Zack Snyder's Justice League : Justice Is Gray Edition par Mathieu Erre

Du haut de ses rutilants 4,4, le film initialement sorti en salles sous le titre de Justice League n'est autre qu'un de ces navets émargeant à la catégorie "OSEF le réalisateur, il n'est pas dispo, on va remonter ça c'est trop long, et trop sombre."

Les différences, très conséquentes entre cette version cinéma et celle qui nous occupe ici, sont parfaitement claires au regard des deux trailers : on voit immédiatement comprendre qu'on n'a pas du tout affaire à la même came.

Et en effet, cette nouvelle version s'avère indéniablement plus sombre, tant au plan esthétique que scénaristique.

D'une longueur jugée excessive pour une sortie en salles — quatre heures, de quoi faire deux films, — et devant l'indisponibilité du réalisateur, Zack Snyder, frappé par un deuil très cruel puisqu'il perdit sa fille, Warner Bros a confié à Joss Wedon, qui a quand même été le réalisateur de plusieurs Avengers, l'opération chirurgicale consistant à extirper une bonne partie de la version Snyder.

Oh, trois fois rien : essentiellement ces petites broutilles qui composent ce qu'on pouvait bêtement espérer s'attendre à voir préserver — le scénario.

Snyder est un honnête faiseur de blockbusters super-héroïques, réalisateur entre autres de Batman v. Superman — dont on admettra, pour le dire pudiquement, qu'il est perfectible —, et par ailleurs producteur entre autres du très bon Wonder Woman qui écope ici même d'un 5,7 assez injuste.

Le public, sur le mode d'une souscription, a poussé à ce que la version d'origine du film soit mise à disposition — je ne pense pas que ce soit sorti en salles.

C'est ambitieux, démesuré et même parfois foutraque, mais cette œuvre incontestablement personnelle fait fond de manière inspirée sur tout un tas de comics DC mettant en scène la Ligue — Superman et Batman, Wonder Woman, The Flash, Cyborg, Aquaman, je n'oublie personne je pense.

Quels sont les défauts de la version Whedon ? Ils sont de plusieurs ordres :

  • il expurge tellement de passages importants qu'un personnage comme Cyborg par exemple devient incompréhensible, ni ses origines ni son évolution durant l'action du film ne sont abordées de façon cohérente ; c'est aussi dans une très large mesure le cas du Flash, autrement dit, des deux supes qui n'ont pas encore eu leur propre métrage en standalone ;
  • la sujétion du vilain dont j'ai oublié le nom, appelons-le Toto — en fait, Steppenwolf, un affreux à casque à cornes façon foot américain, à un vrai shôgun de l'ombre, le souverain d'Apokolips et Dieu assassin qui fomente l'invasion de la Terre, Darkseid, personnage-clé de nombre de comics ;
  • au global, comme je l'ai dit, le scénario inspiré de Snyder est estropié d'une façon telle que le spectateur, qui n'en peut mais, mériterait qu'on lui rembourse sa place.

Et à l'arrivée, le film est désormais scandé par six chapitres :

  • “Don’t Count on It, Batman” ;
  • "The Age of Heroes" ;
  • "Beloved Mother, Beloved Son" ;
  • “Change Machine” ;
  • "All the King’s Horses“ ;
  • et "Something Darker”.

Listons brièvement les points sur lesquels ce Snyder's cut rétablit le projet initial :

  • jusqu'à 80% des plans du film sorti en salles ont été revus et rétablis ;
A very small portion of the movie is the new stuff that I shot… First of all, let’s just clarify, there are like two bits that I added. One bit that I had really sort of hoped to shoot in post but never got the chance to and then one, that scene, with Jared. This whole little piece with Jared. The truth is, the rest of the four hours of the movie are really just what I shot."
  • comme le dit ci-dessus Snyder, bien peu des nouveautés seront introduites à l'issue de reshoots : l'une correspond à une scène avec Jared Leto aka the Joker ; on retrouve aussi Superman dans un costume noir et argent des plus seyants, dont je ne me rappelle plus la raison d'être ;
  • les principales modifications concernent le dernier tiers du film, l'affrontement final avec les agresseurs aux ordres de Darkseid ;
  • ni la famille russe ni la course effrénée de Superman et Flash pour les aider ne figuraient dans la version Whedon ;
  • la nature des effets spéciaux, sans doute faute de finalisation dans la version Snyder, est très différente, et à vrai dire ils ne sont pas moins réussis : ainsi, Toto-Steppenwolf apparaît bien plus effrayant ;
  • l'arc narratif de Diana fait de Wonder Woman le fil rouge de la narration ;
  • on apprend que Darkseid peut contrôler les esprits sur Terre, un pouvoir dont Superman serait susceptible de pâtir, avec les conséquences qu'on imagine sur l'issue de l'action ;
  • le fameux Knightmare, le cauchemar de Batman, vient fill in the blanks du film de Whedon : une vision d'effroi de ce qui pourrait arriver.

Je m'en tiens là pour ce jeu des huit différences.

Un mot du film lui-même : ça fonctionne, les scènes de combat d'une ampleur dingue sont esthétiquement un vrai coup de poing. L'histoire est proprement apocalyptique et vous scotche à votre canapé.

Enfin, le mieux est que vous alliez y voir pour vous forger votre propre opinion.

Mais personne ne niera que le film ainsi restauré réussit ce que la version Whedon échouait à réaliser : un film d'une ampleur que son sujet impose.

Mathieu-Erre
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le 7 janv. 2024

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Mathieu Erre

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