Cinq ans avant de réaliser A Touch Of Sin, Jia Zhang-ke posait déjà un regard extrêmement critique sur la Chine contemporaine, à travers différents portraits. Trois ici plutôt que quatre, comme il le fit dans A Touch Of Sin.
Trois portraits autour du textile, plus précisément des vêtements que l’on porte tous les jours, à ceux que l’on admire sur les mannequins en passant par l’uniforme du travailleur.


Filmé d’une manière extrêmement dépouillé, les travelling horizontaux s’enchaînent avec lenteur, sur fond de bruits de machines et de silences souvent, des personnes.
Peu de dialogues, une certaine contemplation de ces visages qui regardent toujours sur le côté, quelque chose. Un passé peut-être ou simplement rien. Car le corps et l’esprit s’use à l’usine et à la mine.
Et puis, ces vêtements bien sûr : d’abord à l’usine. Jia Zhang-ke y fait un état des lieux, sobre, mais on sent déjà le manque d’humanité. Useless, les travailleurs empilés les uns sur les autres, à la chaîne, depuis leurs machines, jusqu’à la cantine, même à la clinique.
Seconde partie, avec la styliste de vêtements haut de gamme. Des mots, pour expliquer l’importance du vêtement, son histoire et son choix de proposer des habits avec un soin apporté et la reconnaissance de ceux qui les font. Quelque chose à la limite du cynisme et du décalé dans l’image de cette femme dans son magnifique atelier, alors qu’on vient juste de quitter nos ouvriers en short et tong.
Heureusement, elle parle bien, explique bien la styliste. Ce portrait est presque le plus simple du documentaire, le plus attendu, par sa manière pédagogique qu’elle a de nous expliquer sa démarche, son histoire, ce choix qu’elle fait.
Mais elle reste une poussière en Chine ! Une chape de débris posés jusque dans la collection qu’elle présente lors de la Fashion Week de 2007.
Fashion Week qui s’achève glorieusement et troisième portrait qui nous emporte dans la campagne chinoise, chez les mineurs. Cadre pittoresque et misérable, du Germinal à la chinoise, avec ses figures d’hommes et de femmes, des tailleurs qui ont bien du mal à persister, qui ont changé de métier, des tailleurs qui sont les petites mains du village, à la place de ceux, qui même sachant coudre, ont revêtu l’uniforme de la mine, car… Ce métier contrairement à l’autre, résiste mieux face à l’industrialisation massive.


Alors ? Alors des habits. Une philosophie du vêtement et une sorte de mélancolie en fin de documentaire. On serait tenté de jeter un regard sur notre garde robe, de regretter notre dernier achat dans un grand magasin. Invitation à une diminution de notre consommation, invitation à respirer profondément et à revêtir la simplicité d’un vieux pull de notre grand-père, le regard lointain mais acéré à la manière d’un travelling de Jia Zhang-ke.


Enfin… Mélancolique Chine, mais Chine productive.

SPDD
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le 26 mars 2020

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