Cela fait longtemps, très longtemps, qu'un jeu ne m'a plus fait ressentir ce que j'ai ressenti devant Dark Souls. Cette impression de découverte totale, de ne rien comprendre, de devoir se frayer un chemin dans un univers unique et différent de tout ce que je connaissais. Ironiquement, Dark Souls pâtit beaucoup de sa réputation de jeu "hardcore". Beaucoup de gens n'y voient qu'un jeu difficile, alors que c'est bien plus que ça, une véritable leçon de game design.


Raconter la trame de Dark Souls ? Impossible. Sachez juste que vous êtes un mort-vivant, enfermé au plus profond d'une oubliette quelque part dans un coin perdu de l'immense royaume des morts, et que ce monde désolé vous appelle. Partez découvrir votre destin tandis que les créatures les plus horribles qui existent tentent de vous barrer la route.


Plusieurs avertissements sont à donner à quiconque se lance dans l'aventure : en premier lieu, vous avez sans doute entendu que ce jeu est excessivement difficile. Oui... et non. Dark Souls ne fait aucun cadeau et est très punitif, mais il n'est pas particulièrement injouable. Le fameux dicton de la communauté, le "git gud" ("get good") se vérifie : Dark Souls s'apprend, le gameplay se maitrise au fur et à mesure, et il y a toujours des kilos de choses à faire, si bien que vous ne vous retrouvez que rarement réellement bloqué. On est loin de l'esprit "die & retry" à la I Wanna Be The Guy qui vous demande d'apprendre le moindre recoin du jeu par coeur, contrairement à ce qu'on entend de temps à autres. En outre, il y a beaucoup de manières de jouer différentes, donc pas de risque de finir simplement par apprendre LA recette. Ensuite, on dit souvent aussi que le gameplay est extrêmement rigide. De nouveau, difficile de répondre par l'affirmative ou la négative. Il est vrai que ce n'est pas un jeu où votre personnage virevolte dans tous les sens, mais c'est un peu le principe : dans Dark Souls, votre équipement pèse lourd, très lourd, et vous devez donc faire des compromis entre maniabilité et puissance de frappe (ou opter pour un extrême ou l'autre, Dark Souls regorge d'intrépides qui se lancent dans une partie en pagne). En ce qui concerne la palette de mouvements et d'actions... elle est (relativement) limitée au début du fait des armes de base et de tout un tas de choses à apprendre et à débloquer. Mais à la fin du jeu, vous avez au moins trois types de magie différents et des dizaines d'armes qui se manient toutes différemment. Donc... rigide ? Je ne pense pas que ce soit vrai. Enfin, sur PC, vous avez certainement entendu que c'est injouable. Il faut savoir que GFWL était une des raisons qui rendaient le jeu assez pénible à utiliser, et qu'il est désormais mort et enterré, les développeurs de From Software ayant trimé afin de rendre le jeu fonctionnel sans passer par là (et intégrant les succès à Steam au passage). Après, oui le jeu est pas super beau, mais c'est encore largement décent. Au pire, il y a un mod très populaire qui permet de rendre le jeu considérablement plus beau et de pouvoir régler pas mal de paramètres. Par contre, le jeu n'est vraiment pas à faire au clavier/souris. Munissez-vous d'une manette, sinon vous allez souffrir.


Bien, je crois avoir fait le tour des choses à savoir avant de se lancer dans Dark Souls. Maintenant, pourquoi qu'il est bien le jeu ?


