Je ne suis pas d'accord pour dire qu'il n'y a rien à comprendre, et je ne considère pas non plus que ce soit un film complètement prétentieux.

Voici une tentative de compréhension à chaud.

désolé pour l'aspect brouillon.

-le monde n'est pas désolé/post-apo. (voir la fin). Il y a le vieux qui vit en marge de la société façon clodo, qui squatte un immeuble et fabrique sa propre came pour se démonter la gueule. Après des années de solitude il accepte (ou pas) sa folie et ses penchants dégénérés, dont son envie de sauter sa mère. L'a-t-il déjà fait? Bref il se démonte la gueule, et logiquement il vrille total.

-Je crois qu'au début, quand il prend ses premières gouttes de jus, il a ses premières visions, et juste après arrivent les jeunes. donc Hypothèse 1 (que je ne valide pas): il a inventé les jeunes, pour briser la solitude, car il n'arrive pas à bien la vivre, même s'il veut se convaincre du contraire. Donc premier thème : la persuasion et l'auto-persuasion. Il est verbeux, car il aime s'entendre parler et doit se convaincre en permanence de son unicité et de sa supériorité en psalmodiant des mantras peu convaincants mais il boit lui-même ses paroles (donc la gnôle et le blabla, c'est pareil _j'y reviendrai).

-Les jeunes répondent rarement, acquiescent facilement à ses délires en échange d'une bouffe dont ils ne savent rien, c'est peut-être le signe qu'ils ne sont pas réels, juste des fantasmes du vieux, simples réceptacles dociles de ses diatribes (esclaves).

-Bref il construit son utérus géant en expliquant clairement que c'est pour vivre en sécurité coupé du monde et ne pas naître (affronter la violence de l'extérieur). Ca montre un certain rejet de soi (ne pas naître) qui tend à valider son désir d'échapper à sa condition de miséreux solitaire, en dépit du fait qu'il déclare que c'est le pied total (le mensonge ne prend pas). Il a soif de pouvoir/contrôle. La vie dans l'utérus c'est une vie en marge mais volontaire. Un cocon où sa folie et ses abus sont possibles.

-Hypothèse 2 (que je valide par la suite) : les jeunes représentent les victimes qui se laissent embobiner/séduire par les discours verbeux (piège) et deviennent dépendants à la drogue et au sexe (sans protection) et même à l'inceste (ou relations malsaines). On étend donc le thème de la persuasion à celui des des gourous/manipulateurs et des sectes. Et s'ajoute le thèmedes addictions. Le blabla pseudo-poétique c'est la persuasion puis l'endoctrinement. Passé l'auto-persuasion, le vieux clame tout un fourbi métaphysique pour séduire et enrôler : restez dans mon utérus, ne dites pas au reste du monde ce qui se passe ici (prison). Note : la fille dit qu'ils ont fouillé toute la ville à la recherche de bouffe, ce qui sonne bien post-apo. Mais ça peut tout simplement suggérer que ce sont deux jeunes miséreux, en marge, à la rue, qui cherchent de la bouffe sans pouvoir se la procurer. Ca fait d'eux des victimes idéales pour le gourou.

-L'empoisonnement et le remède, c'est peut-être juste un délire mégalomaniaque, dans lequel le vieux pense détenir le pouvoir de soigner les afflictions, voire même un pouvoir de vie et de mort. Ca peut aussi être un simple tour de passe passe (manipulation toujours) pour leur faire croire à ce pouvoir et assurer son statut de maître.

-Le vieux déteste le garçon, et veut le forcer à baiser sa soeur. Il projette sur lui sa propre image (il se déteste). Ca ressemble à un complexe d'infériorité, il ramène tout à l'acte sexuel et la virilité, même si ça finit toujours en Oedipe. Il trimballe toujours sur lui la photo de sa mère, enceinte pendant son enfance. Il semble donc déjà issu d'une union bien cradingue. Par contre il se focalise sur la fille qu'il essaie de séduire. Elle représente sa mère aussi pour lui (obsession sexuelle ultime), du genre ma mère était une traînée, toutes les filles sont des traînées... Un nouvel objectif s'instaure : agrandir la secte nouvellement créée, via reproduction entre membres.

