UNE PRIÈRE AVANT L'AUBE (14) (Jean-Stéphane Sauvaire, FRA/CAMBO, 2017, 117min) :


Tirée d'une histoire vraie, ce percutant Biopic partiel narre une partie de la vie du jeune boxeur anglais toxicomane Billy Moore, incarcéré pour recel, suspicion de drogue et possession d'armes à feu, condamné à 3 ans au sein de la redoutable prison de Chang Mai, dans le Nord de la Thaïlande.


Découvert en 2007 avec Johnny Mad Dog exprimant le récit brutal de jeunes adolescents soldats en Afrique dans une véritable descente aux enfers, le réalisateur Jean-Stéphane Sauvaire a présenté lors du Festival de Cannes 2017 en séance de minuit ce nouveau projet radical Une Prière avant l'aube. Cette plongée vibrante dans l'univers carcéral s'appuie sur le livre témoignage autobiographique A Prayer Before Dawn: A Nightmare in Thailand publié en 2014, dont la dernière phrase : "La seule chose que je voulais, c’était être moi-même." détermine l'intrigue cinématographique. À noter pour accentuer la véracité des faits et ajuster l'histoire aux codes du cinéma, l'implication dans l'écriture du scénario de Billy Moore lui-même aux côtés du cinéaste.


D'entrée de jeu la caméra se pose sur un corps de dos en pleine préparation à travers des rituels méticuleux avant un combat de boxe thaï, aidé par un jeune acolyte boxeur pour se chauffer et préparer les muscles avant l'affrontement face à de féroces adversaires respectifs. Deux chocs qui ne manquent pas de chaos, comme une introduction parfaite de l'histoire, qui prend ainsi visuellement corps sous nos yeux intrigués. À l'instant du remarquable documentaire Plaquages (2017) de Florian Geyer ou la pertinente fiction Mercenaire (2016) de Sacha Wolff le corps va constituer le fil rouge du dispositif quasi documentaire mis en place par l'auteur. La séquence suivante où la police débarque furieusement pour jeter en prison le jeune européen ouvre les portes du pénitencier, introduisant une plongée viscérale en huis-clos dans l'enfer carcéral des prisons thaïlandaises.


La mise en scène le plus souvent caméra à l'épaule opte pour des plans-séquences au plus près des corps et livre une réalisation adoptant toujours le point de vue de Billy Moore aussi bien par le choix des cadrages illustrant de façon adéquate par l'image l'isolement jeune protagoniste, intensifier par le langage en thaïlandais, la plupart du temps non-sous titrée pour nous mettre dans la même position inconfortable que le jeune boxeur souvent dans l'incompréhension des invectives et ordres administrés par ses comparses prisonniers ou les gardes de la maison d'arrêt. Une expérience seul contre tous qui convoque de nombreux films d'un genre similaire, on peut penser d'instinct aux classiques Midnight Express (1978) d'Alan Parker et Scum (1979) d'Alan Clarke, au brillant Dog Pound (2010) de Kim Chapiron ou encore plus récemment à l'émouvant Les Poings contre les murs (2014) de David McKenzie, mais Jean-Stéphane Sauvaire s'affranchit de toutes ces références par le biais d'un travail ultra réaliste auprès de centaines de comédiens amateurs véritables prisonniers ou boxeurs dans leurs vies quotidiennes s'imprégnant parfaitement de la culture locale.


Au milieu des camarades de cellules aux corps presque intégralement tatoués, la caméra va suivre le parcours doloriste de Billy Moore luttant contre les démons de la drogue, tentant de survivre face aux brimades violentes, humiliations multiples, étant même témoin d'exaction éprouvante, un chaotique voyage archaïque où la violence permanente nous éclate en pleine face et les âmes sensibles sont mises à rude épreuve. Le récit abrupt et linéaire montre le jeune boxer se réfugier (grâce à la corruption) dans la boxe Muay-Thai comme dans une discipline exutoire de sa rage intérieure et gagner ainsi le respect de ses pairs au sein de ce milieu hostile. La mise en scène se rapproche alors encore plus des corps à corps pour magnifier les combats haletants violemment chorégraphiés, ou se place à bonne distance pour dévoiler les émois de Billy Moore qui baisse sa garde devant une éventuelle tendre romance avec un ladyboy avant de tenter de s'évader avant que son âme rédempteur ne soit finalement happée par la résilience. Cette odyssée infernale suintant la sueur, le sang et la douleur s'avère un véritable chemin de croix pour le héros, où la mort extérieure et intérieur rode dans une tension constante, est physiquement porté tout le film par l'impressionnante incarnation tripale de Joe Cole (séries Peaky Blinders, Skins) à la justesse de jeu ébouriffante jusqu'à la fin moraliste.


Venez découvrir ce sensoriel récit traditionnel et âpre documentaire efficace à la première personne, invitant le spectateur à une expérience parfois insoutenable l'amenant vers Une prière avant l'aube. Oppressant. Violent. Puissant.

seb2046
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le 20 juin 2018

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