Je me suis procuré Alice Retour au Pays de la Folie dès sa sortie, et j'ai d'abord voulu faire le premier épisode (disponible en téléchargement sur le PSN et le XBL, gratuitement si on a acheté le jeu neuf), sorti en 2001 sur PC. Mais l'interface antédiluvienne, les chargements à rallonge et les contrôles typés FPS sur ce jeu de plateformes ont eu raison de ma bonne volonté. D'autres jeux à faire ont relégué le jeu dans ma grande pile de jeux à essayer.

Il aura fallu attendre quelques retours positifs de joueurs sur le Net pour que je me décide à jouer à cette suite d'American Mac Gee's Alice, qui avait fait sensation à l'époque pour sa relecture sombre et sanglante (mais pas gratuitement) du dyptique de Lewis Caroll, Alice au Pays des Merveilles et De l'Autre Côté du Miroir. Les tests professionnels ont par contre été plus mitigés (le jeu obtient une note de 70 sur Metacritic, soit "Avis moyens ou contrastés) mais j'ai ma petite idée sur leurs griefs (que je partage en partie).

On suit à nouveau Alice Lidell (qui est le nom de la petite fille qui a inspiré Lewis Caroll dans l'écriture de ses 2 livres) qui tente de se reconstruire après le décès de sa famille dans l'incendie de leur maison. Elle retourne dans un Pays des Merveilles (une construction mentale pour exorciser ses troubles et son sentiment de culpabilité) en plein bouleversement. Il n'est a priori pas nécessaire de faire le premier épisode pour tout comprendre, d'autant que certains personnages changent de camp ou reviennent à la vie.

La première impression que l'on a quand on lance le jeu, c'est que la direction artistique est superbe (ce qui se confirme au fur et à mesure du jeu) mais que la réalisation est digne d'un (beau) jeu Playstation 2. Les décors sont assez étriqués et on se heurte à pas mal de murs invisibles, les textures sont assez moyennes et la caméra moins qu'optimale (même si elle ne porte pas trop préjudice en fin de compte). La modélisation des personnages est assez simple mais reste d'un bon niveau (même si j'ai pu constater une animation bizarre des longs cheveux de l'héroïne quand elle est sur des plateformes bougeant verticalement). Le jeu reste assez joli (on est loin de l'horreur d'un Deadly Premonition par exemple) et n'entâche pas la direction artistique. Le design général, glauque et steampunk, e est une véritable réussite. L'héroïne, par exemple, est très jolie sans tomber dans le racoleur. Elle a plusieurs costumes (6 dans l'histoire et 6 dans un DLC au prix étonnament bas) mais aucun révélateur (à part si on est fétichiste des épaules ou des pieds nus, et encore il ne s'agit que de quelques costumes). Ces costumes ont également chacun leurs avantages. Les cutscenes font le choix de "collages" en 2D d'un esthétisme sûr.

Les musiques et les doublages sont de très bon niveau. Par ailleurs, la localisation en français me semble fort correcte à retranscrire les raisonnements par l'absurde, les jeux de mots et récitations en vers qui sont le propre de la VO (et du dyptique de Lewis Caroll par ailleurs, un véritable casse-tête de traduction). Certains noms de trophées font par ailleurs clairement référence aux expressions inventées à l'occasion des romans.

Le gameplay est assez old school également, avec ce mélange entre plateformes, puzzles très faciles et combats contre des monstres. Certains ont pu reprocher la répétitivité des 5 mondes du jeu, où l'on fait toujours un peu la même chose. Je dirai simplement 2 choses : on fait toujours la même chose dans un jeu de voiture, un FPS ou un jeu de foot sans que le reproche ne soit fait sur la répétitivité du gameplay. Et de plus, chaque monde réserve sa séquence inédite de gameplay. Le premier monde donne la fausse impression d'un jeu poussif. Et à partir du 3ème monde, on ne décroche plus.

Les phases de plateforme sont nombreuses et sont desservies par la caméra assez capricieuse, mais l'absence de Game Over et la "récupération" automatique et immédiate en cas de chute mortelle empêchent toute frustration. Les combats sont nerveux, assez jouissifs (avec des armes assez peu nombreuses mais toutes utiles) et certains monstres peuvent se révéler coriaces lors de leur première apparition. Etonamment, les combats contre les boss sont très nombreux.

La durée de vie est assez conséquente (une quinzaine d'heures), avec beaucoup d'objets à débusquer (souvenirs, bouteilles, groins de cochon). Un New Game Plus, permettant de conserver les objets récupérés, ses armes et leur niveau, est disponible pour tenter de finir le jeu en difficulté plus élevée. J'ai pour ma part fini le jeu en Normal lors de ma première partie, sans connaître de difficultés (à part un combat assez tendu dans le premier monde). Les armes deviennent tellement destructrices au niveau maximum (et les monter au maximum lors de sa première partie est tout à fait possible sans trop se forcer) que même en Cauchemar (difficulté la plus élevée le jeu) le jeu ne doit pas présenter de challenge particulièrement inhumain. J'ai d'ailleurs refait le premier monde en Cauchemar et je me suis baladé contre les ennemis.

Au niveau de l'histoire, elle est assez opaque : beaucoup d'ellipses, enchaînement assez incohérent des différentes parties des mondes (mais dans les romans de Caroll, on passe aussi du coq à l'âne sans véritable logique), rencontre avec les habitants insolites du Pays des Merveilles avec lesquels on a des conversations pleines de bons mots, et phases dans le monde réel assez inutiles de prime abord (pas d'ennemis ou d'objets à récupérer, il faut simplement avancer en ligne droite) mais qui contribuent à l'ambiance mature du titre. Disons que le déroulement assez erratique de l'intrigue colle parfaitement aux troubles mentaux d'Alice, qui ne sait plus vraiment distinguer le réel et l'imaginaire, mais découvre enfin la vérité sur le drame qui la ronge depuis le premier épisode. La fin est très déconcertante, avec un générique qui tombe un peu comme un cheveu sur la soupe.

Au final, je suis sorti séduit de ce jeu, en dépit de premières impressions mitigées: un jeu old school, certes, mais au charme indéniable.
samizo_kouhei
8
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le 17 août 2011

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samizo_kouhei

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