Le pacte est signé, Bienvenue à Yharnam

Il est rare que j'attribue un 10/10 à une oeuvre, aussi bonne soit-elle car la perfection n'existe pas, mais parfois, une oeuvre vous prends au tripes, et vous êtes tenté de lui accorder une "note parfaite" juste pour le symbolisme, car, elle vous a emmené loin du paysage (ici, vidéo-ludique) auquel vous êtes habitué. C'est en tout cas, le ressenti que j'ai eu lors de mes sessions de jeux sur ce titre ici présent.


Bloodborne donc, jette le joueur dans un univers glauque, poisseux et malfamé, où le danger se profile à tout les coins de cette architecture à couper le souffle. Vous voilà lâché dans un monde que vous ne connaissez pas, et pourtant il va bien falloir y survivre, car votre rôle à vous, c'est de tuer des monstres, telle est votre vocation en tant que chasseur. Et on se confronte rapidement à un premier paradoxe diablement efficace, vous êtes un chasseur, et, Vous, devez survivre ? N'est ce pas vous le prédateur pourtant ? Il n'en est rien, car vous ne savez rien de cette terre dont vous foulez le sol, évidemment, la narration est nébuleuse tandis que les pistes se brouillent entre elles si vous n'avez pas la lucidité requise. C'est pourtant simple, respirez, avancez, restez attentif, votre but actuel n'est pas de tuer tout ce qui bouge malgré les apparences, non. Glanez des informations au combat, construisez l'histoire de cet endroit grâce à ce que vous voyez, le savoir est tout ce qui compte. Puis vient le moment où les choses s'éclaircissent, maintenant, vous savez qui sont vos ennemis, la traque peut commencer.



Hémoglobine sur fond Néo Gothique grandiose



Parlons donc de ce terrain de chasse qu'à conçu From Software, tantôt dans des bâtiments fermé comportant un unique point de fuite, tantôt à l'air libre où chaque issue peut être une embuscade, en passant par des rues exiguës dont les coins empeste la mort, le joueur doit toujours rester sur ces gardes, quitte à avancer à tâtons et mettre à rude épreuve sa patience. D'un point de vue artistique, le jeu se veut noir et blanc teinté écarlate, la ville s'impose comme une tourmenteuse, verticalement gigantesque, labyrinthique, abimé par la folie environnante et déchiré par les cris au loin. On notera d'ailleurs une grande inspiration tiré des oeuvres picturales romantiques de Caspar David Friedrich, et des toiles morbides de Zdzisław Beksiński.


Simple exemple : Comparez la direction artistique de Cainhurst au tableau "Cimetière d'un cloître sous la neige" du dit artiste. Tout comme l'ambiance de Beksiński se ressent particulièrement dans le dernier tier du jeu.


Oui arpenter les rues de Yharnam n'est pas chose aisée, il y fait sombre ce qui oblige de sacrifier son précieux pistolet pour une torche, on s'y perds en explorant, on ouvre des raccourcis qui fluidifie nos mouvements, et on réitère jusqu'à ce que la ville n'ait plus de secret à délivrer. Et on continue zone par zone, on y prends goût, on cède à la tentation de chercher tout ce qui est susceptible de nous intéressez. Le chasseur que l'on incarne se doit d'apprendre à composer avec toutes sortes d'ennemis dans toutes sortes d'endroits, Il repère les failles, connaît les moindres recoins comme si il devenait l'architecte, finalement ce qui lui semblait si hostile au départ, devient une routine nécessaire pour s'approvisionner en échos de sang. Puisque oui, le danger se mêle au désir, on s'abandonne au plaisir de la chasse, et ça on le ressens par le gameplay.



D'un simple chasseur à un impitoyable tueur



Mécanisme à l'apparence anodine, lorsque l'ennemi vous inflige des dégâts vous pouvez contre-attaquer et récupérer votre précieuse santé pour sauvegardez une fiole de sang (moyen principal de restaurer ses points de vie.) et ainsi accroître votre agressivité. Agressivité déjà optimiser par vos dash instantanés et votre arme à feu pouvant casser le rythme de l'adversaire.
En bon débutant, les premières rixes se révèlent souvent mortelles, on multiplie les fautes d'inattention, on reste trop sur la défensive, nos esquives sont hasardeuses.. Puis on trouve son style de combat (J'entends par là le combo d'arme qui vous sied), on devient agressif, on permets les erreurs qui par le passé nous avait détruit et la confiance prends le dessus sur le bon sens. Surprise, ça ne marche pas comme ça, Vous êtes mort. Il n'y aura rien de plus punitif qu'un excès de confiance face à l'ennemi. Mais ça fait partie du métier, petit à petit, on devient intransigeant, cruel, on n'hésite pas à être sans pitié, mais nous devenons également avides de puissance et pour cela on ne rechigne pas à éradiquer n'importe quoi, même ce qui ne nous menace pas. On arrive sur un deuxième paradoxe qui fait mouche, le joueur est un chasseur, et notre mission c'est de tuer des monstres, néanmoins sous l'ivresse du sang, n'est ce pas le chasseur, le monstre ? C'est en effet l'un des sous propos du titre.


