L’un des nombreux enfants chéris d’Ubisoft est de retour! Création originale en 2007, la série accueille son quatrième grand volet, le quinzième de la série. Va-t-on finir par être lassés ?


Pourtant loin d’être mauvais, Assassin’s Creed III ne m’a pas laissé un souvenir impérissable, bien au contraire. Sa narration étrange, son scénario bâclé sur la fin, des personnages historiques ayant finalement peu d’incidence dans le jeu et puis un héros peu charismatique, adepte de vengeance et peu attachant ont eu raison de mon envie d’explorer Boston, New-York et la Frontière de fond en comble. Le simple fait de repenser aux passages dans les égouts, torche à la main pour activer les points de déplacements instantanés me donne la chair de poule. AC3 ne manquait pas de contenu, mais on ne ressentait pas forcément l’envie de l’obtenir et on ne comprenait que moyennement l’intérêt de la vente de matières premières ou la véritable utilité du navire de guerre. Parmi les quelques bonnes idées qui me restent en tête, je pense à la dague à corde ou l’arrivée d’animaux plus ou moins dangereux. On avait à peine eu vent des DLC (ridicules, au passage) annoncés qu’on apprenait le développement bien avancé de Black Flag, quatrième opus de la série, en open world, avec des batailles navales et un héros familier de Connor et Haytham Kenway: Edward Kenway, respectivement grand-père et père de ces derniers. Je profite au passage pour ne pas remercier Ubisoft qui, en choisissant de nous bombarder de trailers du jeu avant sa sortie ruine toute découverte du héros et de son histoire.


Edward Kenway, d’abord simple corsaire puis grand pirate craint et respecté dans la famille des guerriers des mers comptant Barbe Noire ou Rackham, n’a rien de l’assassin ordinaire. Jusque-là, tous les assassins rejoignaient la confrérie aux lames discrètes dans un désir de vengeance plus ou moins exacerbé. Altaïr défendait le peuple, Ezio stoppait l’ascension fulgurante des Borgia, Connor vengeait la mort de sa famille, Haytham étant plutôt à part, du côté des Templiers. Edward lui, ne pense qu’à une seule chose, l’argent. Pour sa femme qui l’attend (peut-être) à la maison, il veut devenir infiniment riche et il est prêt à tout pour ça. Alors quand il échoue sur une plage après l’attaque de son navire par un assassin templier et qu’il apprend par ce dernier à son réveil qu’il doit transmettre un objet à quelqu’un de très important en échange de Reales (la monnaie du jeu), il n’hésite pas une seconde. Il se débarrasse de lui, prend son costume et se fait passer pour un assassin. Il sera d’ailleurs souvent qualifié d’imposteur, n’étant intéressé que par l’argent et ne sachant pas porter la tenue d’assassin comme il le devrait.


Mais ça, Edward s’en fiche, il ne se cache pas quand il est démasqué et se retrouve envoyé aux galères. Redevenir simple matelot? Très peu pour lui, il se fait un copain, Adewale, qui deviendra son second et rase toute vie espagnole sur le navire, avant de libérer les mousses qui travailleront ensuite pour lui sur son embarcadère volée et rebaptisée «Jackdaw» pour sa vitesse lui donnant l’impression de flotter au-dessus des eaux des Caraïbes. Vous l’avez compris, Edward Kenway possède bien plus de charisme que ses descendants et restera l’un des héros de jeux vidéo les plus marquants de l’année, aux côtés d’un certain Trevor Philips, dans un autre genre. L’histoire un peu décousue se suit de loin et l’on se doute que les différentes trajectoires du scénario finiront par se croiser. Toutefois, on regrette un manque de renouvellement dans les missions principales et secondaires, beaucoup d’infiltration mais avec peu de liberté d’action et un manque de séquences épiques, mémorables comme on en a souvent eu dans les précédents opus, surtout AC2 et Brotherhood. Cette absence de moments grandioses nous déçoit d’autant plus que l’univers de ce Black Flag est réellement très immersif avec beaucoup de choses à faire.



