La pollution est aussi dans les esprits

Début août, alors que les blockbusters polluent les écrans en écrasant la concurrence sous un amas de copies trop conséquentes pour pas grand chose, il y a des petits films qui se font tranquillement leurs places dans des salles intimistes. C'est le cas de Un vent de liberté, une oeuvre intéressante mais souffrant d'un manque d'épaisseur.


Téhéran est l'une des villes les plus polluées de notre planète en pleine agonie. Ses habitants s’accommodent de cette situation, jusqu'à ce que leurs poumons ne supportent plus cet air impur. C'est le cas de la mère de Niloofar (Sahar Dolatshahi), qui va se retrouver hospitalisée et doit partir vivre dans le nord de l'Iran pour améliorer sa santé. Une situation qui va avoir des répercussions sur la vie de sa fille. Son statut de femme célibataire sans enfants, la désigne comme celle devant accompagner leur mère aux yeux de ses aînés. Ils ne lui demandent pas son avis, vont louer les locaux de son atelier de couture en estimant que son rôle est de prendre soin de leur mère, point barre. Mais Niloofar veut vivre sa vie selon ses envies et non selon leurs avis.


La pollution est dans l'air, mais aussi dans les esprits. Niloofar n'a pas suivi le chemin traditionnel de ses aînés. Sa sœur s'est mariée et a eu une fille. Son frère est aussi marié. La vie ne lui a pas permis de rencontrer l'homme lui correspondant. Au lieu de céder à la pression familiale, elle a ouvert un atelier de couture, ce qui fait d'elle une femme dite moderne. En retrouvant son amour de jeunesse, elle pense à construire un foyer, mais la santé de sa mère vient bousculer ses désirs. On a le sentiment que la vie ne veut pas que son sourire s'éternise sur son tendre visage. Il y a un côté tragique, mais la situation de ses aînés lui donnant la leçon, ne plaide pas en leurs faveurs. On pourrait comprendre leurs besoins d'imposer leurs visions de la vie s'ils étaient heureux, mais ce n'est pas le cas. Ils ont connu un schéma et le reproduise, au lieu de se remettre en question. La fille de sa sœur aînée ne veut pas suivre cette voie, elle tente de s'en échapper en restant auprès de sa tante. Elle représente l'avenir, avec ce besoin irrépressible de s'épanouir au lieu de se laisser emprisonner dans un mode de vie ne lui convenant pas.


L'hypocrisie de cette société conservatrice où l'homme continue d'imposer ses lois pour garder son statut de pseudo-dominant, vacille sous la pression grandissante des femmes voulant une liberté qu'ils ne veulent pas leur donner. Niloofar représente un espoir, mais on peut aussi constater que sa mère ne veut pas être un obstacle pour elle. Avec la nièce, nous avons trois générations de femmes avec un vécu différent, mais ressentant le besoin d'être indépendante. C'est étonnant de la part de la mère, même si lors de la première scène, on voit bien qu'elle ne veut pas être un poids pour les siens et tient à rester libre de ses faits et gestes. En devenant veuve, elle semble avoir obtenu une liberté qui n'était pas possible du vivant de son mari. La sœur aînée pense être une femme de caractère, mais elle reste sous l'influence de son mari. Le frère aîné tente de sauver les apparences, alors que son mariage est entrain de s'effondrer. Il est aussi responsable de la mauvaise gestion de sa boutique et tente de camoufler son incompétence en profitant de la situation pour louer l'atelier de couture de Niloofar. Aucun ne veut se voir dans un miroir et reporte ses frustrations, échecs et désillusions sur Niloofar dont le statut de femme seule fait d'elle une cible facile. Elle se dresse face à eux, petit à petit, évitant la confrontation mais elle va devoir prendre son destin en mains. Elle ne peut pas rester silencieuse face à eux, au risque de ne plus pouvoir continuer à penser par elle-même en devenant la femme docile que la société lui demande d'être.


La réflexion sur la femme dans notre société est un sujet devenant de plus en plus présent dans le cinéma, mais surtout dans tout les cinémas. Le monde s'ouvre doucement grâce à des femmes n'acceptant plus de subir les règles de notre société patriarcale. Le passé nourrit le présent et alimente un besoin de liberté pour les générations futures. Dommage que le souffle de ce vent de liberté reste léger, en ressemblant plutôt à une douce brise. On regarde, on comprend et on est en empathie avec Niloofar, mais à l'image des mentalités, ça avance tout doucement. Ce n'est pourtant pas une oeuvre contemplative, mais elle manque de profondeur, d'intensité dramatique et se contente d'esquisser le portrait d'une femme. Sahar Dolatshahi n'est pas responsable du manque d'intensité de cette oeuvre restant "gentille". Elle nous captive et se révèle touchante, au contraire de sa nièce plutôt effacée. Le constat est le même pour les autres personnages. L'enjeu dramatique est intéressant, mais c'est le seul et sa simplicité ne me séduit pas entièrement.


Le réalisateur Behnam Behzadi se repose essentiellement sur son actrice principale Sahar Dolatshahi, en ne développant pas assez les autres membres de la famille, tout comme cette histoire. C'est un petit film intéressant sur une grande femme.

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le 26 août 2017

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Laurent Doe

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