plus tard de quelle manière peut-on encore en parler?

Un premier handicap apparait d’emblée . Certains, en effet, ont peut-être en mémoire cette scène de « La bonne année » où Claude Lelouch s’était plu à railler les critiques par la voix de Lino Ventura. De quoi freiner toute velléité de commentaires à son endroit. Que diable! Passons outre à cet interdit et pour débuter feuilletons quelques publications.

Dans le numéro de décembre 1962 les lecteurs des « Cahiers du cinéma » pouvaient découvrir le dictionnaire des nouveaux cinéastes français . En guise d’introduction la revue donnait les précisions suivantes :

En second lieu, le traditionnel dictionnaire. Il comprend cent soixante-deux noms de nouveaux metteurs en scène français-nombre qui pourra paraître très élevé, mais il faut dire qu’aucune considération esthétique n’a limité notre choix. Les jugements que nous y portons ont cherché à éviter tout parti pris d’indulgence ou de sévérité, sans pour autant se refuser de marquer le plus nettement possible les degrés de l’intérêt que ces différents noms éveillaient en nous.

Sur Claude Lelouch l’opinion des « Cahiers » était alors celle-ci :

Scénariste, dialoguiste, réalisateur, opérateur-bref : auteur complet; c’est le plus récent exemple de l’épigone ahuri. Prenant Godard pour un improvisateur et Rouch pour un coureur de fond, il ballade au petit bon ou mal - heur sa caméra, filmant n’importe quoi n’importe comment. Si vous n’aimez pas ça, n’en dégoutez pas les autres, semble penser la T.V. américaine, qui lui a proposé de montrer les U.S.A. à la manière dont il a montré Paris. Grand bien leur fasse.

Poursuivons ce survol des dictionnaires avec cette fois-ci Roger Boussinot qui a dirigé la rédaction de « L’ Encyclopédie du cinéma » parue en 1967 chez Bordas. A la rubrique « Lelouch Claude » on lit ceci :

Réalisateur français, né à Paris le 30 octobre 1937, Claude Lelouch est subitement devenu à 29 ans l’un des jeunes cinéastes les plus en vue du cinéma français au double point de vue artistique et commercial grâce à son troisième film de long-métrage : Un homme et une femme, palme d’or du festival de Cannes 1966 (ex aequo avec le Falstaff d’Orson Welles ). Il est le meilleur représentant, avec Jean-Luc Godard, de cette école nouvelle qui profite à plein de la liberté créatrice offerte par la technique moderne : caméras légères, émulsions ultrasensibles qui modifient profondément l’esthétique cinématographique en reléguant dans le passé le lourd appareillage de la réalisation en studios et la construction dramatique en scènes. Admirable technicien ( formé par le cinéma dit d’amateur, puis par le S.C.A et par le film publicitaire), Claude Lelouch a poussé très avant la recherche de la spontanéité non seulement dans la composition de l’image qu’il cadre lui-même pendant les séquences d’action, mais dans la confiance faite aux acteurs. Toutefois, la manifestation de la personnalité de l’auteur de film est limitée à cette évolution de la technique et de la forme; le fond, le propos de cet auteur, demeure assujetti aux conventions du cinéma conçu comme un spectacle et, plus encore, aux conventions du milieu social. De ce point de vue, Un homme et une femme a aussi peu de consistance que les nouvelles habituellement publiées par la presse dite « du coeur », et la philosophie est celle des émotions petites-bourgeoises. Ce film, qui raconte une simple rencontre entre deux êtres, fait de l’homme un coureur automobile et de la femme une script-girl veuve d’un…cascadeur de cinéma : toute la mythologie moderne de « distraction ». Le précédent film de Claude Lelouch, Une Fille et des Fusils ( 1963 ) participait d’une mythologie semblable: celle de la jeunesse délinquante, mais avec un humour amer, critique, qui laisse mieux augurer de son oeuvre future qu’un Homme et une femme, dans la mesure où ce dernier film aura mis au point la recherche technique de l’auteur et où celui-ci s’attachera à la consistance de ses sujets.

Dernière occurrence, le troisième tome du « Dictionnaire du cinéma » publié en 1992 par Robert Laffont dans sa collection « Bouquins ». Dans ce volume-là Jacques Lourcelles analyse quelque trois mille films de toutes langues et de toutes nationalités. En cherchant parmi cette multitude on y trouve « Viva la vie » de Claude Lelouch qui date de 1984 :

Le plus au second degré des films d’un réalisateur qui a toujours incarné dans le cinéma français ce que le premier degré a de plus frustre et de plus racoleur. Depuis ses débuts, Lelouch manifeste un plaisir évident, et parfois communicatif, à filmer, raconter une histoire, diriger des acteurs, choisir ses cadrages, etc. Le malheur veut que cette passion ait du mal à se mettre au service de quelque chose qui ne soit pas un poncif, une idée reçue, une fausse vérité. La généralité des titres cache - à peine - le vide vertigineux de l’inspiration. Ici, dans une fiction au prétexte si vaste ( sauver l’humanité ) qu’il autorise les développements les plus risqués et les plus saugrenus, Lelouch parle du mensonge, de la mise en scène considérée comme une illusion, de la communication universelle assimilée à un gigantesque coup de bluff. Il parle en fait un peu de lui-même.

