Nous sommes au Xème siècle dans la Rus’ de Kiev encore païenne où trois frères, Iaropolk, Oleg et Vladimir, fils de Sviatoslav I, se battent pour le pouvoir. Le plus jeune, Vladimir, va vivre un incroyable destin puisque, en plus de continuer les conquêtes paternelles, il est celui qui va christianiser le pays et fonder les origines de la Russie.


Commençons par une mention spéciale aux traducteurs de la version française (pas terrible) qui ont ajouté le sous-titre « naissance d’une nation » pour différencier le film de la série du même nom (espérons au passage qu’ils ont une culture cinéphile proche du zéro). La version française m’a, une nouvelle fois, prouvé qu’il fallait toujours voir la version originale SURTOUT si la langue originale est radicalement différente du français. Je ne sais pas s’ils n’ont pas eu beaucoup de temps pour traduire et doubler, ou si les dialogues sont juste particulièrement pourris en russe, mais Dieu ! c’est incompréhensible ! On ne comprend rien à ce qui se passe MÊME quand la voix off explique, c’est pour dire !
Le scénario n’aide déjà pas beaucoup puisque l’intrigue est résolue au premier acte (je ne rigole pas : Oleg meurt en dix minutes, les principales étapes de la « conquête » de Vladimir durent cinq minutes et Iaropolk, ennemi principal du film selon le film, meurt au bout de VINGT MINUTES), que le deuxième acte parle de la tentative de garder le pouvoir de Vladimir et que le troisième acte se termine… sur la conversion du bonhomme ? Bref, c’est un beau bazar qui n’est sauvé ni par ses dialogues (s’ils sont aussi nuls en russe), ni par ses intrigues, encore moins sa réalisation (elle est sympa mais sans plus, puisqu’elle devient épileptique quand ça « devient » intéressant), et surtout pas son personnage principal, le charismatique Vladimir I de Kiev.
Ce dernier n’était très clairement pas un enfant de chœur (malgré sa canonisation) puisqu’il assassina son frère aîné, acquit deux de ses femmes par le viol (l’anecdote sur Rogneda de Polostk est notamment gardée pour… une conclusion un peu étrange) et dut se convertir à l’orthodoxie parce que ça l’arrangeait politiquement. Néanmoins, ça reste un grand prince qui avait du charisme, de la volonté, beaucoup d’intelligence et dont les réformes eurent un tel souffle dans tout son pays qu’il marqua à jamais la vie religieuse, politique, historique et géographique de la Rus’. Pas n’importe qui à présenter sur grand écran, donc.
Pourtant, ils ont réussi à nous le rendre fade. Comprenez, en voulant en faire un Gary-Sue (la version masculine d’une Mary-Sue, ce personnage trop parfait qu’il en devient insupportable, raison pour laquelle il ne faut JAMAIS l’écrire) pour le rendre incroyable auprès du grand public, ils le gâchent totalement. Un exemple ? Sa conversion de « chef barbare et païen » (même ça, c’est pourri car je suis quasiment sûre que la Rus’ de l’époque ne pouvait pas être aussi primitive) en « prince chrétien et civilisé ». Dès le début, il apparaît plus comme influençable (par un guerrier déchu par Iaropolk, qui lui raconte peut-être n’importe quoi sur la mort d’Oleg en plus mais il s’en fout), craintif et inexpérimenté (en plus d’être fougueux donc tête-brûlée) qu’un guerrier à l’étoffe d’un chef, fidèle aux traditions de son peuple (oh, tiens, comment justifier le fait qu’il prenne par la force son épouse ?????) mais aux origines bâtardes (c’était vraiment important à l’époque ? D’être issu d’une concubine esclave et donc d’être « illégitime » ? Parce que sinon, ça n’a pas grand intérêt d’être polygame si les trois quarts de tes gosses sont considérés comme bâtards donc illégitimes à ta succession). Il n’a même pas l’air de croire en les dieux qu’il « ressuscite » ou de se renseigner vraiment à fond sur le christianisme (même à des fins politiques, genre une alliance avec les byzantins) avant de débarquer dans la ville de Korsoum. Et là, paf ! il découvre la foi, chiale pendant sa première confession, réalisant tout le mal qu’il a fait pour ses « ambitions » (quel mal ? quelles ambitions ? Les crimes dont il s’accusent, soit ont été commis à son insu et ça a encore plus fait de lui une mauviette qui ne pouvait pas contrôler ses hommes, soit ont été censurés parce-que-vous-comprenez-c’est-pas-comme-s’il-fallait-le-montrer-sous-un-mauvais-jour, soit ne sont tout simplement pas de lui et même de très très loin, il n’en est pas coupable), et, ça y est, il s’est converti et tout son peuple a envie d’être converti.
En fait, vous savez à quoi ça me fait penser ? Aux films de propagande (nazis, communistes ou autres), où le chef qui est mis en avant a tout pour lui (du charisme, des hommes, de la chance, du talent) mais se remet toujours en question parce-qu’un-bon-chef-doit-toujours-se-remettre-en-cause. Par chance, il a de valeureux et loyaux soutiens qui, quoi qu’il arrive, lui rappellent toujours qu’il est le meilleur et qu’il sera encore plus en tuant tous ses ennemis. Le chef montre alors à quel point il est le meilleur en… ayant la sagesse d’unir ses ennemis et non de les tuer. C’est à peu près la même chose, ici avec Vladimir et son fidèle lieutenant dont il n’a jamais douté alors qu’il y avait pas mal de trucs à dire sur lui. Le fidèle lieutenant (dont il m’est impossible de retrouver le nom) raconte bien sûr l’histoire du prince de son point de vue, ce qui ajoute parfois plus de stupidité et d’indécision au personnage de Vladimir. Le traitement de la conversion religieuse fait aussi très propagande puisque clairement on nous dit que Vladimir n’a pas eu à réfléchir pour sa conversion, qu’il a eu la foi tout simplement (qu’il lui est tombé du ciel… comme ça) mais que en-même-temps-c’était-pas-si-compliqué-que-ça-vous-avez-vu-quel-genre-de-sauvages-ils-étaient-quand-ils-étaient-païens- ?
Ajoutez à cela des péripéties… étranges (le Deux ex Machina Byzantin où Irina fait croire qu’elle voulait sauver la ville de Korsoum en… livrant les plans de défense à Vladimir -qui est assez con pour croire que ce n’est pas pour le profit de Vladimir que de livrer l’arrivée d’eau de la ville ?), des reconstitutions de ville particulièrement pourries (quand ils ne font pas trois bicoques en bois pour faire genre, ils piquent les plans 3D de musées), la forte impression que Vladimir n’a pas d’armée mais une trentaine de pécores à son service, aussi la forte impression qu’il ne réfléchit jamais (sauf peut-être lorsqu’il décide de balancer des drakkars du haut d’une colonie sur une trentaine d’autres pécores à cheval), un montage nul, les vikings de Rus’ qui ne sont que des sauvages avec trois bicoques pour faire une ville (et moi qui pensais que le Syndrome Gaulois n’existait qu’en France) et une envie de vomir avec la dernière scène du film, et vous comprendrez pourquoi je ne vous le conseille pas.
PS : bon, le visionnage vaut quand même le coup pour Danila Kozlovsky, un acteur russe assez bon.
Re-PS : vous voyez Alexandre d'Oliver Stone où les personnages sont des caricatures de leur version historique, irascibles et chiants mais-on-peut-pas-trop-critiquer-parce-que-vous-comprenez-historiquement-c'est-assez-fidèle ? Un bien, là, c'est la même chose avec le parcours de Vlad !

Créée

le 9 oct. 2019

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