[Critique publiée sur CinemaClubFR]


Il est désormais de plus en plus difficile de réussir à proposer quelque chose d’original, ou au moins de suffisamment efficace, dans le genre des terreurs paranormales. Le public connaît désormais ses codes sur le bout des doigts et rares sont les cinéastes arrivant à maîtriser cet univers pour encore surprendre durablement son audience. On peut certes parler de James Wan et de son fantastique Conjuring 2 mais à part ça, le reste de la production actuelle fait bien pâle figure. Alors quand un réalisateur chevronné comme Paco Plaza, à qui l’on doit les trois premiers Rec, décide de plonger pleinement dans ce genre, en adaptant un fait divers ayant réellement eu lieu en Espagne dans les années 90, notre curiosité nous fait espérer une bien bonne surprise. Et par chance, Veronica en est une.


D’entrée de jeu, ce qui nous frappe devant Veronica, c’est la richesse visuelle incroyable dont le film fait preuve. Chaque scène déborde d’idées de réalisation novatrices, que cela soit dans sa scénographie, sa lumière ou bien ses mouvements de caméra. Tout a été mis en oeuvre par Paco Plaza pour nous tenir en haleine et déstabiliser nos repères. On peut d’ailleurs y ressentir une certaine influence du cinéma de Wan, dans l’idée d’utiliser une caméra très dynamique (un dynamisme qui rappelle d’ailleurs énormément Rec par instants), nous faisant toujours douter sur l’endroit d’où la menace, s’il y en a une, va provenir. Néanmoins, le réalisateur y met surtout sa propre patte, notamment par le biais de son travail avec le chef-opérateur Pablo Rosso, qui nous offre une lumière magnifique lors de certaines scènes, dont celles jouant avec l’ombre de l’esprit voulant s’en prendre à notre jeune héroïne.


Car oui, Veronica s’inscrit dans la longue lignée des films à base de partie de ouija qui tourne mal et où un esprit démoniaque s’est donné comme mission de martyriser une pauvre adolescente ainsi que toute sa famille. Mais contre toute attente, ce scénario qui avait tout pour être rébarbatif au possible est rattrapé par la très bonne écriture de ses personnages. Bien entendu, on n’échappe pas à certains passages obligés de ce type d’histoire (notamment tout ce qui entoure la dimension religieuse de l’esprit) mais tout ceci est finalement rattrapé par l’atmosphère toute particulière instaurée dans le métrage. Les métaphores visuelles sont nombreuses mais toujours très bien amenées et le film dispose d’une bande-originale plus que surprenante, alternant musiques hard-rock et synthwave, donnant une ambiance bien moins codifiée qu’on aurait pu le croire.


De la même manière, le casting s’en sort également avec beaucoup de justesse, Sandra Escacena en tête, qui interprète donc Veronica et qui est poussée dans ses moindres retranchements, en particulier dans un final anxiogène qui joue davantage sur la suggestion que sur le grand spectacle. On note par ailleurs une retenue tout du long du métrage, n’utilisant les jump-scares qu’à de très rares occasions et se concentrant davantage sur la psychologie de son personnage principal. La relation qui unit Veronica et sa famille est ainsi extrêmement forte et devient l’élément-clé du récit, là où un film de spiritisme venant de chez Blumhouse se serait plutôt concentré sur le nombre de fois que le fantôme allait faire sursauter son public.


Par son approche davantage axée sur ses personnages que sur la menace qui les entoure, Paco Plaza a fait de Veronica une petite réussite inattendue. Sans bousculer les codes pour autant, le réalisateur a su manier précisément son histoire afin de la rendre prenante à suivre (bien qu’un peu prévisible, il est vrai) mais surtout très riche visuellement, lui permettant d’expérimenter de nombreuses images marquantes qui restent instantanément dans la rétine du spectateur. Ne vous laissez donc pas avoir par sa promotion quelque peu clichée et accordez-donc une chance à ce Veronica, qui risque de convaincre même les plus réticents d’entre vous.

TanguyRenault
8
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le 22 janv. 2018

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Tanguy Renault

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