Ô, sombres héros de la mer



AC4 Black Flag se joue sur deux plans, sur terre et en mer. Les deux se marient plutôt bien même si les phases à pied passionnent moins, paraissant tellement fades parfois face aux moments à la barre de son navire. Edward possède le même équipement et la même agilité que ces ancêtres assassins, on a toujours droit au free run, renforçant l’immersion mais pouvant gâcher les missions. On court un peu trop vite, on s’approche un peu trop près d’un rebord, Edward saute juste en dessous et se fait repérer en un instant. Pareil si l’on frôle un tas de foin, il plonge dedans. Tout en sachant que la caméra viendra trouver des angles très capricieux, il nous arrive de pester assez souvent. L’action du jeu se déroule dans les Caraïbes du XVIIIe siècle, on retrouve trois grande villes: Kingston, Nassau et La Havane, plutôt bien modélisées. La première respire la pauvreté, la seconde nous laisse déambuler dans son ambiance humide et ses marais infestés de crocodiles, la dernière se reconnaît avec ses bâtisses colorées et ses rues étroites. Hormis quelques points de vue relativement hauts perchés, l’ensemble reste un peu plat, les adeptes d’escalade risquent d’être déçus et se concentreront sur un autre aspect du jeu. Les grandes bâtisses de Florence, Rome ainsi que les tours de San Gimignano nous paraissent si loin désormais…


Dans la liste des activités et passe-temps, les développeurs ont repris des classiques et ont ajouté quelques nouveautés. Les pages d’Almanach de Franklin deviennent des chants de marin, on ramasse des morceaux d’Animus et il n’y a plus besoin d’acheter des cartes pour trouver les coffres. Il est toujours possible de recruter des pirates ivres ou des danseuses pour distraire la garde, on peut se rendre à l’armurerie pour ses effets personnels ou voir le capitaine de port afin d’améliorer son navire. La taverne sera le lieu de bagarres et point central pour recruter des matelots, que l’on peut aussi sauver des méchants espagnols ou anglais, à l’instar des assassins et esclaves dans AC3. Edward peut approfondir ses connaissances en ramassant des parchemins et des bouteilles jetées à la mer. Le pigeonnier sera le moyen d’effectuer des missions d’assassinats pour la cause et un peu pour l’argent. Dans tout ce bac à sable géant, notre pirate pourra exercer son activité favorite, à savoir trouver des trésors, en ramassant des cartes sur des squelettes ou en utilisant sa vision d’aigle pour résoudre des énigmes mayas.


En dehors des villes et des petits îlots déserts, Edward Kenway pourra déambuler en pleine jungle hostile, dans des ruines mayas et piller des entrepôts. Fonctionnant toujours sur le même principe, ces petites missions lui demanderont d’identifier en zone hostile le porteur de la clé de l’entrepôt pour aller ensuite le piller en toute discrétion. La vision d’aigle permet d’identifier et marquer les cibles pour ensuite les voir à travers tous les obstacles, ça me rappelle quelque chose. Décidément très «corporate», Ubisoft est allé prendre l’idée de fabrication et de chasse chez Far Cry 3 pour proposer un système quasi identique. 19 animaux peuplent le jeu, à vous de zigouiller de la baleine à bosse, des jaguars, des crocodiles ou des ocelots pour vous fabriquer des holsters pour porter jusqu’à cinq pistolets, comme tout bon pirate. Ubisoft reprend également la densité de la végétation de Far Cry 3 ainsi que l’eau turquoise, la rendant plus jolie encore. Sur terre comme en mer, en ville ou caché dans la végétation et à condition de posséder une config assez récente, Assaassin’s Creed IV offre un rendu magnifique, des vues imprenables sur des couchers de soleil, ce qui donne une ambiance générale au top, une fois les détails du HUD trop envahissant retirés.



