N'étant pas familier des deux premiers films (La Vallée des Loups et Marche avec les Loups) de cette trilogie et n'ayant pas suivi la promotion de ce troisième, je m'attendais à voir un film documentaire sur le loup, suivant le schéma iconisation/recherche laborieuse/découverte de l'animal au détour d'un regard dont l'instant se fige autant pour l'homme chanceux que les spectateurs (La panthère des neiges de Vincent Mugnier et Sylvain Tesson).
A ma grande surprise, les premières minutes semblent exposer un métrage qui n'est qu'une réponse aux menaces de spectateurs qui, bien qu'acquis à la cause de l'éradication totale du loup, sont allés en salles voir les deux premiers films de Jean-Michel Bertrand pour manifestement pourrir la séance d'un public moins belliqueux. Mais on se doute bien que mettre en branle la production d'un documentaire animalier nécessite bien plus que des idées de revanche.
Ainsi, j'ai vite compris que l'intention de M. Bertrand était beaucoup plus louable, et je m'en voulut d'en avoir douté, tant cet homme nous apparaît sympathique et humble par la suite. L'heure et demie est en fait une succession de témoignages, entrecoupés par des images d'animaux sauvages (captées par les caméras fixes camouflées par le réalisateur) et des montagnes alentour (filmées j'imagine, la plupart du temps, en drone). Le moment lors duquel Jean-Michel Bertrand écoute les enregistrements des micros placés sur le territoire du couple de jeunes loups observés afin de capter les réponses de leurs louveteaux est tout à fait saisissant et émouvant. L'ensemble forme un tout cohérent, avec un rythme contemplatif mais sans temps mort.
La part belle est donc faite à la recherche de solutions pour la cohabitation entre hommes et loups : les témoignages sont ceux de bergers et de chasseurs, qu'on pourrait donc croire tout à fait enclins à tâter de la gâchette face à une telle menace contre les troupeaux pour les uns et le gibier pour les autres.
Mais il n'en est rien, puisque ces hommes et femmes présentent tour à tour soit :
-des observations qui tendent vers le fait que les loups ne sont pas les acteurs d'une extinction de masse de leurs proies ;
-des débats entre les différents partis touchés par la perte de bétail ;
-des solutions mises en place et qui ont fait leurs preuves.
Ainsi, on assiste à la construction d'un argumentaire en faveur de cohabitation, qui semble à la fois possible quand on voit ce que les hommes et femmes sont capables d'entreprendre (cf. l'association Pastoraloup, par exemple), mais qui fait face à d'autres problématiques indirectement posées par la présence sans cesse accrue du loup près des élevages et habitations. l'animal suggère encore la peur au sein de l'imaginaire collectif, et fait donc office d'argument électoral majeur dans les régions où il est observé.
face à ces contradictions au sein même de nos communautés, la leçon à retenir est peut être bien ce que Jean-Michel Bertrand exprime au milieu du film : "le loup est un véritable révélateur de l'âme humaine". Le défilé de gros plans sur les visages des acteurs de ce documentaire juste avant son générique semble aller en ce sens.
La montagne appartient autant au loup, sinon plus qu'à nous.