-Pourquoi le garçon s'appelle Lucifer? Je ne connais pas les textes mais c'est sensé être un ange qui se retrouve expulsé des cieux non? si vous avez des explications je suis preneur

-D'où vient la bouffe? Pour moi là aussi le coup du monde en ruines semble faux. Il y a bien quelqu'un à l'extérieur qui peut fournir du steak frais. Pas des conserves, pas de la chair humaine, pas du surgelé, des steaks frais (issus d'un monde normal). Et le vieux ne veut pas cracher le morceau sur l'origine de la bouffe, tout juste qu'il l'obtient en échange de quelque chose. Car il sait que le monde extérieur existe mais n'en parle pas, à la fois car il se voile la face sur la réalité du monde (caverne dans laquelle il peu être roi) mais surtout pour emprisonner les jeunes. Vu que les jeunes savent aussi (mais de moins en moins) que le monde normal existe, c'est surtout une manipulation du spectateur, qui croit toujours être dans le post-apo. Bienvenue dans la secte. Vu que la seule chose qu'il semble pouvoir produire est de la gnôle (ce qu'il appelle l'essence), je dirais qu'il est à la fois dealer et junkie, pas sûr. Au début il récupère du pain. Il a énormément de scotch et de cartons, tout ça évoque autant le post-apo que la simple misère d'un clochard. Note : le façon dont le vieux obtient la bouffe via un sas évoque la vie d'un prisonnier.

la prison-utérus a probablement une symbolique liée à une mère castratrice, mais passons.

-Quand les jeunes baisent pour la première fois, façon rituel, sous la supervision du gourou, c'est là qu'il crache la purée. Donc c'est l'aboutissement ultime pour lui et il meurt. Je pense donc que le garçon c'est bien son image de lui-même car on sait que son fantasme c'est Oedipe.

-Quand il disparaît et renaît, là on entre dans le fantastique, mais on est déjà profond dans le terrier du lapin blanc alors disons que c'est du trip de junkie; peut-être un simple moyen métaphorique de montrer le lent enfoncement dans la folie généré par la drogue, l'isolement et l'endoctrinement. C'est après que la fille ait baisé le cadavre du vieux (la disciple qui veut gravir les échelons passe dans le lit du gourou) qu'il se passe quelque chose, puis plusieurs personnes semblent prier sur sa dépouille, dont sa mère enceinte. Probablement un truc biblique référence à Jésus (d'ailleurs il parle de la vierge vers la fin, et non des vierges, les sous-titres que j'avais étaient foireux). J'imagine qu'il se prend pour dieu. Si la fille est bien l'image de sa mère, il arrive enfin à baiser sa mère (en cadavre et non plus via l'image du garçon) et c'est pour ça que c'est lui qui renaît > il est bien le fils de la fille qui est donc sa mère. A creuser.

-Après avoir été convertie complètement (d'abord l'empoisonnement-remède puis la séance rituelle d'inceste), la fille passe de disciple à maître . Elle semble connaître la chanson (mantras, connaissance de la possibilité de résurrection...). A un moment encore bien symbolique on voit qu'elle tue la mère avec sa main-pistolet (à quel moment? je ne sais plus). Donc ce n'est plus la mère, elle a passé un cap. A la renaissance du vieux il dit qu'ils sont une famille. Elle baise sans fin et continue les gouttelettes (dépendances), et elle devient prédateur sexuel et recruteuse pour la famille/secte. Elle est le nouveau gourou, mais un gourou à succès, plus influente que le vieux.

-Le coup du soldat >> je ne sais pas. Le garçon prend une balle dans la tête, quelques gouttes de remède, un bon bol de sang et c'est reparti. OK mais pour quoi faire? juste pour soigner le frérot parce que c'est la famille? Ils n'ont pas l'air de manger de chair humaine. Est-ce qu'il est important de garder le fils en vie pour qu'il puisse ensemencer à foison les nouvelles victimes et agrandir la famille? Toujours une démonstration du remède miracle : la potion du druide guérit les maux. Ca semble encore du trip plutôt qu'un acte réel, mais on ajoute le meurtre aux autres péchés/névroses/fautes.

-la fille dit que les gouttes ça empêche d'avoir faim. A creuser. En tout cas c'est la drogue qu'a produit le vieux qui a amorcé le cycle infernal et ça reste le levier le plus efficace de contrôle, donc troisième thème. D'ailleurs la fille ne s'embarrasse plus de blabla (je crois) mais drogue directement les proies. (on pense aussi au GHB)

Y-a-t-il quelque chose à comprendre sur le thème de la guerre (soldat) ? Seule évocation du Mexique il me semble. lien entre cartels et armée? Simple évocation de l'universalité de la folie qui dépasse les clivages nationaux?

-le vieux qui veut se faire bouffer, je pense à el topo, mais c'est christique a priori? Mangez-en tous, c'est moi l'ostie... rien de bien original.

