Oussama l'air mal barré pour Ben Laden ! (Razzie award de la tagline 2013)

Si on doit reconnaitre une qualité aux américains, c'est la rapidité avec laquelle ils explorent leur histoire récente au cinéma. Alors que la France ne se dépatouille toujours pas de la collaboration ou de la guerre d'Algérie, les Etats-Unis ont déjà exorcisés le Vietnam, la guerre du Golfe, le 11 septembre et la guerre en Irak. Que les films soit pro ou à charge, bons ou mauvais, c'est une autre affaire.... Deux ans après la mission qui a collé une balle dans la tête d'Oussama, Kathryn Bigelow s'attache donc à retracer la traque et l'opération de la CIA qui a mené à cette "victoire". Et comme pour Démineurs, il y a à boire et à manger.

Les femmes réalisatrices, il n'y en a pas beaucoup et c'est bien dommage. Prenons l'exemple de Kathryn Bigelow. Ex-mannequin, ex-Mme James Cameron, bref une gravure de mode que rien ne prédestinait à réaliser des films. Au finish, filmographie éclectique et de qualité, talent indéniable et surtout, plus de couilles que 80% de ses homologues masculins ! Bigelow fait des films de mecs certes (Point break, Démineurs,...) mais elle fait surtout des films malaimables qui aiment bien titiller l'ambiguité de l'identité, humaine comme américaine. Une sorte de mix improbable entre le Nouvel Hollywood et Paul Greengrass. Zero dark thirty ne déroge pas à cette règle et c'est d'ailleurs pour cela qu'il suscite la polémique.

Car comme dans Démineurs, Kathryn Bigelow ne donne pas de leçons, n'adopte pas une posture mais s'inscrit dans une neutralité factuelle pour mieux montrer les deux côtés de la pièce. D'où des scènes de torture traitées froidement et un angle presque journalistique qui, mal interprété, peut légitimer les exactions américaines et justifier son combat critiqué et critiquable. C'est cette ambiguité, auquel nous ne sommes plus habitués en tant que spectateurs, qui fait tout le sel du cinéma de Bigelow et rend nécessaire l'existence de films comme Zero dark thirty, quoi qu'on pense du résultat final. Résultat qui souffre malheureusement de cet état de fait, de cette neutralité.

Car il faut se rendre à l'évidence, on se fait chier devant Zero dark thirty comme on s'emmerdait devant Démineurs. La faute encore à un sujet qui s'étire, s'étire mais ne raconte rien et se perd dans la répétition maladive de la même péripétie. Le film dure deux heures et demie, c'est bien trop long, mais quand, en plus, 1h30 se résume à Jessica Chastaing dans une pièce face à un terroriste qui doit balancer un autre terroriste (véridique), il y a de quoi se taper la tête sur les murs. Heureusement, Kathryn Bigelow filme vachement bien ce qui aide parfois à faire passer la pilule d'un scénario linéaire et assez inintéressant quand il est sorti des séquences en tension. En cela, l'haletante dernière heure relève le niveau général par son paradoxal suspense dramaturgique (on connait la finalité), sa puissance formelle et, osons-le dire, son incarnation.

Car le plus gros reproche qu'on peut faire à Zéro dark thirty, c'est d'essayer de faire d'une fiction une matière purement documentaire sans jamais l'incarner. On empile les faits, les dates et les personnes mais cinématographiquement, tout cela n'a aucun intérèt. Autant lire le bouquin sur l'opération ! Ainsi, on a souvent la désagréable impression de se trouver devant le téléfilm édifiant, mais très bien filmé, qui précéderait un débat télévisé. On relate laborieusement toute la traque avec des personnages faméliques, plats et presque fonctions comme héros. C'est bien dommage pour le talentueux casting qu'il n'ait que ça à se mettre sous la dent. Et le spectateur de se déconnecter, n'ayant aucun affect à projeter, suivant cela très distraitement, sursautant au rythme d'un attentat toutes les 30 minutes. Cela n'empèche pas le film de faire vibrer dès qu'il s'agite, avec toujours cette mise en scène au cordeau, tendue, nerveuse mais toujours lisible qui fait la force du cinéma de Bigelow.

A terme, c'est un sentiment assez étrange que de voir Zero dark thirty, film qui se voudrait pavé dans la mare, salutaire dans sa démarche mais qui ne restera aucunement dans les mémoires tant sa pauvreté dramaturgique, rehaussée d'une longueur excessive rende la chose trop édifiante et pas assez incarnée. Reste que Kathryn Bigelow est une grande réalisatrice.

PS : C'est un détail mais cela prouve bien qu'on reste dans le cinéma. Votre défi si vous l'acceptez sera de trouver un américain moche dans Zero dark thirty. Regardez-bien, apparemment la CIA n'emploie que des top-models.
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le 27 févr. 2013

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Adrien Beltoise

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