Dawn of the dead est la quintessence du cinéma de George A Romero; quintessence de sa mise en scène, de ses thématiques sociales, de ses plus jolies conclusions d'intrigue. En couleurs, bourré de figurants dès ses premières minutes, on sent une évolution considérable du budget depuis son premier film, le très bon La Nuit des Morts-vivants, évolution si considérable qu'il semblerait avoir, enfin, de vrais acteurs à ses côtés.


Parti très simplement sur un postulat pourtant classique aujourd'hui (un groupe de héros s'enfuit d'une zone contaminée pour se réfugier dans une autre qu'ils pensent jusqu'ici sécurisée), Dawn of the Dead pose, dès son départ, les jalons d'un genre qui ne connaîtra jusqu'à ce jour pas de meilleure histoire et sera rarement aussi bien mis en scène, esthétisé, tant au niveau de sa violence que de ses mises à mort.


De retour avec ses discours engagé, Romero nous laisse d'abord penser que Scott H. Reiniger sera le proagoniste de l'intrigue, avant de nous laisser comprendre, petit à petit, que le rôle écopera au charismatique Ken Foree. Si les premiers instants où l'on verra les deux acteurs s'illustrer au sein d'une histoire affreuse seront marquants, ils ne constitueront pas le quart du choc ressenti aux quelques plans des premiers meurtres de zombies, où des soldats/policiers, traumatisés de ce qu'ils viennent de voir et de faire, décideront de se suicider plutôt que de continuer à vivre dans un monde pareil.


Dans un genre où il paraît difficile de trouver des équivalences à ce niveau de désespoir pur, sera à noter la présence de la première thématique entièrement abordée du sous-genre zombie au cinéma : Romero ayant sa propre vision de l'Homme moderne, qu'il considère comme à ce point consommateur qu'il n'est finalement qu'un automate à peine conscient dont les réactions tiennent plus du réflexe, du conditionnement que du véritable libre-arbitre, il nous transmet l'idée que si ce même consommateur incapable de penser individuellement devait revenir à la vie, il est évident qu'il reviendrait sur ses lieux de vie récurrents, ici le centre-commercial.


Une fois qu'il aura présenté sa situation (et qu'il l'aura expliquée avec talent et intelligence sur un toit à la vue terrible), l'intrigue pourra se lancer et débuter en même temps cette machine infernale dans laquelle le spectateur s'est inconsciemment lancé. Car s'il nous voit comme des consommateurs abrutis par notre mode de vie capitaliste autant que consumériste, Romero gardera une certaine tendresse pour cette humanité qu'il critique : n'oubliant jamais qu'il en fait partie, il s'inclue forcément dans cette satire au travers de sa mise en scène d'une efficacité fantastique, jusqu'à montrer ces pauvres morts titubants en tant qu'animaux victimes de l'ultra-violence des hommes.


C'est à l'arrivée dans l'intrigue d'une bande de rockers pillards que l'on commencera à nous montrer les zombies d'un oeil de pitié, comme pour nous faire ressentir de la compassion à leur égard; tout comme avec La Nuit des morts-vivants, Romero avance ici l'idée maligne qu'au moment de la fin du monde, le principal danger viendrait moins de zombies lents, idiots que de survivants entraînés à tuer, organisés pour piller, sadiques et cruels, des Hommes souillés par le vice d'une liberté nouvelle et absolue.


A l'heure où l'on deviendrait presque méfiant des survivants du groupe de héros, la finesse de la critique sociale de Romero, pourtant amorcée sur des grands choses, jurera cruellement avec la lourdeur de ses effets visuels, principalement dans ce qui concerne le travail de maquillages sanglants d'un jeune Tom Savini manquant encore d'expérience. Remarquer si souvent des trucages fait tellement sortir du film qu'on en viendrait presque à perdre le fil de la satire de son réalisateur/scénariste, voir à moins aimer un rendu final pourtant excessivement réussi.


C'est moins au niveau de sa forme que de son fond que Dawn of the dead se révèle en tant que pépite du genre : dans quel autre film du genre aura-t-on vu fin plus dramatique et, en même temps, plus heureuse et mieux filmée, dont le rythme haletant fera vivre la situation par les yeux des personnages, en épousant leurs ressentis, leurs crainte, leur désespoir? De cette conclusion jouissive où les attaqués récolteront le fruit de leurs offenses, Romero annonce, par une fin ouverte laissant en suspens sa première trilogie de zombies, que le maître des films de morts-vivants n'a pas encore terminé de donner la messe à ses disciples.


Il aura fallu attendre dix ans pour comprendre que le génial George A. Romero n'avait pas livré le quart de ce qu'il était capable de faire avec la Nuit des morts-vivants. Il faudra en subir encore sept pour déterminer si Zombie n'était pas un coup de chance jeté dans la marre d'une carrière de réalisateur/scénariste pourtant très inégale, à la manière d'un de ses contemporains du cinéma d'horreur, le légendaire Wes Craven, lesquels sont, par bien des aspects, aisément comparables.

FloBerne

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