Winter Break
7.3
Winter Break

Film de Alexander Payne (2023)

Un film de Noël c’est comme une courte nouvelle littéraire. Il faut surprendre le lecteur grâce à quelques personnages bien dessinés dans leurs caractères, il faut un scénario qui offre quelques rebondissements qui donnent un éclairage nouveau aux situations. Il faut donc de bons comédiens pour insuffler de la vie à tout ça. Un film de Noël implique donc de trouver un angle photographique simple qui évite les longues narrations pour décrire une ambiance. On a une belle lumière d’hiver, froide, silencieuse qui entoure un collège loin de tout. On est fin 1970 dans un collège du nord-est des états unis où on a relégué des fils de famille aux résultats scolaires plus que moyens. La cérémonie quasi religieuse de la fin du trimestre donne l’occasion de comprendre qu’il y a des différences subtiles dans le collège. On glorifie les fils de donateurs importants et le seul noir qui a étudié ici — le fils de la cuisinière — uniquement parce qu’il est mort au Vietnam. Après un dernier cantique, tout le monde s’envole donc vers les fêtes de fin d’année en famille, dans les stations de ski huppées ou au soleil des Bahamas. Tous sauf cinq malheureux coincés ici sous la férule du professeur le plus détesté de tout le collège qui se trouve piégé à la dernière minute par un directeur qui lui aussi le déteste. Ce Monsieur Hunham a tout du vieux garçon acariâtre. Il sévit dans ce collège depuis des lustres, enseigne l’histoire ancienne et semble resté coincé quelque part entre Sophocle et Marc Aurèle. Dans le collège reste également Mary Lamb qui dirige la cantine et dont le fils de 19 ans vient d’être tué au Vietnam. Elle a choisi de rester sur les lieux en souvenir de ce fils de dix-neuf ans, tué trop tôt dans une guerre à l’autre bout du monde.

Quand 4 des 5 jeunes prisonniers peuvent profiter d’une opportunité inespérée de partir au ski, il ne reste qu’un dernier collégien à rester, en tête à tête avec son « prof-baby-sitter » et Mary, la cuisinière. On saisit vite que ces trois-là vont se révéler au fil de l’intrigue. Les rebondissements vont nous faire découvrir que ces trois personnages ne sont pas ce qu’il semble être. Ils s’humanisent au fil des scènes. Le film devient d’une tristesse émouvante sans pathos. On assiste à plusieurs scènes dont la portée initiatique va transformer chacun pour le meilleur, on l’espère. Les petits mensonges qui permettent d’e supporter une réalité trop lourde pour chacun des trois protagonistes nous les tendent attachants quand on les sent capables de s’émerveiller de peu pour survivre à leurs blessures. Vous l’avez compris, il faut de très bons acteurs pour incarner des personnages complexes sans tomber dans la caricature : le pari est réussi.

SaintPol
7
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le 7 janv. 2024

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SaintPol

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