Ce que j'apprécie dans une oeuvre est qu'elle m'offre matière à reflexion. Plusieurs niveaux de lecture, une utilisation renouvelée de schémas classiques... Que le jeu soit bon ou mauvais en terme de gameplay ou de graphisme n'est pas une sinécure tant que le scénario ou la thématique présentée me donne les moyens de partir loin dans les affres du débat cérébral.


Expédions tout d'abord Assassin's Creed Black Flag (AC IV) en terme de jeu. La sensation de liberté du bateau est géniale même si on dirait qu'il a l'ABS, ce qui fait pas très réaliste. Le coté coquillages et crustacés est vachement exotique, tuer de l'Espagnol (et surtout de l'anglais) a toujours été un plaisir et l'histoire pirate est bien rendue. Après, ça manque d'âme. C'est le seul AC que j'ai torché sans trop y croire jusque parce que bon, quand le vin est tiré il faut le boire.


Personne ne m'empêchera de crier la Vérité à la face du monde.


Mais quelque chose, surtout, m'a chiffonné, c'est ce qui est l'habillage autour du monde pirate, l'excuse pour rentrer dans la mémoire d'Edward Kenway. Rappelons que dans la saga Assassin's Creed, nous jouons (dans la première trilogie) Desmond Morris, un homme de notre époque, qui cherche des informations sur une civilisation primordiale. Pour cela, il fouille dans la mémoire génétique de ses ancêtres, qui étaient de grands Assassins, une société secrète se battant contre les Templiers, ordre qui cherche à contrôler le monde grâce justement à la technologie des anciens. Desmond, lui, cherche des informations pour éviter la fin du monde (AC III est sorti fin décembre... 2012). Pour justement empêcher cette destruction, il décide à la fin du III de... se sacrifier (alerte spoil arf trop tard).


Je suis donc curieux au début du jeu de savoir ce qu'Ubisoft a prévu pour relancer la série, vu que le héros principal est mort. On se retrouve dans les locaux d'Abstergo Entertainment (la société écran qui cache les agissements des Templiers à notre époque), chargé d'explorer la mémoire du pirate Edward Kenway dans le but de créer... Un jeu vidéo. Et c'est là que ça tique. Deja, on est un betatesteur (ce qui est logique au final vu le nombre de bugs du jeu à sa sortie). De plus, on bosse dans une société swag avec plein d'open space. Ca se passe en Amérique du nord et le patron s'appelle Olivier Garneau. Ca fait français ça... Ta chef s'appelle Melanie Lemay. Ca sonne québecois, non? Un studio de jeu vidéo québecois... OH PUTAIN C'EST UBISOFT.


ABSTERGO ENTERTAINMENT = UBISOFT = TEMPLIERS


Bon là déja ça pue le cynisme (on a dépassé le second degré) de se présenter comme une société voulant contrôler le monde. Mais cela ne s'arrête pas là. On apprend plus tard comment les Templiers ont pu se procurer la mémoire d'Edward. Ils ont juste récupéré le corps de Desmond et ont récupéré sa mémoire génétique.


Revenons à la genèse du projet AC. L'idée a été dès le départ de créer une trilogie axée autour du personnage de Desmond. Le scénariste originel ne voyait pas la franchise dépasser la trilogie. Ubisoft lui a gentiment proposé d'aller se faire foutre parce que ça rapporte des tas de pépètes et a continué la série en voulant continuer sur la mise en scène du conflit entre Templiers et Assassins à notre époque. Faisons un parrallèle. Les Templiers/Ubisoft récupèrent le Corps de Desmond/l'idée du scénariste pour continuer à faire leurs recherches/continuer à se faire des thunes.


Je comprends pas comment on peut se permettre un parallèle aussi flagrant sans une dose de cynisme à vomir. De plus, Abstergo Entertainment veut faire un jeu vidéo. De nombreuses entrées sur la partie historique du jeu (biographies, descriptions ou historiques de villes) contiennent des remarques des producteurs d'Abstergo en mode :
" Vous pouvez pas mettre cette église là?
- Ben non chef, elle est construite 20 ans après le passage d'Edward!
- Mais on s'en fout, ça fait joli"


Je l'ai mal pris. Même moi.


Que voit-on en somme? Une entreprise décidée à masquer la réalité pour se faire de la thune pendant qu'ils cherchent à contrôler le monde. Et c'est trop gros pour qu'Ubisoft n'ait pas pensé à faire le parallèle entre eux et la société dans laquelle évolue le héros. Donc ils l'ont laissé. Sciemment.


Black Flag est un monument de cynisme, qui nous rappelle à chaque instant que le jeu vidéo est une industrie, là pour se faire des thunes quoi qu'il arrive. On le sait, bien entendu mais je n'ai pas forcément envie qu'on me le dise. J'ai dépensé de l'argent pour qu'on me vende du rêve, pas pour financer les projets hégémoniques des Templiers.


P.S : si tout ça est vrai, je veux bien la protection des Assassins. Je vais prendre cher sinon.

Julien_Mazars
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le 15 août 2015

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Julien Mazars

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