Pour qui, de façon inexplicable, comme l’auteur de ces lignes, n’a découvert que tout récemment « Un homme et une femme » l’impression est certes différente de celle des spectateurs de la première heure. On est tenté de la résumer par le titre d’un autre long métrage de Lelouch, « Tout ça…pour ça ! ». D’aucuns auraient naguère probablement parlé du Canada Dry, cette boisson qui, selon le slogan publicitaire, a la couleur de l’alcool, le goût de l’alcool mais n’est pas de l’alcool. Après avoir vu « Un homme et une femme » on ne peut en effet se départir du sentiment qu’il ne s’agit pas d’un film alors même qu’il en a les apparences. Aucun doute là-dessus, de prime abord, il y a bien une histoire, des images et du mouvement. La première est connue. En voici néanmoins un assez plaisant rappel:

Claude Lelouch met en scène Anouk Aimé et Jean-Louis Trintignant dans Un homme et une femme qui remporte la palme d’or au festival de Cannes 1966. Le film raconte l’histoire de deux veufs inconsolables qui se rencontrent, se croisent, puis finissent par s’aimer sur fond de dabadabada, badabadaba.

Au risque, par-delà les ans, d’encourir les foudres du personnage incarné par Lino Ventura force est d’avouer qu’il est difficile d’être touché par cette romance. Le talent des acteurs n’étant pas en cause il faut donc rechercher ailleurs les raisons de cette déconvenue. La première tient au fait que les principaux concernés, tels qu’ils sont dépeints, n’offrent au bout du compte ni réelle épaisseur, ni vraie vie intérieure, n’étant appréhendés que sous le seul angle de leur profession, un coureur automobile, une script-girl ou un cascadeur. Une pareille approche, faite de clichés, rend dès lors illusoire la survenance d’une émotion véritable au détour d’une scène. La deuxième raison réside dans l’inadéquation entre ce qui nous est montré et ce qui est sensé nous être conté. Plutôt que de scruter une passion naissante, la caméra virevoltante préfère suivre les incessants déplacements des véhicules conduits par Jean-Louis Trintignant alias Jean-Louis Duroc. Des questions viennent naturellement à l’esprit. Pourquoi un tel engouement pour cette réalisation-là? Pourquoi la palme d’or à Cannes?

Il est tentant d’y répondre par une pirouette en faisant appel à Michel Audiard. En 1964 déjà, avec son humour légendaire, il déclarait :

Le Festival de Cannes a correspondu à quelque chose à sa création, mais maintenant c’est devenu une foire amusante. D’ailleurs, si elle se passait à Hénin-Liétard, il n’y aurait personne. ( Revue des deux mondes, juillet-août 2022, p. 103 )

Allons au-delà de cette boutade. A y regarder de près l’enthousiasme suscité par « Un homme et une femme « s’inscrit dans l’optimisme de cette période de croissance d’après-guerre que Jean Fourastié a appelé « Les trente glorieuses ». Durant ces années-là qui s’achèveront avec le premier choc pétrolier s’est accomplie une véritable révolution silencieuse dont les changements économiques et sociaux ont conduit au passage de la France et de l’Europe de l’Ouest à la société de consommation. Si Fourastié en a décrit le processus, Roland Barthes, lui, a su saisir les mythes nés avec cette transformation. Parmi ceux-ci la voiture. A la rubrique « La nouvelle Citroën » de son ouvrage « Mythologies » on y lit ceci:

Je crois que l’automobile est aujourd’hui l’équivalent assez exact des grandes cathédrales gothiques: je veux dire une grande création d’époque, conçue passionnément par des artistes inconnus, consommée dans son image, sinon dans son usage, par un peuple entier qui s’approprie en elle un objet parfaitement magique. La nouvelle Citroën tombe manifestement du ciel dans la mesure où elle se présente d’abord comme un objet superlatif.

