Cette critique concerne avant tout l’adaptation de la BD culte de Fabcaro en spectacle, produite par le Théatre de l’Argument, mais c’est l’occasion de parler de l’oeuvre originelle et de dire des bêtises sur Joe Dassin. Tout ça lecteur.e.eur.se.ice pour tes beaux yeux.


La légende (écrite sur le programme reçu à l’entrée du théâtre) veut que la joyeuse troupe ait tellement ri, mais ri, ah si vous saviez, à la lecture de la BD qu’elle décida de l’adapter. Ce qui n’est pas une si mince affaire, celle-ci étant constituée d’une histoire rocambolesque où les pas de côté sont nombreux, comme un Madison.


Pourtant, tout commence simplement, mais ne va pas tarder à s’envenimer, avec le personnage principal, sommé de présenter sa carte de fidélité dans un magasin. Malheureusement, il l’a laissé dans un autre pantalon, l’inconscient. Le vigile s’en mêle, notre malheureux héros prend la fuite, la caissière est traumatisée, la presse est sur place, tout le monde rapidement ne parle que de ça, dans les bars, dans les foyers, même à l’Assemblée, dans des proportions homériques.


Et il faut un certain talent pour tordre à ce point le quotidien, pastichant les situations attendues, pour mieux prendre des chemins bien saugrenus. L’absurde s’invite, tranquilou pilou, pour mieux nous surprendre. D’autant plus que Fabcaro est alors au sommet d’une de ses veines, celle de l’autocritique, le personnage principal étant un dessinateur d’humour accusé d’en faire trop (rengaine toujours d’actualité). Et j’adore quand l’humour absurde de l’auteur se mêle à une certaine forme d’humour un peu désespéré, qui n’hésite pas à se mettre en jeu.


Mais les analystes pourront sortir leur pipe et gloser sur la tyrannie de l’information (à vide), les opinions biaisées (complotistes, médisantes, ou faussement empathiques) ou sur l’hypocrisie de certaines catégories. Le programme qui m’a été fourni explique bien que ce n’est pas que de la gaudriole, il y a du fond, messieurs dames, n’ayez pas peur, achetez vos places. Mais ce sont vraiment pour les analystes à pipes qui voudront légitimer leur lecture ou leur place (rang O place 13 pour moi), les autres s’en payeront de bonnes tranches à se taper le cul par terre.


Mis en scène par Paul Moulin, le spectacle adapte avec une assez grande fidélité, le matériel est une mine d’or, ce serait dommage de le monter en bijou éco+. Quelques gags un peu trop visuels sautent à la trappe, quelques rares sont difficilement compréhensibles sans avoir lu l’album et la troupe ajoute quelques traits d’humour en plus en lien avec l’actualité, sans dénaturer le ton.


La forme choisie est celle d’une fiction radiophonique, où l’essentiel se passe derrière une table, les comédiens récitant le texte, avec différents effets sonores bricolés à côté, devant nos yeux amusés. Le trait figé et la composition un peu statique des planches semble donc conservée. La crainte est grande (au moins comme ça, suivez ma main) que cela soit un petit peu, pardonnez mon vil langage, un peu chiant, et pourtant !


Et pourtant non. Car il y a tous ces effets de spectacle, les éclairages, les bruitages, quelques déplacements mais surtout parce que la troupe est brillante. Chacun des acteurs joue son personnage avec une expressivité incroyable, et surtout un ton qui n’est évidemment pas dû à au hasard, mais à un talent naturel, probablement beaucoup de répétitions et peut-être même à un pacte avec le Diable. Les scènes s’enchaînent, les rôles changent, et pourtant sans être trop perdu, chaque nouvel échange resitue le cadre malgré l’apparition de nouveaux personnages et de nouvelles voix.


Franchement, Élisa Bourreau, Ariane Begoin, Serge Biavan, Maxime Coggio, Christophe Danvin, Aymeric Demarigny, Cyrille Labbé, Paul Moulin et Emmanuel Noblet, j’ai peut-être copié-collé vos noms depuis une page web mais dans mon coeur vous avez fait boum.


Je n’étais pas seul, il y avait foule, et malgré un certain inconfort (c’est ma faute, j’ai mangé trop de soupe dans ma jeunesse), qu’est-ce qu’on a ri. Les petits vieux ou les adolescents (visiblement traînés là pour une sortie scolaire qu’ils n’oublieront pas de sitôt, et pourtant ce n’est pas la porte à côté), la salle s’est fendue la poire, et même aux plus graves plaisanteries (celles sur le complot juif ou dans le culcul d’un enfant, hilarantes, ne jugez pas avant de les avoir lues ou entendues).


Le Théâtre de l’Argument n’a pas le monopole de l’adaptation de cette BD hilarante, primée un peu partout, vendue à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires, abîmée dans les bibliothèques à force d’emprunts, d’autres productions ont été faites par d’autres compagnies. Mais si le spectacle passe près de chez vous, ou même un peu plus loin, allez-y, le détour vaut le détour.


Le titre est évidemment en rapport avec l’entêtante ritournelle Siffler sur la coquille. J’avais écrit en préambule que j’allais dire des bêtises sur Joe Dassin, mais en fait c’était pour attirer les dassinophiles (société secrète très présente sur Senscritique, on me la fait pas à moi).

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le 8 oct. 2020

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