And i dream of the sea, broken machinery. And i dream of the sea, there's no Rapture for me.

Revivre la nuit où Rapture est passée d'une Utopie hypocrite et illusoire à un chaos explicite et incohérent, il est difficile d'imaginer un rêve unissant davantage les fans de Bioshock, un rêve que ce DLC se propose de concrétiser. Mais si ce Burial At Sea offre immédiatement une promesse alléchante, elle tient pourtant également du sacrilège. En effet l'une des nombreuses qualités du Bioshock originel était d'encourager grandement l'imagination du joueur sur le visage que pouvait arborer Rapture durant sa gloire passée, une gloire dont seuls les enregistrements et les environnements délabrés laissaient deviner la démesure. Comme dans nombre de jeux cultes, la réussite de Bioshock résidait ainsi dans une certaine forme d'appropriation de l'aventure par le joueur qui pouvait intégrer dans cette expérience interactive son imagination personnelle pour donner vie au décor de mort qu'il traversait. Une appropriation qui serait ainsi mise à mal en théorie par l'entreprise de ce DLC qui proposerait sa vision unique de la chute de Rapture pas forcément à l'image de la manière dont le joueur se l'était représentée.

Malheureusement ou heureusement, ce ne sera finalement pas un problème pour ce DLC qui choisira d'éviter de montrer la chute en question en écartant rapidement nos héros du reste de la ville civilisée. Seule la date fatidique rappelle ainsi au joueur le destin qui atteint la cité tandis qu'il déambule dans une Rapture resplendissante dans son apparence matérielle, moins dans l’idéologie vacillante des citoyens qui la peuplent. Très semblable à l'introduction contemplative et passive de Bioshock Infinite, le commencement de l'aventure permettra de s’imprégner efficacement de l'atmosphère véhiculée rappelant que dans le terme FPS narratif, le terme narration est aussi important que celui de shooter. En dépit de la qualité de la direction artistique, de la bande sonore et de l'émerveillement immédiat suscité par ce rêve de fan prenant vie, il est toutefois regrettable que les habitants de Rapture soient aussi figés dans leur attitude que ceux de Colombia, n'attendant que l'arrivée du joueur pour enfin donner signe de vie afin de le contempler dans un visage figé. Un défaut important d'immersion que le Bioshock Next Gen se devra impérativement de corriger.

Mais ce DLC ne se contente pas de replonger le joueur dans un cadre familier, il mérite véritablement sa réputation de fan service en réexploitant des éléments narratifs du Bioshock originel et d'Infinite, reprenant ainsi plusieurs personnages connus de l'univers de Rapture et répondant à plusieurs interrogations suscitées par le dénouement traumatique d'Infinite, ce qui lui rajoute évidemment une valeur ajoutée pour le fan d'autant que ce fan service est plutôt bien exploité. Comme dans le précédent Bioshock, l'aventure ne consiste plus à découvrir simplement un monde mais également à découvrir des personnages en remettant ainsi le duo Booker/Elizabeth au centre du récit. Booker est pour sa part assez (trop) semblable à celui d'Infinite et l'introduction aurait gagnée à appuyer davantage sa fonction de détective pour le démarquer un peu plus du héros initial. Elizabeth est dans la continuité logique de son évolution dans le récit originel, beaucoup plus mature et cynique avec cette fois ci, un côté femme fatale de film noir certes un peu cliché mais efficace.

La relation entre les deux héros est plus froide qu'à l'accoutumée et se ressent dans le faible nombre d’interactions gestuelles entre les deux personnages. Pour le reste, la recette n'a pas beaucoup changée et Elizabeth se contentera de répéter le cycle « attrape ses munitions, fais apparaître cette faille » du précédent opus. La seule nouveauté concrète en terme de gameplay consiste en l'expérimentation de l'infiltration, une première dans un Bioshock. Expérimentation car il est évident que les développeurs ne sont pas à l'aise en la matière mais ont dû se sentir un peu coupables de la linéarité d'Infinite face aux immenses possibilités d'un Dishonored. Malheureusement, cette composante est une catastrophe totale en raison de trois éléments simples : l'IA complètement ratée des ennemis, l'absence d'outils réels pour s'infiltrer en dehors de la fonction « s'accroupir » (pas de silencieux ni un level design conçu réellement pour ça) et surtout la pauvre Elizabeth qui nous bloque parfois le passage et devient ainsi un vrai boulet, l'erreur suprême qu'Infinite s'était juré d'éviter. L'intention est louable et pourrait à terme être intéressante (ainsi qu'une fonction non létale vu l'empathie souvent sollicitée dans les Bioshock) mais en l'état actuel des choses, cela n'a aucun intérêt.

