C’est avec une certaine empathie, mais aussi une distanciation feinte qu’Heinosuke Gosho, le réalisateur de cette comédie dramatique à connotation sociale inscrit ce film dans une variation japonisante du néo-réalisme à l’européenne. Feinte, car sans jamais sombrer dans l’emphase, il est évident que cette reconstitution d’un microcosme sociétal au sein de cette auberge peut-être vu comme une sorte de laboratoire à caractère constituant d’êtres écrasés sous le joug d’un capitalisme destructeur, et que malgré sa manière de survoler les événements sans jamais sombrer dans le pathos circonstanciel il y imprime ses préférences.


Après avoir été muté dans une compagnie d’assurance miteuse de la banlieue d’Osaka après un conflit avec un supérieur, et par souci d’économie, ses faibles moyens financiers ne lui permettant pas d’accéder à l’acquisition d’un appartement, Mr Mita, interprété par Shûji Sano se retrouve dans cette petite auberge qui s’avère être une maison de passe. Petit à petit, et rejetant les avances des diverses courtisanes y officiant, se tisseront des liens entre les résidents.


Le personnage principal est montré comme un valeureux employé modeste, mais toujours droit dans ses bottes, que ses supérieurs relèguent à l’état de larbin à cause de ses prédispositions à défendre la justice sociale. Le réalisateur prend systématiquement le parti des plus faibles au détriment des cadres supérieurs qu’il montre comme des êtres vantards et manipulateurs. A l’image de la propriétaire de l’auberge, une vieille matrone qui ne voit que ses propres intérêts, ou du supérieur de Mita qui ne manque jamais une occasion de le rabrouer et le rabaisser.


Dans un style proche du néo-réalisme italien à la De Sica, montrant les gens dans leur quotidien en les confrontant à la réalité de leur condition, entrecoupé de scènes visuellement splendides, comme ces promenades le long du fleuve qui irrigue la douce lamentation d’un temps qui s’étire emportant les illusions et les rêves, Gosho parvient à imprimer un lyrisme morose qui donne à son film une candeur désabusée suffisamment dosée pour ne jamais sombrer dans les facilités, qu’un humour de surface vient en permanence contrecarrer pour trouver un juste équilibre.


Du beau cinéma à caractère social qui s’inscrit dans la veine des œuvres d’un Ozu ou d’un Naruse.

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le 3 mai 2019

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