Ce film érotique se compose de plusieurs segments, tous mettent en scène uniquement l'actrice Kei Mizutani, le dispositif filmique rappelle le kinoglaz ou bien les POV dans le porno, l'actrice adresse directement à l'objectif ses regards, ses soupirs et ses quelques paroles échappées ("please, watch only me forever" , "Kei is all yours tonight"), le réalisateur créé ainsi un lien intime fort entre le spectateur et l'actrice/personnage (puisque l'actrice joue son propre rôle).
La bande-son est vraiment notable, les différents morceaux donnent une dimension parfois touchante avec un accompagnement au piano, parfois surprenamment les sonorités new age rappelleront la bo de wii sport ou le thème de la route arc-en-ciel tout en sonnant assez classe toutefois. Le metteur en scène se détache du rapport purement libidineux entre l'œuvre et le spectateur, surtout par le sound design subtil qui ne laisse à entendre que rarement l'actrice, ces moments charnières en deviennent pleins de tension, enregistrée en studio sa voix qui se superpose à la bande-son laisse une impression vaporeuse, on peine à croire que ses confidences qui s'adressent à nous seul s'étendent en dehors de l'espace mental.


C'est un film érotique éthéré, peut-être trop épuré on aimerait voir un environnement plus riche et plus d'interactions entre Kei et celui-ci, mais qui n'est pas exempt de moments de cinéma, les chapitres 8 & 9 ont une atmosphère surréaliste, le jeu avec les mannequins me rappelle Bokanowski et tout le long du film le réalisateur joue de mouvements aériens , de lents zooms et des fondus en transparence , la caméra oscille selon une chorégraphie onirique.
Les différentes scénettes sont variées, suivant un fil conducteur ténue, après deux chapitres d'introduction qui reproduisent un shooting photo, Mizutani nous présente sa maison perdue dans les bois et dépourvue de mobilier. Elle se dévoile alors tout en jouant avec l'œil-caméra, un échange qui ne trouvera pas de prolongement par la suite, faisant office de présentation, prélude nécessaire avant de nouer une relation plus forte avec le personnage.
Les segments suivants montrent d'autres pièces de la maison et différents éclairages dont les reflets jouent merveilleusement sur le corps de l'actrice.
Suivent deux scènes en extérieur dont la 8, la 9eme est le point névralgique du film, les mannequins, succédanés de corps masculins, permettent à l'actrice d'exprimer son rapport à l'autre sexe et de sortir virtuellement du cadre de l'auto-sexualité auquel elle était cantonnée jusque là.
Si durant le chapitre 4 on a retenu des plans rapprochés mémorables de mizutani suçant son doigt en haletant, mimant ainsi une fellation. L'acte de sucer le doigt était le signifiant de la fellation, mais l'idée que mizutani nous adresse est simplement la réalisation de son potentiel erotique, il s'agit toujours d'actes sexuels tournés vers soi et non pas à proprement parler de sexualité. La scène des mannequins amène une rupture (annoncée par la scène précédente de l'héroïne en perte de repère) , c'est la rencontre avec l'autre qui est maintenant le cœur du film et non pas d'individualtés qui s'observent, la sexualité commence.


Les deux derniers chapitres vont confirmer ce changement de paradigme, du voyeur des premiers chapitres, le spectateur devient l'objet d'un fantasme qu'il partage avec l'actrice, on retrouve l'éclairage aux teintes chaudes du chapitre 5, Mizutani, gracile, est étendue dans un léger déshabillé, ne lance plus des regards frondeurs à la dérobé vers le caméra comme aux premiers chapitres, le spectateur y était reclus au rang d'intru, de voyeur en connivence avec la personne vue mais une connivence accompagnée d'une certaine distance, maintenant sous une musique rock'n roll Kei défie la caméra d'un regard puissant et langoureux.
Elle ne se touche pas non plus, il ne s'agit plus d'une incitation à un coït solitaire sa pose lascive appelle le corps à corps amoureux, ce chapitre introduit le chapitre final, dans un éclairage sensiblement identique (quelques teintes bleues adoucissent les tons et produisent un effet chaud/froid) une mélodie cristalline nous étreint, nous et l'actrice. Ce chapitre célébrant notre union avec Mizutani prend place dans la pièce du ménage, la chambre nuptiale. Sous différents points de vue, Mizutani va alors, à quatre pattes, en appui sur les barreaux, reproduire les ondulations d'une levrette en les accompagnants de faibles vagissements. Cette scène, point d'orgue du film, se conclut par un attendu et sublime "I love you" susurré par l'actrice dans son extase qui illumine le mien.


A la fois porno atmosphérique et romance à la première personne, le tout est assez classieux, sans parler de génie, le metteur en scène présente ici quelques leçons de cinéma et par cette odyssée vers l'intime un des plus bel échantillon d'image-mouvement, le script n'en fait pas trop, l'actrice et les maquilleuses arrivent à donner à chaque segment sa couleur, je m'imagine sans mal regarder ce film chaque jour avec un plaisir toujours renouvelé.


Note : en guillemet j'ai mis le texte en anglais car j'avais une version sous-titrée en anglais, elle parle en japonais, peut-être certaines traductions sont impropres.

untitled4
9
Écrit par

Créée

le 1 mars 2021

Critique lue 212 fois

6 j'aime

untitled4

Écrit par

Critique lue 212 fois

6

Du même critique

The Pluto Moment
untitled4
8

La montagne de l'âme

Une mise en abîme du réalisateur autour de la scène chinoise des films arthouse en forme de ballade dans les montagnes du sud-ouest de la Chine comme la plupart de ses films. Celui-ci a pour...

le 22 févr. 2022

1 j'aime

3

One Fine Spring Day
untitled4
9

"Plaisir d'amour ne dure qu'un instant, chagrin d'amour dure toute la vi-ie"

Ce film se propose comme une jolie étude autour de cette phrase musicale de Jean-Paul-Égide Martini jouée par un orchestre puis fredonnée dans le film. Un film très simple dans son traitement, Hur...

le 19 mars 2022

1 j'aime