Le reste du gameplay est toutefois plus convaincant et en dépit de son classicisme propose un contenu acceptable. La durée de vie souvent critiquée du DLC doit être relativisée. Certes le jeu est très court en ligne droite mais à l'image de tous les Bioshock, le jeu propose énormément d'exploration et d'éléments annexes à débloquer pour enrichir la narration et la personnalisation de son équipement poussant la durée de vie jusqu'à 4 heures en finissant le DLC à 100%. Certes, l'exploration pourrait sembler secondaire dans le cadre d'un autre jeu mais dans un univers se focalisant autant sur son impact immersif et narratif, rater l'exploration dans un Bioshock revient à zapper les dialogues d'un Mass Effect, cela n'a évidemment pas grand intérêt.

Le scénario du jeu est immédiatement accrocheur, au delà du fan service qu'il exploite, et constitue une motivation suffisante de finir l'aventure, sans trop se presser toutefois au risque de voir le dénouement arriver bien vite. Le dénouement en question est plutôt efficace mais malgré tout maladroit en essayant de créer le même effet de surprise de Bioshock Infinite et n'y parvenant qu'à moitié.

Alors que dire au final de ce Burial At Sea ? Le réduire à la facilité du fan service est une erreur car ce DLC propose beaucoup plus de générosité et surtout beaucoup plus de soin dans sa conception que 80% des DLC dans le marché. En contrepartie ses multiples lacunes autant en terme d'écriture que de gameplay ne parviennent pas à le hisser à l'excellence de qualité des Bioshock. A titre de comparaison, le DLC l'Antre de Minerve du sous estimé Bioshock 2 avait beaucoup plus de mérites car il proposait un contenu bien plus conséquent et surtout présentait une histoire qui d'une part pouvait être appréciée totalement indépendamment du reste de la saga (à l'inverse de Burial At Sea) et possédait un impact émotionnel bien plus fort. En espérant que le second DLC rectifiera le tir et proposera en fusionnant avec le premier, à l'image des deux DLC de Dishonored, une extension conséquente et digne de Bioshock Infinite.

PS : Après la nouveauté bienvenue du cadre céleste de Colombia, il faut tout de même admettre que l'aspect claustrophobe de Rapture demeure beaucoup plus captivant. A titre personnel, je suis d'ailleurs persuadé que l'espace (the final frontier) constituerait un cadre idéal pour un futur Bioshock, renouant à la fois avec la peur de l'extérieur et l'aspect claustrophobe de Rapture mais également avec la volonté de rupture et d'élévation spirituelle de Colombia. Sachez également que l'excellent Transperceneige est certainement dans son ambiance, son univers et sa thématique le film le plus proche de Bioshock que j'ai pu voir au cinéma ces dernières années. Enfin si vous n'avez pas trouvé la référence du titre, suivez ce lien sans plus attendre :

http://miracleofsound.bandcamp.com/track/little-sister
Leon9000
7
Écrit par

Créée

le 14 nov. 2013

Critique lue 983 fois

11 j'aime

1 commentaire

Leon9000

Écrit par

Critique lue 983 fois

11
1

D'autres avis sur BioShock Infinite : Tombeau sous-marin, Épisode 1

BioShock Infinite : Tombeau sous-marin, Épisode 1
Leon9000
7

And i dream of the sea, broken machinery. And i dream of the sea, there's no Rapture for me.

Revivre la nuit où Rapture est passée d'une Utopie hypocrite et illusoire à un chaos explicite et incohérent, il est difficile d'imaginer un rêve unissant davantage les fans de Bioshock, un rêve que...

le 14 nov. 2013

11 j'aime

1

Du même critique

Final Fantasy VII: Remake
Leon9000
6

Is this the Real Life? Is this just Final Fantasy?

J’aime beaucoup Final Fantasy 7. C’est un de mes Final Fantasy préférés mais ce n’est pas un de mes JRPG préférés pour autant. Cloud est mon Main dans Super Smash Bros Ultimate mais je n’ai pas pour...

le 19 avr. 2020

55 j'aime

6

Hogwarts Legacy : L'Héritage de Poudlard
Leon9000
7

Harry Trotteur

Quel jeu est véritablement Hogwarts Legacy ?C’est tout d’abord le titre tant espéré, et jamais concrétisé jusqu’ici, qui retranscrit l’univers foisonnant d’Harry Potter dans toute sa splendeur et son...

le 18 févr. 2023

51 j'aime

9

The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom
Leon9000
9

L'envol du Dragon

J’ai rapidement compris que Tears Of The Kingdom ne serait pas un de mes Zelda préférés.Drôle d’entrée en matière, je sais, mais la question est après tout légitime (et même instinctive) lorsqu’une...

le 24 mai 2023

39 j'aime

5