Qu’est-ce que l’académisme ? Ce qui plaît à l’académie (des Oscars dans le cas présent) ? Probablement. Zero Dark Thirty est taillé dans le marbre de l’académisme. Sujet fort au sein d’un genre respectable, performance d’une actrice ou d’un acteur qui fait cavalier seul, mise en scène impeccable et sans risque. Edifiant et didactique, le film de Kathryn Bigelow avance mécaniquement sur un faux rythme, on commence avec la « question de la torture », puis la question des « attentats terroristes », puis la « question des guerres internes à la CIA », puis « la traque palpitante » et enfin le moment que vous attendiez tous : « l’assaut en temps réel ». Ouf, il se mérite. C’est du cinéma puissant mais laborieux, qui hésite tout le temps entre retenu et explosion. La mise en scène n’a aucun éclat et Jessica Chastain joue la transparence, c’est la partie retenue. Mais c’est Kathryn Bigelow, miss Point Break et Strange Days, on ne se refait pas. Donc il y a des scènes de suspens à couper au couteau, comme dans Démineurs. Mais avec l’excuse de l’Histoire.


Cessons-là les billevesées, Zero Dark Thirty est un bon film. Un thriller politique, plutôt à l’ancienne, Hollywood nous en sort tous les ans, ils font trois petits tours aux Oscars et puis s’en vont. Celui-ci fait partie du haut du panier. Parce que la réalisatrice accomplit son devoir proprement, avec une certaine objectivité au-delà de la propagande de la CIA. Par instant on entrevoit quelque chose, un éclair, un truc, peut-être un peu d’humanité, au fond, là, dans le regard de Jessica Chastain. C’est bref, car voilà les Navy Seals qui passent à l’attaque, dans une séquence froide comme la mort, tranchante comme une baïonnette. Ce n’est pas un film fun, ce n’est pas un film de guerre où on joue à la guerre. C’est presque la réalité, et en même temps tout semble faux. C’est du cinéma, du bon cinéma à défaut d’être du grand cinéma. Arrive la dernière scène, on ne sait pas très bien si les gentils ont gagné, d’ailleurs personne ne gagne jamais dans ces guerres là, mais Jessica est soulagée et nous aussi. La cloche a sonné, le cours magistral est terminé.
Ed-Wood
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le 14 janv. 2013

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