Et Roland Barthes de terminer un peu plus loin :

Dans les halls d’exposition, la voiture témoin est visitée avec une application intense, amoureuse: c’est la grande phase tactile de la découverte, le moment où le merveilleux visuel va subir l’assaut raisonnant du toucher (car le toucher est le plus démystificateur de tous les sens, au contraire de la vue qui est plus magique) : les tôles, les joints sont touchés, les rembourrages palpés, les sièges essayés, les portes caressées, les coussins pelotés; devant le volant, on mime la conduite avec tout le corps. L’objet est ici totalement prostitué, approprié: partie du ciel de Metropolis, la Déesse est en un quart d’heure médiatisée, accomplissant dans cet exorcisme, le mouvement même de la promotion petite-bourgeoise. ( Mythologies, Editions du Seuil, p.152)

Ce mythe-là ainsi décrypté par Roland Barthes connaîtra une consécration officielle un an après la sortie d’ « Un homme et d’une femme ». Le 22 décembre 1967, en effet, Georges Pompidou, alors Premier ministre, inaugurait à Paris la voie express rive droite. Cet aménagement au bord de la Seine d’une autoroute urbaine traversant la capitale d’ouest en est, du pont du Garigliano au pont National, était l’accomplissement du mot d’ordre pompidolien selon lequel la ville devait s’adapter à la voiture. Ironie de l’histoire, cinquante ans plus tard jour pour jour cette même voie, dans sa partie centrale, a été rendue aux piétons et aux cyclistes signifiant ainsi la fin de la politique du tout voiture. Autres temps, autres moeurs. Mais revenons en arrière, à l’époque où, comme l’écrivait Roland Barthes, l’automobile était encore « un objet parfaitement magique » et qu’elle était « consommée dans son image ». Chacun imagine dès lors sans peine la place qu’y a tenu le cinéma. « Un homme et une femme » en est l’illustration. Avec le recul, on est frappé par l’omniprésence de la voiture dans ce récit. Au point qu’à « l’histoire d’amour comme il y en a dans la vie » qu’a voulu conter le réalisateur se superpose une véritable ode à la mythique Ford Mustang pilotée par Jean-Louis Trintignant. Notons au passage qu’elle sera également chantée en 1968 par Serge Gainsbourg. Histoire de se remémorer la chanson, un zeste de celle-ci avec le premier couplet:

On se fait des langues en Ford Mustang / Et bang , on embrasse les platanes / Mus -à gauche, - Tang à droite / Et à gauche, à droite

Ainsi qu’a pu le souligner Jacques Lourcelles, Claude Lelouch prend effectivement plaisir à filmer. Qu’importe qu’il en perde le fil de sa narration si ces pas de côté lui permettent, comme dans « Un homme et une femme », de participer avec sa caméra au rallye de Monte-Carlo ou de suivre le va-et-vient de Paris à Deauville d’un véhicule de rêve. Il est permis de penser que ce plaisir-là du réalisateur est entré en résonance avec celui des spectateurs d’alors auxquels il était ainsi donné de partager un « merveilleux visuel ». De la même manière, aussi singulier que cela puisse paraître, le succès en 1965 du film »Le Corniaud » de Gérard Oury peut pareillement s’expliquer à partir de ce mythe de l’automobile. Certes la présence d’acteurs comme Bourvil et Louis de Funés compte pour beaucoup dans la réussite de ce film comique mais s’y ajoute aussi cette jubilation iconoclaste pour le public de voir briser une idole. Souvenons-nous que d’entrée de jeu la 2 CV au volant de laquelle se trouve Bourvil est littéralement démantibulée en plein Paris, percutée par la Rolls Royce de Louis de Funés. Par la suite la Cadillac décapotable confiée au premier par le second en dédommagement sera, elle, peu à peu dépecée au fur et à mesure des pérégrinations menant Bourvil de Naples à Bordeaux. Autrement dit, d’une réalisation à l’autre, deux faces d’une même médaille. On conviendra volontiers que cette première approche mérite d’être complétée.

Aujourd’hui encore nombreux sont ceux qui de manière quasi automatique, associent « Un homme et une femme » à ce fameux « chabadabada ». La persistance de ce leitmotiv dans la mémoire commune nous met sur une deuxième piste, celle de la musique. C’est elle en effet qui donne sa cohérence à la profusion d’images agencées à la va-comme-je-te-pousse. C’est elle aussi qui permet de s’attacher à ce couple improbable que Roger Boussinot comparait à ceux de la presse dite du coeur. Les artisans de cette alchimie musicale ont bien sûr un nom, Francis Lai et Pierre Barouh, respectivement compositeur et parolier. Il serait évidemment cavalier d’oublier ici Nicole Croisille au timbre si prenant qui, avec Pierre Barouh, a interprété la chanson phare de la romance imaginée par Claude Lelouch. « Un homme et une femme », c’est autant deux voix réunies par une mélodie que deux acteurs ensemble sur l’écran. Si la bande originale et notamment le thème principal ont été composés par Francis Lai, Pierre Barouh a pu néanmoins apporter sa propre touche musicale. Quel enchantement, de nos jours encore, que l’écoute de sa chanson « Samba Saravah » qu’il a adapté pour l’occasion de la «Samba Da Bensao » créée quelques années auparavant par Vinicius de Moraes et Baden Powell. Mais Saravah est aussi le nom de cette merveilleuse maison de disques fondée en 1965 par Pierre Barouh grâce à laquelle nombre d’artistes ont eu la possibilité d’enregistrer leurs compositions et de débuter leur carrière. Parmi tant d’autres Jacques Higelin, Brigitte Fontaine, Areski ou David Mac Neil.