Master and Commander



Mais pour parler d’immersion totale, il faut s’attarder sur les phases en mer, à la barre du Jackdaw. Si l’on peut se téléporter depuis une barque sur terre pour aller directement sur son navire, on ressent davantage de plaisir en rejoignant son embarcation à la nage, pour ensuite arriver sur le pont sous l’acclamation de ses marins. Lever la voile, partir ensuite dans la direction voulue en allure de croisière procure énormément de plaisir, une sensation encore jamais ressentie dans un jeu vidéo, le monde des pirates étant finalement peu revisité. La liberté ressentie en mer est réelle et permet de se poser sur n’importe quelle île et d’aller attaquer des schooners, des frégates ou des man’o’war que l’on aura repéré à l’aide de notre longue-vue, pendant que les marins chantent et bougent sous les ordres d’Adewale, second d’Edward. Les batailles navales ont été revues pour proposer une réelle intensité, poussant le joueur dans ses retranchements face à un ennemi bien armé ou un surnombre de l’ennemi. Le mortier permet d’attaquer un navire de loin et de lui faire subir beaucoup de dégâts, les boulets chaînés neutralisent les voiles tandis que les canons ronds ou explosifs lui explosent les entrailles. Une fois immobilisé, on part à l’abordage avec des petits objectifs comme tuer un certain nombre d’ennemis, neutraliser les vigies ou exploser les réserves d’explosifs. La victoire étant acquise, le jeu nous propose de réparer notre Jackdaw, de faire baisser l’indice de rechercher ou d’envoyer le bateau à la flotte de Kenway. Les ressources récupérées pourront être vendues (rhum, sucre) ou utilisées (tissu, métal, bois) pour améliorer le navire ou modifier son apparence, comme la couleur des voiles, la figure de proue ou la barre. Tout ça n’est pas une partie de plaisir, certaines batailles resteront dans vos mémoires, le bruit d’un combat naval peut attirer d’autres ennemis et on se retrouve parfois surpris par des embuscades ou quelques frégates planquées non loin. Les man’o’war, ces immenses navires regorgent de grosses quantités d’or et de ressources, mais ne se laisseront pas faire si facilement. La météo viendra parfois se mêler de vos affaires, rendant l’affaire très compliquée, avec des vents violents, des vagues scélérates à prendre de face pour éviter les dégâts, des trombes, etc.


On se prend très vite au jeu des ressources obtenues facilement, il est pour ainsi dire très rare qu’un chemin se résumant d’aller d’un point A à un point B se passe sans encombre. Plusieurs zones de la carte sont à prendre des mains ennemies en détruisant les forts espagnols, il est possible de chasser au harpon la baleine, l’épaulard ou des requins pour revendre ou utiliser leur peau et cartilages dans la fabrication. Les squales iront vous croquer les orteils lors de phases d’explorations sous-marines à certains points de la map, toujours pour trouver des trésors. Tout cet argent pourra aussi servir à retaper la crique perso de Kenway, son havre de paix qui cache quelques secrets.


Les contrats navals vous demanderont de piller et couler une flotte ennemie, vous remarquerez dans les eaux du sud que les anglais et espagnols ne sont pas amis. Libre à vous de vous en mêler ou non. Vous croiserez aussi d’autres pirates qui apprécieront sûrement votre aide. Vous l’avez compris, cet Assassin’s Creed IV qui m’a d’abord laissé sceptique m’a totalement convaincu, il s’agit de la véritable suite de la génération d’Ezio, le troisième opus restera probablement le moins aimé. Désormais inévitable, chaque Assassin’s Creed a droit à son mode multijoueur. Cette année, on reprend les bases de l’année passée qu’on se contente d’enrichir. Les nouvelles cartes permettent de belles séances de cache-cache, les personnages sont variés, l’arrivée du mode Labo permet aux plus imaginatifs de modifier chaque mission et mode pour les proposer ensuite à la communauté. Le mode Meute évolue avec un aspect coopératif renforcé pour des assassinats synchronisés, des défenses d’objectifs ou des vagues d’ennemis à gérer. Pas indispensable pour les adeptes du solo et des 100% à atteindre, le mode multijoueur ne fait que s’améliorer prolongeant la durée de vie du soft. Durée de vie qui peut être rallongée si l’on apprécie les phases «Abstergo» qui remplacent l’histoire de Desmond Miles qui, très chiante au possible par moment, avait au moins le mérite d’être cohérente. Ici, on se retrouve dans un mélange entre réalité et fiction avec des films réalisés par Abstergo et Ubisoft (oui, oui) grâce aux souvenirs récupérés par des cobayes installés devant leur écran, le tout sur fond de conspiration des Templiers, le blabla habituel. Bref, un gros n’importe quoi qu’on tente d’expédier le plus rapidement possible pour retrouver Edward Kenway.


Assassin’s Creed IV: Black Flag succède avec brio au troisième opus, le faisant passer de «pas trop mal» à «mettre en vente sur leboncoin». L’aspect naval est parfaitement exploité, les batailles excellentes, l’incitation à l’exploration fonctionne et on se retrouve face à une quantité astronomique de choses à faire et à récupérer/voler/piller. Malheureusement, les phases à pied paraissent ternes, l’IA des ennemis n’a pas évolué d’un iota, certaines missions sont trop linéaires quand elles ne sont pas répétitives. AC4 est un très bon jeu grâce à son héros charismatique, ses graphismes colorés offrant un véritable dépaysement et ses séquences en mer très agréables. L’un des meilleurs jeux de l’année, sans aucun doute.

RobinBeaugendre
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le 18 juin 2016

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Robin Masters

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