Que veux tu dire David ?

Fincher nous propose avec Zodiac un film d'enquête policière dans lequel on suit d'abord trois personnages cherchant tous l'identité du tueur différemment mais alors que l'enquête s'enlise dans le temps long (plusieurs décennies), seul un dessinateur à priori médiocre poursuit obstinément sa quête de vérité.

Certains ont trouvé ce film "hyperréaliste". Ah bon ? Mais où ? Où est le réalisme quand un suspect s'amuse à effrayer Jake Gyllenhal en menaçant d'être le tueur ? Où est le réalisme quand quasiment aucune scène de vie en dehors de l'enquête nous est montrée ? Alors que plusieurs décennies s'écoulent, aucun signe de vieillisement ne nous est donné. On a donc cette curieuse impression que le temps passe mais que les personnages ne changent pas, ni physiquement ni mentalement. Ils sont en dehors du réel, ce qui produit une superhéroisation très malvenue et nous empêche d'etre empathique à leur égard.

Bien souvent, les films d'enquête sont un prisme pour observer certains aspects de la société : banalité du mal, tensions sociales, incommunicablité des êtres, caractère insondable de l'âme, etc. J'ai beau chercher, mais Fincher ne propose rien de ce point de vue. Les personnages sont par exemple remarquablement fades. Des tranches de leur vie quotidienne nous sont parfois proposées mais elles sont clichées et insipides au possible (Jake va déposer son fils à l'école et évidemment il faut aller vite car il est en retard !!!). La psychée des protagonistes est donc sans intérêt, on peine à ressentir quoique ce soit avec eux. Ils sont enfermés dans des archétypes qui ne laissent aucune place pour des affects intéressants.

L'enquête est-elle intéressante ? Non. L'identité du tueur est révélée par plusieurs éléments, mais certains sont connus uniquement du spectateur, de sorte qu'on se demande quand les enquêteurs vont le comprendre ou pourquoi/comment ne vont-ils pas le comprendre. Malheureusement, l'enquête est menée de façon très classique. Passage aux archives, fausses pistes, remise en question, etc. On est de surcroit noyés d'informations tant les personnages sont bavards. Deux abandonnent, l'un va au bout. Bref, c'est vu et revu.

Le film accumule ainsi un fardeau de clichés et propose des personnages archétypaux sans intérêt, qu'il s'agisse du tueur ou des enquêteurs. Tout au long du visionnage, je me suis demandé quand et comment Fincher allait retourner ces stéréotypes pour proposer quelque chose d'intéressant. En vain. Et 2H40 à le faire, c'est long.

Vide de sens, le film n'a d'autre choix que de générer artificiellement de la tension avec cette scène absurde où un suspect effraye Jake en jouant le tueur. On sort définitivement du film en comprenant que Fincher n'a rien à dire. C'est d'autant plus dommage que la scène d'ouverture, à la mise en scène et à la photographie sublimes, nous faisait miroiter un film alléchant. 5,5