Ladji va-t'il atteindre le dernier niveau initiatique?

La canicule vit ses dernières heures, mais ce n'est pas une raison pour ne pas profiter de la climatisation d'une salle de cinéma. Je jette mon dévolu sur Wùlu, dont la bande-annonce avait piqué ma curiosité. C'est donc dans un certain confort physique et psychologique, que je me lance dans cette aventure.


Dans la culture Bambara, tu n'existes pas parce que tu es un corps, tu existes car tu es utile à la communauté, sinon tu es considéré comme un paria. Ce n'est pas propre à cette culture, dans toutes les sociétés, tu as surtout de la considération si tu t'élèves socialement. Mais cela permet de comprendre les motivations de Ladji (Ibrahim Koma), un jeune homme travaillant comme chauffeur et attendant d'être promu après cinq années à ce poste. Malheureusement, son travail ne sera pas récompensé. Il va choisir la voie dite facile pour s'enrichir et sortir sa sœur Aminata (Inna Modja) de la prostitution.


Ladji est un personnage mutique. Il observe le monde qui l'entoure et prend le temps de la réflexion avant d'agir. Une qualité qui va l'aider à se faire remarquer au sein d'une organisation criminelle. Cela va lui permettre de s'enrichir et d'offrir à sa sœur Aminata tout ce qu'elle désire : une pédicure, manucure et comme les françaises, même le maillot (et accessoirement une voiture et une maison). C'est une femme superficielle, n'aimant que le luxe et à force d'en vouloir toujours plus, elle oblige son frère à prendre encore de plus grands risques. La spirale est infernale, mais le film reste classique dans sa forme.


On pense au Scarface version Brian De Palma. Ce film n'en prend pas entièrement la structure, mais dès qu'on assiste à une ascension, ce film vient immédiatement en tête. Le rapport proche de l'inceste avec sa sœur, où ses seuls moments de colère ont lieu dès qu'un homme s'approche d'elle, contribue aussi à ce rapprochement. Le fait de devoir exécuté son associé, confirme les parallèles avec ce classique. Pourtant Ladji est très loin de l'extravagance de Tony Montana, mais il procède de la même manière pour arriver à ses fins. La grande différence se joue dans l'empathie qu'on a envers lui. Le personnage a un visage sympathique, il n'émane pas de lui de la violence ou de la haine. C'est un criminel et pourtant, on s'y attache car il convoie une femme de valeurs Assitan (Mariame N'Diaye) et ne flambe pas son argent, au contraire, il le laisse à la disposition de sa sœur et c'est sa principale faiblesse. On comprend son attachement, ce sont surement des orphelins et les liens du sang sont plus fort que tout, mais cette source de motivation devient une fragilité.


A travers le parcours de Ladji, le réalisateur Daouda Coulibaly tente aussi d'évoquer la situation géopolitique en Afrique. C'est ambitieux, mais il ne fait qu'effleurer la corruption qui gangrène le Mali, Sénégal, Guinée et les autres pays limitrophes. Il nous présente deux visages différents qui contribue à déstabiliser les institutions en place à travers un homme européen utilisant une société comme couverture, pour s'enrichir grâce au trafic de drogue. Il y a aussi cet homme africain avec ses soi-disant principes, sauf quand l’opportunité d'amasser encore plus d'argent se présente à lui. L'argent n'a pas d'odeur, ni de couleur, mais fait couler le sang de nombreuses personnes. En voulant aborder divers sujets, il ne va finalement au fond d'aucun d'eux et ne nous propose rien de vraiment intéressant et original, ni dans la forme et encore moins dans le fond.


Ibrahim Koma tente de sauver les apparences, mais cela manque de convictions. Il faut dire qu'Inna Modja est déplorable, le moindre mot sortant de sa bouche ou geste sonne faux. Elle est agaçante du début jusqu'à la fin. C'est d'ailleurs dans les dernières minutes du film, que j'ai capté que c'était elle, un tissage ça vous change tellement un visage, à moins qu'il soit quelconque. Je ne vais pas faire tout le casting, il n'y en a aucun qui m'a convaincu par son interprétation.


Wùlu est un film banal, sa trame est classique et son manque de nervosité finit par lasser. Avec une structure narrative plus complexe, on aurait pu avoir une oeuvre passionnante. Cela sera peut-être pour le prochain film de Daouda Coulibaly, à suivre.

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le 24 juin 2017

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Laurent Doe

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