Je ne peux pas m'arrêter. Pourtant, ce n'est pas la première fois que je tombe dedans, je le savais avant même de lancer la partie, mais c'est toujours la même chose : je ne peux pas m'arrêter. Crusader Kings 2 à cette violence incroyable qui fait qu'il est impossible de se dire "c'est bon, maintenant ça suffit, je pose gentiment cette souris, je tape sur echap, et je vais enfin faire à manger." Enfin, si, on peut se le dire, mais cette auto-injonction reste veine. Du coup, en enchaîne les traitrises, on se marie ou on marie de force un de nos enfants pour enfin hérité de ce duché, voir de ce royaume tant désiré, on fait des plans sur la comète où on essaie toujours d'avoir trois coups d'avance. Parce que c'est ça qui nous empêche de nous arrêter. Cette petite voie qui nous dit : "cette fois, tu vas voir, il suffit que tu fasses cette action incroyablement immorale pour voir ton royaume s'agrandir". On y croit, du coup on se dit qu'on va attendre les deux ou trois ans qui nous séparent de ce but ultime. Et puis on échoue, ou on réussit, mais dans tous les cas, de nouveau, cette petite voie qui veut que l'on essaie autre chose, d'encore plus crapuleux.
Cette mécanique est habituellement celle des jeux au tour par tour, mais Paradox arrive à nous la faire connaître dans ces expériences en temps réel, mais c'est sûrement dans Crusader Kings qu'elle est le plus forte. Ici, on ne règne pas vraiment sur un comté, un duché, un royaume voir un empire, on règne sur une dynastie. Pour perdre dans Crusader Kings, il ne faut pas perdre une guerre, mais ne plus avoir personne dans sa dynastie et mourir. En début de partie, on y fait réellement attention, notre dynastie est petite, les complots sont partout et tout le monde veut prendre notre place. Puis quand notre dynastie commence à prendre de l'importance, nous ne nous en faisons plus. Par contre, pour éviter que notre royaume que l'on à pris tant de temps à conquérir ne se voit démanteler, nous devons faire de plus en plus attention. Très vite, on se voit déjà roi voir empereur, tout nous réussis, nous sommes devenus duc, nos comtes nous aiment, le roi nous adore, rien ne peut nous arriver. Et là, une petite toux commence à arriver. Puis une diarrhée, des courbatures, la variole, et la mort. Horreur, notre fils n'a pas encore 16 ans, et surtout il s'avère qu'il est complètement idiot. Aucun vassal ne peut le voir en peinture, une rébellion éclate, le duché est coupé en deux. Après de nombreux combats sanglants, nous amenons notre armée à la victoire, mais notre nouvel avatar à perdu un bras.
C'est ce genre d'histoire que l'on crée dans Crusader Kings 2, nos actions entraînent de nouveaux traits qui influencent le gameplay, nous obligeant à jongler entre ce qui est le mieux pour le bout de territoire que nous contrôlons et le bien-être de notre personnage numérique. Un mix entre la stratégie en temps réel, le tour par tour et le RPG tactique. Le mélange est étonnant et fonctionne parfaitement. Très vite on se prend à ne pas choisir la meilleure solution, mais celle qui fait le plus sens pour notre personnage, puis on teste une nouvelle tactique pour prendre ce comté supplémentaire, on essaie de marier notre fils avec cette duchesse, pour finir par tuer quelqu'un, car c'est notre rival de longue date. Nous sommes une famille noble au VIIIe siècle (ou après, le jeu s'étend sur une très grande période historique), et nous nous créons nos propres objectifs, toujours plus importants. Jusqu'à ce que les vikings nous envahissent, nous ruinent et que nous jurons de nous venger !
Avec le temps, et les multiples extensions, le jeu est devenu incroyablement riche, il est maintenant possible d'être musulman, juif, païen voire même une république. Cette multiplication des possibilités, a aussi entrainé une complexité certaine, les menus étant remplis jusqu'à ras bord de possibilités, et il est sur que les nouveaux joueurs se perdront les premiers temps. Mais avec le temps, la persistance, et l'aide de forums, wikis ou youtubeurs, il devient de plus en plus aisé de faire ce que l'on souhaite, sans que le challenge (ou parfois le hasard) ne rende la partie trop simple ou ennuyante.
Si vous décidez de vous lancer dans Crusader Kings 2, vous ne pourrez vous aussi plus vous arrêter, votre volonté vous lâchera, car vous aurez toujours ce petit comte qui vous empêche de prendre ce duché à tuer. Puis, oh, la variole qui sévit dans le duché d'à côté, tiens, si je tue le roi et que je me marrie à sa fille, y'a peut-être quelque chose à faire...