Heyyy, ch'uis une jolie catin, non ?

Découvert quasiment à sa sortie, Baldur's Gate fut pour moi l'un de mes premiers « vrais » jeux de rôles sur ordinateur, après un Ultima VIII un peu frustrant, un Lands of Lore excellent mais linéaire, et une sacrée flemme de tester les dungeon crawlers plus anciens. Sur une trame high fantasy que je trouve aujourd'hui puérile, mais qui fonctionnait bien lors de mes premières parties, le scénario nous emmène visiter la Côte des Épées alors qu'une pénurie de fer saigne la région à blanc et qu'une guerre menace d'éclater à la frontière méridionale, plongeant notre avatar au sein des manigances d'une obscure organisation.

Dès la cinématique d'introduction, on se rend compte à quel point le jeu a été massacré au passage à la version française. Presque tous les personnages ont une voix atrocement ridicule, du simple péon au boss de fin, et les gosses donnent envie d'être écrasés à la massue vorpale. C'est sans parler des noms propres qui ont parfois été traduits, mais pas toujours (« Belt » traduit « Ceinture »...). « Mes hommages, mercenaires, je suis Silke, artiste extraordinaire... et femme avec une voix de mec ! »
Bien entendu, ce n'est pas vraiment imputable aux développeurs. Baldur's Gate restera néanmoins une référence en la matière.

Toutefois, le système de création de personnages se révélait assez impressionnant, et le système de classes donnait envie d'essayer de nombreuses combinaisons. Combien de fois ai-je recommencé le jeu pour essayer d'incarner un voleur, un mage ou un druide ?
En « trichant », c'est-à-dire en créant une partie multijoueur copiée dans le répertoire des sauvegardes solo, on pouvait même créer son équipe de A à Z, évitant ainsi les compagnons plus âpres et insipides les uns que les autres. Car ceux-ci pouvaient parfois intervenir lors de dialogues, ou même s'adresser à votre avatar, mais seulement pour contester l'un de ses actes. Une poignée de personnages se révélera toutefois sympathique (Minsc/Bouh pour les bourrins, Edwin pour les chieurs, Jaheira pour les hommes).

Passé le premier « écran narratif » (où on change carrément de narrateur en plein milieu !), on se retrouve en jeu, notre personnage devant une auberge, avec un petit texte d'aide dans la boîte de dialogue. De nombreux personnages sont éparpillés dans la zone pour tenir par la main le néophyte qui n'aurait pas épluché le manuel au préalable. Quelques quêtes sont à chercher... des quêtes fedex. Il faudra vous y habituer, le jeu en est bourré.

L'interface est plutôt bien pensée, bien organisée et facile à prendre en main, surtout grâce aux nombreux raccourcis clavier. La caméra, en revanche, est assez lourde.
Les graphismes sont plutôt soignés et n'ont pas trop mal vieilli. A mon sens, les lignes de dialogue vous piqueront davantage les yeux, surtout si votre écran ne vous permet pas de régler l'aspect ratio.
J'ai tout de même, encore aujourd'hui, une nette préférence pour les graphismes « 256 couleurs » de Heroes of Might and Magic 2, mais les deux jeux ne sont pas comparables.

Une fois le prologue bouclé sur une petite embuscade de derrière les fagots, on se retrouve littéralement lâché dans la nature. On peut aller où on le souhaite, non sans quelques limitations liées au chapitrage. Les plus sentimentaux (ou les plus cupides) iront piller une dépouille, les débutants se contenteront de suivre la route et leurs instructions, et les plus avertis partiront à la chasse à l'ours. C'est véritablement l'une des plus grandes forces de Baldur's Gate : proposer beaucoup de liberté dès le début du jeu, et un bon nombre de zones secondaires, inutiles pour certains, mais qui ont le mérite d'exister et de favoriser l'exploration. On trouve un certain nombre d'objets cachés et de quêtes disséminés dans la nature.

Néanmoins, on commence aussi à remarquer les premiers défauts du jeu. Pour commencer, les personnages se déplacent lentement, trop lentement par rapport à la taille des zones à explorer, et ils prennent souvent les pires décisions quant il s'agit de décider d'une voie à prendre.
On commence également à se rendre compte que le jeu est assez mal équilibré et un peu trop facile. La courbe de progression est faible jusqu'au chapitre quatre ; on passe son temps à défoncer du grouilleux, du kobold ou des bandits, les ennemis plus exotiques étant un peu trop rares. De plus, on obtient de l'or suffisamment rapidement pour être à l'abri du danger, et il ne sert plus à rien d'en amasser dès la fin du chapitre trois puisque les objets les plus puissants se ramassent sur les cadavres.
De plus, le jeu favorisant avant tout le combat, il met les boîtes de conserve sur le devant de la scène : les mages sont aussi utiles que des fermiers au début du jeu, les voleurs monoclassés ne servent pas à grand chose une fois leur attaque sournoise foirée (et ça arrive souvent...) et les bardes sont inutiles. De plus, le désamorçage de pièges, la mémorisation de sorts et les larcins ne font pas gagner de points d'expérience. Le gain aléatoire de points de vie est lui aussi particulièrement pénible.
Je sais bien qu'on parle là d'un jeu sorti en 1999, mais Fallout récompensait le dialogue, le soin ou la discrétion, et il est sorti en 1997.

Il y a deux autres choses qui me chiffonnent. Commençons par la moins flagrante: la qualité des dialogues.
Si ces derniers proposent en général un vaste choix de répliques, le ton de notre avatar se résume souvent à celui d'une fillette (alignement bon) ou à celui d'un adolescent énervé (alignement mauvais). Le texte n'est certes pas aidé par le doublage, et c'est peut-être dû à la traduction, ma maîtrise de l'anglais n'étant pas suffisante pour apprécier le ton des répliques de la version originale, à laquelle j'ai joué un certain temps. En tout cas, c'est l'impression qui m'est restée, et ma dernière partie remonte à peine à quelques mois.

L'une des dernières choses que je déteste le plus dans Baldur's Gate est son système de réputation qui décourage... non, annihile tout espoir de jouer une équipe de salauds. En sus d'augmenter les prix de façon exorbitante (et à tous les étalages, tous les marchands sont-ils donc drapés de vertu ?), Baldur's Gate ne permet pas de jouer un menteur, un maître chanteur ou un traître, simplement un boucanier attardé.

Baldur's Gate n'en reste pas moins un pionnier, l'un des premiers jeux de rôles Donjons et Dragons à la fois agréable à prendre en main, moderne et non-linéaire. Cependant, je trouve qu'il a aujourd'hui vraiment mal vieilli, aussi bien au niveau de la jouabilité que des graphismes. Il existe toutefois une série de patchs permettant d'utiliser le moteur de Baldur's Gate 2 pour jouer au premier titre. Le résultat est impressionnant, mais ne suffira peut-être pas à convaincre le nazi du pixel shader.

Créée

le 27 août 2011

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Makks

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