Les fous du volant

Rocksteady a réussi à l'aide d'une franchise bien connue à se créer un petit nom dans le paysage gratiné des développeurs vidéoludiques et à juste titre. Racheté par les rapaces de chez Warner Bros, l'entreprise a su démêler de l'univers du chevalier noir, oh combien apprécié par les afficionados de comics en tout genre, un titre plutôt réussi intitulé Batman Arkham Asylum. J'en parlerais plus en détail dans une autre critique mais le jeu a su donner un nouveau souffle à Monsieur Batou par le biais d'un game-design autrefois intelligent et varié (aujourd'hui légèrement vieillot) avec un ensemble de thématiques et de personnages fort sympathiques et réussis (le Joker, Monsieur J, en tête d'affiche).

Sans surprise il y a eu suites (Arkham City , dont je n'ai pas particulièrement apprécié les choix de game-design et Arkham Origins épisode bouche trou de Warner Bros qui est globalement un City 1.5 en moins bien). Et de suites, la franchise devient série qui prend fin avec cet opus : Batman : Arkham Knight , le chevalier d'Arkham donc. Et je ne vais pas y aller par 4 chemins : C'est vraiment pas terrible. Non pas qu'il manque un savoir faire derrière ce jeu, Rocksteady sait y faire et arrive de manière un peu spasmodique à réemployer des mécaniques de gameplay et des éléments décoratifs qui ont fait le fort de la série (l'ambiance de Gotham city, les mécaniques de combat et de déplacement grisants, la chorégraphie, le visuel léché...). Je ne prends pas même en compte les conditions techniques effroyables dans lequel le jeu est sorti sur PC. J'y ai joué bien après sa sortie et sans doute quelques patchs et je n'ai pas rencontré de bugs, chutes de framerate ou autres freezes.

Le problème se situe ailleurs : je n'avais déjà apprécié certains choix de game-designs dans Arkham city : l'omniprésence de l'homme mystère, les (trop) nombreux méchants de l'univers relégués à des quêtes secondaires toutes pourries, la mauvaise articulation du level-design.... On retrouve tout cela ici mais en pire. La narration est bâclée et les méchants inintéressants avec des twists dans l'aventure qui ferait pâlir de honte les scénaristes des visiteurs en Amérique. Si quelqu'un a ici été passionné par les velléités de ce chevalier d'Arkham je l'inviterais volontiers à m'expliquer pourquoi. On retiendra toutefois le Joker, savamment mis en scène mais malheureusement inexploité. L'open-world est rendu légitime par un ensemble d'aller-retours stupides et franchement dispensables pour le peu d’intérêt qu'ils présentent et le gameplay, répétitif, se voit entravé par un ajout, que dis-je, un personnage de taille : la Batmobile.

Vous attendiez la batmobile dans la série Arkham ? vous l'avez. Je vais être honnête : je pense qu'il s'agit de la pire chose qui ai pu arriver à la série. Pourquoi ? Parce qu'ils en sont un peu trop fier de leur batmobile. C'est simple, TOUT est prétexte à la batmobile, à tel point qu'elle devient littéralement la finalité, l'excuse à un ensemble d'activités et de sous-quêtes merdiques au sein même de l'aventure principale. Batmobile sur la jaquette du jeu ? Check. Combat de tanks en batmobile ? Check. Enigmes en batmobile? Check. Boss en batmobile? Check (soit dit en passant : tout les boss de ce jeu sont daubés). Course poursuite en batmobile? Check. Quêtes annexes en batmobile? Check. La moitié de la quêtes de l'homme mystère en batmobile ? Check. C'est horrible. Parce que oui au cas ou vous ne l'auriez pas deviné, l'ensemble des actions nécessitant la batmobile sont, au mieux fastidieuses, au pires redondantes et mal fichues. La narration, le gameplay, le level-design, et de manière plus générale la façon dont vous allez articuler vos actions de joueur avec le jeu vont être fortement handicapé par la bagnole de Batman.

C'est un véritable carnage et j'oserais dire une des plus mauvaise idée de game-design que j'ai pu constaté dans un jeu AAA. Elle est entrave au plaisir de jeu, à la fluidité du jeu, à la fluidité de son scénario et à la cohérence globale de son univers. Le ridicule des combats de tanks, passé les deux premières heures de jeu laissent ainsi place à une déconfiture glaciale, comme une mauvaise blague du Joker qui durerait tout le long du titre. Batman : Arkham Knight se situe là , comme une formule réussie désormais vieillissante , faisant fi d'emplois scénaristiques majeurs pour la simple présence d'un outil non-ludique grossier, ou l'open-world fait figure de non-sens total. J'ai tendance à dire qu'un open-world n'a de sens que si il est rendu légitime par des mécaniques de jeux intéressantes impliquant des éléments de progression notables. Batman: Arkham Knight ne répond malheureusement à mes espérances qu'avec une tank-mobile désuète. Quelle tristesse. Au revoir Batou.