Qui n'a jamais rêvé un jour de partir et de tout lâcher, de tout laisser tomber, responsabilités et routines, famille et amis? Parfois ce besoin de solitude, de remise en question, se fait dangereusement pressant. Peu parviennent à le satisfaire. Ceux qui y arrivent se lancent dans une aventure particulière et inoubliable sur le plan personnel. Et Jean-Marc Vallée la tâche ardue de retranscrire à l'écran cette expérience intense, à la limite du transcendant, qu'a connu Cheryl Strayed. Cette dernière avait décidé de coucher son aventure sur papier, avec son livre Marcher pour se retrouver.


En tant qu'adaptation, ce film est réussi. Il suffit de s'arrêter sur le titre du livre pour comprendre que ce n'est pas tant une marche spirituelle ou à visée philosophique, qu'une entreprise de construction de soi. Elle lâche tout pour essayer de tourner la page, de combler le vide laissé par la mère de sa vide. Vide qui s'est rapidement changé en omniprésence: sa mère était partout, elle ne pouvait plus vivre sa vie, sa propre vie, celle que sa mère aurait justement tant voulu qu'elle vive, sans tout ramener à sa maman. Ca n'est donc pas cette repentance spirituelle, ou ce geste révolutionnaire, que beaucoup s'attendaient à voir. C'est un voyage initiatique à travers son identité. La nature n'est que le théâtre de sa solitude. Elle n'est pas une actrice principale ici; les paysages sont certes beaux, ils n'en font pas pour autant partie de l'intrigue. Pas de réelle communion entre elle et Cheryl. Au contraire, elle reste l'ennemie jusqu'au bout. C'est peut-être ce qui en rebuté plus d'un.


Pour ma part, je n'ai pas été déçu par ce choix de tout ce centrer sur le passé de Cheryl. Pour les raisons citées plus haut, mais aussi car je trouve que les procédés de mise en scène rendent ce puzzle identitaire empathique et touchant. Les retours en arrière, quoiqu'effectivement un peu répétitifs, s'imbriquent parfaitement dans la narration présente. Notamment dans quelques belles scènes


(je pense à celle de la mort de la mère, qui amène à une merveilleurse relecture de la scène d'introduction, très forte par ailleurs)


à l'issue desquelles l'attachement aux personnages est renforcé. Je trouve que Jean-Marc Vallée ne tombe jamais dans le mélodramatique, toujours menaçant dans ce genre de scénario. Pas de lamentations, pas de scènes tire-larmes, là où d'autres se seraient complètement plantés.


On pourrait par contre lui reprocher d'être un peu tendre envers Cheryl. Si elle s'est réellement lancée dans cette randonnée sans aucune préparation, le déroulement aurait dû être autrement plus rude. L'aspect survie manque un peu de crédibilité.


Même si ce dernier un point est venu ternir mon impression d'ensemble, Wild m'aura réellement plu. Un beau film, sans prétention, mais pourtant plus abouti qu'il n'y paraît.

gaspard24
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les films de 2015 et Films vus en 2015

Créée

le 27 avr. 2015

Critique lue 322 fois

2 j'aime

1 commentaire

gaspard24

Écrit par

Critique lue 322 fois

2
1

D'autres avis sur Wild

Wild
eloch
6

"Ta seule ennemie, c'est toi"

Quand Black Swan est sorti au cinéma, l’hebdomadaire Télérama s’était posé cette question en Une : « Danser est-ce souffrir ? ». Pour Wild, c’est autre chose, il s’agit de vivre. Pour se remettre à...

le 16 janv. 2015

34 j'aime

5

Wild
JimBo_Lebowski
3

Vallée mieux rester chez soi

Quoi de mieux que de partir sur les routes pour oublier son chagrin ? Faire table rase du passé et marcher, s’arrêter, lire, penser, faire de nouvelles rencontres, c’est cool, mais en ce qui concerne...

le 21 janv. 2015

30 j'aime

17

Wild
Gand-Alf
8

La jungle de mon deuil.

De par son titre, son sujet, ses paysages sauvages et son affiche invitant à prendre la route sans attendre, le nouveau film de Jean-Marc Vallée rappelait dangereusement le magnifique Into the Wild...

le 15 janv. 2016

30 j'aime

2

Du même critique

Les Lumières de la ville
gaspard24
10

L'Amour fait cinéma

Non, non, non. Toi là! Je te vois venir, avec ton air de connaisseur, de chevronné, de celui qui n'a jamais tort, qui a la science infuse! Je te vois venir avec tes "Pour l'époque, c'est vrai que...

le 25 août 2015

12 j'aime

3

Sans adieu
gaspard24
8

Sans personne

Claudette ne supporte pas son chien qui lui colle aux pattes. « Du balai sale cabot » vocifère-t-elle d’une voix qui percerait les tympans du plus sourd des hommes. Il faut dire qu’elle se...

le 4 nov. 2017

10 j'aime

Lost in Translation
gaspard24
8

Insoutenable légèreté

S'il fallait ne retenir qu'une comédie dramatique, ce serait bien celle-là. Deuxième long-métrage de Sofia Coppola, Lost in Translation raconte l'histoire de deux Américains paumés au Japon. Bob...

le 4 avr. 2015

10 j'aime

1