Et voilà qu’à force de parler de musique et de musiciens s’ouvre une nouvelle voie susceptible d’expliquer l’attrait qu’a pu exercer «Un homme et une femme » sur son public. Rappelons, au risque d’enfoncer une porte ouverte, que l’image est la matière première du film à quoi se sont ajoutés ensuite le dialogue et le commentaire musical ou la correspondance musicale de l’action. Une inversion s’est cependant produite lorsque l’image, perdant son statut privilégié, est devenue le support visuel d’un morceau de musique ou d’une chanson. Cette mutation est grosso modo celle allant du scopitone au clip. Entre les deux, tel un maillon hybride, « Un homme et une femme ». Les nostalgiques de la période yéyé ont probablement en mémoire ce singulier jukebox surmonté d’un écran en verre dépoli. Le fameux scopitone. Ce terme désignant à la fois l’appareil lui-même commercialisé à partir de 1960 par la société Cameca et les courts-métrages en couleur illustrant les chansons sélectionnées. Ces illustrations filmées d’une longueur maximale de cinquante mètres étaient tournées en 35mm puis réduites au format 16mm. Il n’est pas sans intérêt de relever que Claude Lelouch a réalisé pas moins de soixante cinq de ces scopitones. Un apprentissage sur le tas à coup sûr formateur mais dont il est permis de penser qu’il a laissé des traces chez l’élève dans sa manière de concevoir le métier. Une décennie plus tard, grâce à la vidéo, au tour du clip de faire son apparition sur le marché . Il connaitra sa consécration dans les années 80 avec la multiplication des chaines de télévisions dont certaines spécialement consacrées à la diffusion en continu de ce nouveau média. Un univers prolifique et varié non dépourvu, il est vrai, d’incontestables pépites comme « Thriller » de Michael Jackson mis en images par John Landis ou comme les réalisations léchées de Laurent Boutonnat pour Mylène Farmer. Derrière cette indéniable diversité il est possible de repérer quelques constantes qui iront du reste en s’affermissant: la primauté de la chanson dictant par là même l’histoire, une corrélation de plus en plus ténue entre le mouvement des acteurs et le développement de la narration et des images devenues purement ornementales souvent semblables à celles changeantes que peut nous offrir de façon aléatoire un kaléidoscope. Ces éléments là, bien que très atténués, sont déjà en germe dans « Un homme et une femme ». N’est-ce pas ce que suggéraient en filigrane ces quelques lignes de Jean-Pierre Jeancolas tirées de son ouvrage « Le cinéma des Français »?

Plus généralement, il (Lelouch) donne des Français l’image de la réussite telle qu’on la rêve précisément du côté des lecteurs de Paris-Match et de Lui. Une voiture de sport, des week-ends d’autoroute et de plages normandes, la touffeur mauve des crépuscules en eastmancolor, un rien d’émotion que chasse un essuie-glace et une petite sucrerie sur cinq notes sortie des délicats chaudrons de Francis Lai.

Cette percée sans pareille d’un genre inédit apparu avec le scopitone tient bien sûr aux innovations technologiques. Mais celles-ci n’auraient probablement pas connu un tel avenir si elles n’avaient pas permis de répondre aux attentes d’une société en pleine transformation. Le mot-clef étant consommation. Consommer ici et maintenant, y compris du divertissement. De là, entre autres, l’avalanche de clips musicaux. A ceux-ci il est peut-être opportun d’associer cette trouvaille emblématique qui a fait les beaux jours des Trente Glorieuses, à savoir le gadget. Pour qui n’aurait pas été contemporain du temps où, sous ses différentes déclinaisons, il s’achetait de manière compulsive, rappelons qu’il s’agit, selon la définition consacrée, d’un objet souvent ingénieux mais presque toujours inutile à long terme.

C’est à cette aune qu’il est peut-être judicieux de porter un jugement sur « Un homme et une femme ». Plutôt que d’en déplorer le vide, comme le faisait Jacques Lourcelles, il faut au contraire s’en réjouir car, à l’instar du gadget, c’est bel et bien son inutilité qui en fait tout le charme.

Athanasius_W_
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le 23 mars 2023

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Athanasius  W.

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