"Et la chétive pécore enfla si bien qu'elle creva"
Ce jeu est l'archétype du "beau jeu" au game-play transparent. Les combats, qui bien que magnifiques, sont beaucoup trop simples et répétitifs. Les cinématiques, toutes indigestes (et blabla, et blabla...), durant lesquelles on réfrène systématiquement une envie de zapper. Et ces bons vieux QTE qui nous donnent l'impression d'être pris pour un singe savant. Appuie là, puis là, puis là. Plus vite. C'est bien. Voilà ta banane. Comment peut-on concevoir ce genre de séquence de nos jours ?
Et les missions annexes, répétitives à souhait, sans lien avec l'intrigue principal sinon celui de nous ennuyer. On a à peine finit de nettoyer Boston, qu'on arrive à New-York pour découvrir que les mêmes défis nous attendent. Apporter du courrier à la place d'un autre (quel intérêt ?), attraper les feuilles volantes d'un journal en courant sur les toits (ouah, quel enjeu), grimper en haut des tours pour dévoiler les zones, etc, etc, etc...
D'un Assassin's Creed à l'autre, c'est la même chose. Le jeu évolue doucettement et ne se contente que de vagues améliorations de game-play, souvent ratées et toujours inabouties.
Le scénario politico-économico-philosophico-initiatique est d'autant magnifiquement mal écrit qu'il est prétentieux. Les bases de la dramaturgie semblent être totalement ignorées par Ubisoft. La parole caractérise notre héros au dépend de l'action (d'ailleurs, le héros est un schizophrène de la plus belle espèce, basculant de la violence la plus brutale au pacifisme le plus niais), les intrigues secondaires n'appuie jamais la principale (en terme d'enjeu) et les combats/climax sont exactement ce qu'ils ne devraient pas être : vides d'intérêt et de suspens.
Quant à l'Animus, mauvaise idée dès le premier Assassin's Creed, on continue à le resservir pour mieux desservir. A vouloir épaissir leur propos, les scénaristes ne font qu'alourdir l'ensemble et pire encore, surexpose la faiblesse de l'intrigue principale.
En fait, AC3 ne repose que sur sa beauté. Car beauté il y a. Dès les premiers pas dans la forêt nous sommes projeté dans "Le dernier des mohicans" de Michael Mann, voir dans "Le nouveau monde" de Terrence Malick. Tout est à tomber par terre (même sur Xbox). On est grisé d'être là, au milieu de cette Amérique encore vierge. On s'étonne d'éviter les trajets rapides pour se coltiner dix minutes d'escapade dans les arbres. Quelle splendeur inoubliable.
Les combats navals sont une des vagues réussites d'Assassin's Creed. D'une beauté à couper le souffle, épique, magnifiquement mis en scène, ils sont malheureusement plombés par un intérêt stratégique plus que léger.
Et puis c'est tout. Le reste (scénario, combats, quêtes annexes, gestion économique de sa province, missions des espions...) est inabouti. On a constamment l'impression de jouer à un jeu "gras du bide". Verbeux à souhait, sur-explicatif, proposant tout mais n'approfondissant rien, se satisfaisant de sa force esthétique, il oublie la base des bonnes histoires et des bons jeux : la suggestion, la simplicité. Le non-dit ou le non-montré, c'est l'espace qui doit-être laissé au joueur pour s'impliquer, pour s'immerger. Un scénario de jeu bien écrit est un scénario qui privilégie l'enjeu et le suspens pour d'approfondir le game-play. Ce défaut est souvent trop récurent dans les jeux vidéos actuels. Il sont tous plombés par un manque d'intensité incroyable.
Les fans de la série se retrouveront sûrement dans cette grosse production au visuel survitaminé. Les autres, plus exigeants et moins patients, pourront passer leur chemin après quatre ou cinq heures de jeu..