Très subtilement, Daouda Coulibaly utilise le thriller pour évoquer de façon digeste les arcanes géostratégiques ayant présidé à la crise malienne de 2012. Alors qu’on associe majoritairement celle-ci à l’expansion de l’influence de l’extrémisme islamiste en Afrique du Nord, le réalisateur franco-malien braque le projecteur sur le nerf de la guerre, le trafic de cocaïne, dont les revenus colossaux créent une corruption généralisée et financent les groupes terroristes. En décrivant l’ascension fulgurante d’un citoyen ordinaire dans les réseaux de pouvoir, il permet au spectateur de se déniaiser en même temps que le protagoniste. Au fil des étapes du parcours du jeune chauffeur, nous découvrons ainsi les différents maillons de la chaîne du trafic : de l’espoir de sortir de la misère qu’il prodigue aux populations les plus pauvres jusqu’aux divisions qu’il provoque au sein de l’Armée nationale. A travers la trajectoire morale de son anti-héros, qui se déshumanise à mesure qu’il a davantage à gagner ou à perdre, Daouda Coulibaly révèle la puissance corruptrice de l’argent, capable de transformer d’honnêtes citoyens en instruments cyniques de la loi de la jungle mafieuse. A travers le parcours de la sœur, il décrit également l’attraction que produit la « classe de loisir » et sa consommation ostentatoire sur les catégories inférieures qui n’ont d’autre désir que de les imiter, oubliant dès qu’ils l’intègrent les valeurs de leur milieu d’origine. A l’arrivée, après avoir traversé avec les personnages principaux les milieux les plus pauvres, ceux des Nouveaux Riches et de l’administration politique, Daouda Coulibaly nous dote d’une vision synoptique de la société malienne qui nous permet d’appréhender la crise traversée par le pays dans toute sa complexité.

etsecla
7
Écrit par

Créée

le 6 août 2019

Critique lue 196 fois

etsecla

Écrit par

Critique lue 196 fois

D'autres avis sur Wùlu

Wùlu
ArthurPorto
7

Mali: Wùlu ou le sort de Ladji!

C'est une des des révélations du cycle Un État du Monde et du Cinéma, initiative toujours très attendue du Forum des Images. Le premier long métrage de Daouda Coulibaly, un thriller réussi qui décrit...

le 27 nov. 2016

3 j'aime

Wùlu
Sin
8

Ô Ladji.

Wùlu. Un film qui évoque l'amour fraternel, le terrorisme et le trafic de drogues à travers un jeune homme qui se cherche... Tellement de sujets complexes abordés, et pourtant Daouda Coulibaly, le...

Par

le 27 janv. 2018

2 j'aime

5

Wùlu
JorikVesperhaven
6

Un polar sympathique sans plus qui brille plus par son origine que par ses réelles qualités intrinsè

S’il y a bien un continent qui ne nous envoie guère de nouvelles (et la situation géopolitique, économique et culturelle de la grande majorité des pays en faisant partie joue beaucoup), c’est...

le 23 juin 2017

2 j'aime

Du même critique

The Cakemaker
etsecla
7

L'eau à la bouche

Thomas (Tim Kalkhof), pâtissier résidant à Berlin, s’éprend d’Oren (Roy Miller), un homme marié vivant avec femme et fils à Jérusalem, lors du passage de celui-ci dans la capitale allemande pour une...

le 7 mai 2021

4 j'aime

2

À voix haute - La force de la parole
etsecla
8

Eloquentia

A voix haute ne se raconte pas. Il se vit. Si le documentaire est à ce point une expérience viscérale, c’est qu’avant de terminer en point d’orgue sur les médusantes performances des candidats lors...

le 23 mai 2020

3 j'aime

2

Wallace et Gromit - Rasé de près
etsecla
7

Indémodelable

Après avoir rassemblé les deux premiers court-métrages des aventures de Wallace & Gromit dans Les inventuriers, le distributeur Folimage nous propose cette fois-ci de (re)découvrir le troisième...

le 24 avr. 2020

3 j'aime