-la grosse partouze de dégénérés et séquence de fin : ici ce qui m'a paru limpide c'est qu'il existe des cellules de déglingués dans la société, évoluant en marge dans leur propre monde, qui baisent et se shootent : chemsex et orgies (on sait que les nouveaux membres sont drogués) >>>

En réalité il n'y a pas que des dégénérés, car il y a des VICTIMES, comme la fille-proie. Combien sont victimes et combien sont consentants, on ne peut pas dire, et une fois tombé dans la marmite c'est la spirale de la dépendance, et à un certain niveau tous les membres d'une secte sont volontaires, mais disons que c'est un groupe de déglingués. >>>

Eh bien dans ce groupe, la caméra se met à suivre un personnage en particulier : un travesti. D'aucuns diraient un trans, ou chépakoi, bref, un mec en nuisette. Il sort de son orgie (descente de drogue), quitte l'utérus de la dèche et retourne dans le monde réel qui continue de tourner. Pourquoi avoir choisi ce personnage en particulier? (vu le nombre de symboles dans le film, c'est assurément un choix délibéré). >>>

Parce qu'il représente (pour le réal) les déglingués (victimes comprises)? Pas des déglingués dans un monde post-apocalyptique dans lequel tout est justifié par une survie coûte-que-coûte, mais dans le monde réel, ou les gourous et idéologues sont légion, et ou les jeunes sont fragiles, facilement manipulables, et sont particulièrement réceptifs aux idéologies communautaires (qui divisent). C'est la séquence de fin, donc séquence clé du film.

Alors oui je sais c'est pas bien, c'est nauséabond, blabla je connais la chanson. Mais c'est bien ce qu'on voit à l'écran, et c'est pas moi le réal. Si le choix de ce personnage vous choque, dites vous plutôt que c'est le côté victime de manipulation qui est associé au travesti, et pas celui de déglingué (mais bon ça en choquera toujours certains). Après on peut se demander pourquoi ce personnage arrive à voyager d'un monde à l'autre plutôt que de rester coincé dans l'utérus : vous avez trois heures.

Du coup le film raconte des choses. Ce n'est pas de la branlette (...) arty avec uniquement du cul pour choquer. J'ai tapé cette critique car sur 8 critiques présentes sur le site, la plupart restent focalisées sur le monde post-apo, et il semble que personne n'ait compris grand chose, et certains considèrent qu'il ne faut pas chercher à comprendre. Je ne prétends pas être bien malin, j'ai seulement essayé de poser les choses sur le papier (numérique) pour creuser. Le thème principal du film est celui de la tombée dans la déchéance et les mécaniques de sectes, dans le monde réel. Je trouve que ça a beaucoup plus d'impact dans un monde réel que dans un post-apo, et la dernière scène sert clairement à ancrer ces thèmes dans le réel.

je rabâche : Ce film nous raconte que n'importe quel couillon avec une idée originale (ou idéologie) peut amorcer un mouvement sectaire et pourra trouver des adeptes parmi les jeunes s'il utilise la bonne tchatche et/ou la bonne drogue.

edit : Le coup du faux postapo est un excellent choix selon moi et un sujet à part entière, lié à celui de la manipulation sectaire. D'abord du point de vue du gourou, parce que l'idée d'un tel monde (ou l'ordre et certaines formes d'autorité ont disparu, ou la "fin du monde" est un concept tangible pour la population) est un levier de pouvoir puissant, utilisé depuis toujours en combinant l'usage de la carotte (notre mouvement vous sauvera) et du bâton (malheur aux infidèles) ; dans ce contexte le gourou réinstaure l'autorité disparue et fait figure de père charnel et spirituel pour les orphelins (réels ou fantasmés) et les déracinés. C'est aussi un business rentable. Ensuite du point de vue des victimes, parce que le postapo est un fantasme. On peut tous constater une certaine fascination du spectateur pour le sujet au cinéma et dans la littérature, et certaines personnes sont attirées par ce concept comme alternative au monde "stable" parce qu'il est un prétexte pour justifier les comportements extrêmes, ou les idées farfelues. C'est aussi un moyen de se dédouaner de responsabilités ou échecs en prétendant que le monde classique est l'anomalie causant les déviances alors que dans le monde fantasmé le déviant serait normal voire roi.

Bien sûr je peux me tromper et je n'ai pas tout compris (loin de là), aussi je vous invite à partager vos points de vue.

Pour finir, je dois bien avouer que je n'avais pas vu tout ça avant de me mettre à taper cette "critique", et que je trouve le film plus intéressant maintenant.

Après il y a toujours des défauts. Trop de cul, trop d'esbroufe. Mais si c'est bien le premier film du bonhomme, c'est quand même sacrément burné (ouais je sais).

désolé encore pour l'aspect brouillon.

lait-gris
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le 25 févr. 2024

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