UNE FAMILLE HEUREUSE (14,7) (Nana Ekvtimishvili & Simon Gros, GEOR, 2017, 119min) :


Cette chronique familiale tragi-comique suit le destin d’une professeure (mère et épouse) qui décide d’annoncer le soir de la fête de son anniversaire qu’elle va quitter le foyer conjugal, composé comme une petite tribu (mari, parents, enfants, gendre) pour s’installer seule dans un autre logement à Tbilissi. Ce duo de réalisateur georgien apparu avec l’excellente radiographie de la jeunesse dans Eka et Natia en 2013, revient pour nous conter une ode à l’émancipation féminine. Dès les premiers plans nous faisons connaissance avec cette femme de 52 ans achetant un journal, avant de rentrer à la maison, où l’on perçoit de suite le poids étouffant de cette famille patriarcale qui s’abat sur elle dès qu’elle franchit la porte. La mise en scène, caméra à l’épaule le plus souvent place Manana au centre du plan, le film sera centré sur elle. Une habile mise en image descriptive de cette tribu en mode cocotte-minute dans l’espace exigu de l’habitation. Une « smala » prête à exploser à chaque instant, où les décors naturels de l’appartement servent à dresser un portrait sincère et touchant de cette femme souhaitant s’évader de ce quotidien devenu trop écrasant pour elle. Comme cette envie de liberté sans heurt, la réalisation se distingue par sa subtilité accompagnant une narration sensible qui dépeint, à la fois le bonheur retrouvé d’être libre et les peurs liés à cette nouvelle situation. Avec bienveillance le récit réussi, car jamais dans le misérabilisme, montre avec réalisme l’après, les dommages collatéraux, mais aussi les liens qui ne peuvent se défaire pour des raisons familiales (consolation de sa fille après une rupture, mariage du fils, accident domestique du père) et les liens délicats et affectifs avec le mari habitant encore dans l’ancien foyer conjugal. Un regard lucide sans pittoresque, sur la banalité du quotidien au rythme assez lent mais prégnant sur les faiblesses de l’être humain et la société georgienne. L’œuvre s’accompagne d’une pertinente partition musicale (généralement interprétée par les acteurs eux-mêmes) composée de magnifiques chansons locales qui viennent embellir le gris du désenchantement, d’un pays en pleine mutation. Un long métrage pudique un peu long mais littéralement porté par la prestation tout en finesse et obstination de Ia Shugliashvili, véritable révélation du film dont chaque comédien s’avère somme toute assez bien dessiné. Venez donc découvrir comme le titre du film est une antiphrase bien entendu à travers Une Famille heureuse. Une ode féministe sobre, tendre, émouvante et universelle.

seb2046
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le 11 mai 2017

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