Je tiens à dire que je n'ai pas joué à Demon Souls, du coup je ne saurais dire si les éléments que je vais évoquer y étaient déjà présents. Mais je pense que ce qui rend Dark Souls si incontournable, c'est qu'il s'agit d'une relecture de A à Z du jeu vidéo. Dark Souls pourrait utiliser le canevas de tout ce qui se fait ailleurs pour avoir une recette assez vendeuse, mais non. Au contraire, Dark Souls semble vouloir réinventer carrément le jeu vidéo. Pas de carte du monde, pas de système de quête (pas au sens où on l'entend en tout cas), pas de montée de niveau automatique, pas de communication entre les joueurs en multi... Tous des éléments, parmi tant d'autres, qui vont perdre l'habitué de RPG qui se lance dans ce jeu. Dark Souls confronte le joueur à un monde complètement hostile, où tout se gagne, et rien n'est acquis. Comment monter de niveau ? Il faut acquérir des âmes, en vainquant des ennemis, et les ramener à un feu de camp. Mais elles ne sont pas stockables, donc il faut pouvoir les garder jusqu'au moment où on en a suffisamment pour passer au niveau supérieur. Progresser se mérite. De même, dans une première partie, tout est à la mesure du joueur. C'est vous qui explorez, c'est vous qui mappez le monde dans votre tête (ce qui est loin d'être une sinécure, ce monde étant extrêmement tordu dans son level design), c'est vous qui apprenez comment vaincre les ennemis, c'est vous qui apprenez à manier les différents aspects du jeu. Il ne suffit pas d'aller cogner des loups dans les hautes herbes pendant dix minutes pour d'un coup savoir vaincre tous les ennemis de la zone. Le levelling et le loot aident, certes, mais ne remplacent pas l'expérience de jeu acquise par le joueur. Finalement, tout est pensé autour de cette logique : le joueur doit gagner ce que le jeu a à lui apporter. Et c'est jouissif, parce que dans ce jeu, on est confronté régulièrement à des situations qui paraissent inextricables. Et même passé le niveau 100, il m'est arrivé de mourir sur un monstre des premières zones du jeu pour ne pas avoir été assez prudent ou attentif. Dark Souls se conquiert. Et quel plaisir d'être confronté à un jeu qui ne fait rien pareil que les autres!


Le plaisir de la découverte est en effet une des valeurs principales du jeu, et je salue au passage grandement les innovations du jeu. Le système de multijoueur est complètement unique (il fonctionne essentiellement autour d'un système de "couvent": ce sont des associations de personnages cachées dans le jeu qui, une fois trouvées, vous confèrent des capacités en multi). À partir du moment où vous êtes "humain" (il y a une ressource dans le jeu qui vous redonne forme humaine lorsque vous la consommez, ce qui dure tant que vous vivez, le reste du temps vous êtes une "carcasse", à l'apparence de mort-vivant), vous êtes susceptible soit d'invoquer un joueur (à vous de trouver sa marque dans le jeu) afin de jouer en coopératif avec lui, soit de vous faire "envahir" par un autre joueur (il va chercher à vous éliminer), ou même d'en envahir un autre vous-même. Les autres joueurs peuvent aussi déposer des messages dans le jeu afin d'aider les autres... ou de les piéger (nombre de joueurs aiment encourager les autres à essayer de sauter dans un puits sans fond, leur faisant croire qu'il s'agit d'un passage secret). L'entraide est donc une valeur forte de Dark Souls, à condition d'être prudent et de ne pas croire tout ce qu'on vous dit.


Enfin, Dark Souls, c'est aussi une direction artistique remarquable. Un univers de dark fantasy sombre et désolé, mais surtout, des environnements immenses, grandioses, exploitant énormément la verticalité, si bien que c'est un véritable et magnifique labyrinthe en trois dimensions. C'est un plaisir à explorer. Les designs sont terriblement bien réussis, laissant parfois voir des spectacles très étranges, à l'image de ce chevalier qui manie littéralement une dent de dragon comme arme, ou cet autre qui porte un casque gigantesque, aussi grand que lui. Et que dire des boss et des autres ennemis. Très souvent, on se sent plus dans une peinture de Bosch que dans un jeu vidéo.


Honnêtement, et je ne l'aurais pas imaginé avant de m'y essayer sérieusement, les louanges qui sont adressées à Dark Souls sont très largement méritées. C'est un grand jeu, étrange, unique, innovant.

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le 14 juil. 2017

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Antevre

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