J'avais beaucoup d'appréhension en allant voir Zero Dark Thirty, pour deux raisons principales. La première étant tout simplement le fait que les films géopolitiques, parfois politiques ou même anti-conspirationnistes, ont souvent le don de m'ennuyer et de m'énerver, surtout avec Georges Clooney d'ailleurs (Syriana, Michael Clayton, l'exception étant à ce jour Les marches du pouvoir) mais il me faut reconnaître que certains sont extrêmement bien foutus, Traffic (bon, il est à la fois politique et sociétal) et autres (j'ajoute que je reconnais qu'il est difficile de qualifier un film de par son seul aspect politique / géopolitique, mais je pense que vous voyez à quel genre de films je me réfère en utilisant ces termes). Le problème étant donc (j'y viens enfin, c'est la seconde raison) que de Bigelow, je n'ai vu que Démineurs et que si je l'ai trouvé formellement bon, le film ne m'avait pas plus emballé que ça (dans le traitement de son concept). Ainsi, si je n'ai pas détesté le film à proprement parler, je savais que si je revoyais une "deuxième version" de Démineurs avec ZDT j'allais sortir de la salle en criant "NOOOOOOON".

A ma grande surprise, le film m'a littéralement captivé. Si, comme dans la plupart des films de ce genre, on a d'abord du mal à trouver ses repères au milieu du contexte et du jargon technique, le fait est que l'univers est crédible et même accrocheur. La bonne idée est de présenter l'enquête dans son intégralité et sous tous ses aspects (un peu comme Argo récemment même s'il ne s'agit pas d'enquête), ce qui fait un film relativement long (on sent quand même les 2h30 en sortant) mais formellement irréprochable. Cela l'empêche de s'endormir dans une routine auquel j'aurais facilement pu être totalement imperméable mais Bigelow a eu la bonne idée de découper son film en chapitres qui possèdent chacun leurs propres enjeux, et pourtant en relation avec le même objectif. L'action se renouvelle donc sans cesse sans jamais s'éparpiller, de nouvelles têtes apparaissent puis disparaissent ce qui nous offre un casting gratiné: au-delà de Jessica Chastin, extraordinaire dans ce rôle de femme plus couillue que tous les hommes qui l'entourent, on voit défiler entre autres Jason Clarke, Mark Strong, Jennifer Ehle (géniale), Joel Edgerton ou encore James Gandolfini tous extrêmement bien imprégnés dans leurs personnages malgré des rôles très secondaires pour certains (en terme de temps à l'écran j'entends).

C'est ce côté immersif qui fait selon moi de ZDT une très belle réussite, le plus bel exemple étant l'attaque finale sur la maison dans laquelle se cache Ben Laden, qui est filmée à la perfection en offrant un énorme moment de tension au cinéma (bien plus forte que dans Film Banal Américain par N'importe Quel Réal où Le Héros est accroché au bord d'une fenêtre: on sait déjà qu'il ne va pas tomber et on s'en fout, ici, on sait aussi que Ben Laden va se faire tuer pourtant la scène est extrêmement prenante). Ce qui m'a aussi plu, c'est que l'on peut voir que Bigelow cherche à éviter d'émettre un jugement trop personnel qui entraînerait forcément un surplus de subjectivité qui aboutirait à un risque non-nul (voire très probable) de manichéisme. Mais ici, il n'y a pas vraiment de jugement moral, Maya est après tout une jeune femme dont la vie post-lycée se résume à la traque de Ben Laden, elle est donc naturellement obsédée. On montre objectivement les faits tels qu'ils sont: des hommes traquent Ben Laden car c'est leur métier et ils ont la conviction que ce qu'ils font est pour le bien universel (aucun débat sur ce "bien universel" est soulevé dans le film). On peut d'ailleurs voir une certaine critique quant aux motivations qui animent Maya et ses collègues: " on veut tuer Ben Laden parce qu'il a tué 3000 innocents", ce leitmotiv apparaît à plusieurs reprises et l'argument finit par tourner à vide étant donné que chacun en fait une histoire personnelle désormais (Maya la première, et cette évolution est très bien marqué lors de la mort de son amie). Je ne crois pas vraiment au patriotisme du film, tout comme je n'y croyais pas en regardant Démineurs. Je pense que s'il y a bien une chose que l'on ne peut pas retirer à Bigelow, c'est l'objectivité de ses films (pour sa vie, je ne sais pas et je m'en balance un peu).

En gros: l'appréhension initiale dont j'ai fait mention a très certainement renforcé l'effet de surprise, mais pour qu'un film de ce genre retienne toute mon attention pour 2h30, c'est qu'il a des qualités évidentes.

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le 4 févr. 2013

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le 4 févr. 2013

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