Et ça, un certain PNJ ne vas pas manquer de vous le montrer du doigt.



Folie, Gigantisme, et Forces Occultes



Le bestiaire. Bon, il est parfaitement intégré au titre. On éradique les hordes bestiales, survit aux chasseurs ayant succombé au sang, triomphe des créatures célestes. Bref on ne chôme pas, les ennemis sont suffisamment divers pour varier notre comportement manette en main et changer nos approches. Et composante essentielle, les créatures nous racontes des choses, ce n'est pas simplement des monstres dégueulasses apte à provoquer le dégoût ou bien pomper les descriptions d'un certain univers de Lovecraft.


Autre point à mentionner, les Boss. Leur mise en scène est souvent somptueuse, sublimé par un simple détail qui leur est propre, qu'il soit graphique ou sonore, pendant le combat ou la cinématique qui les précèdes. Bien entendu, la musique, habituellement absente des moments où l'on vagabonde dans les rues, vient accompagner ces moments dantesques ou, par moment, tristes.


Mention spéciale à la musique de combat de la Nourrice de Mergo qui sonne tellement juste.


Pour conclure ce segment, parlons de la difficulté tant avancé par la presse vidéo-ludique. Non ce n'est pas dur, ni injuste. La difficulté est bienveillante, franche et fait partie de l'expérience, elle n'est pas artificielle. La courbe est maitrisée car la difficulté ne change jamais, c'est le joueur qui s'améliore et une fois le savoir emmagasiné, on dompte celle-ci.

Après ce long texte faisant honneur au jeu, il me faut malgré tout, parlé de certaines choses qui ont pu me déranger. (*Petit rappel : Mon 10/10 ne veut pas dire perfection, ce n'est qu'un chiffre qui témoigne l'affection que je porte au titre.)



Calice, New Game + et Multijoueur



Petite feature qui, sur le papier, me donnait envie : les Donjons Calices. Eh bien, ils sont décourageants, bon moyen d'obtenir des échos de sang à profusion où farmer des items utilitaires, sa fonction de zone de farm atteint ses limites dès lors que l'on s'aperçoit qu'ils ne sont pas du tout inspirés. Les salles sont redondantes, les récompenses sont souvent des objets qui permettent de créer d'autres donjons plus avancés (Et quelque fois on trouve des armes étranges ou perdues), les ennemis se ressemblent et il n'y a que 3~4 boss inédits.
Je sais, il n'est pas nécessaire de les faire pour compléter le jeu, mais si vous aimez avoir tout les trophées d'un jeu, attendez vous à faire et refaire ces calices à n'en plus pouvoir.


Qu'en est-il du système des NG+ ? Je les ai trouvés décevants, rien ne change hormis la force et la vie des ennemis, et la fin en fonction de vos actions, voir les quêtes des personnages secondaires si vous aimez voir leurs conclusions différentes ou si vous les avez manqués. Même Dark Souls 2 fait mieux avec son système de spectres rouges.


Et enfin le multijoueur n'est pas fou. Le PvP est mal calibré, on peut tomber sur des adversaires beaucoup plus puissant que nous, les lags peuvent se montrer insupportables et la mécanique d'invasion via les sonneuses de cloches n'a pas de sens. Oui je comprends que le système est repris des Souls, mais l'invasion brise l'immersion. Là où dans Dark Souls, la mécanique était totalement justifié puisque les "Carcasses" s'entretuent pour récupérer de l'humanité afin de survivre, dans Bloodborne le fait que les chasseurs le font n'est pas logique, ils n'en retirent ni récompenses ni satisfaction. En cela le Coopératif est, lui, complétement ancré dans l'univers.



Conclusion



Bloodborne a su devenir la Killer app de la PS4. Il accomplit tout ce qu'il a entreprit, ne pas être un clone de Dark Souls, développer son propre univers, proposer une oeuvre complète et qui se suffit à elle-même tout en délivrant son bagage culturel et ses influences. On ne joue pas simplement à un jeu vidéo, on touche à un morceau important du média vidéo-ludique, Bloodborne participe à faire du jeu vidéo : Un Art.

Aora
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le 14 mai 2018

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