Bon, autant le préciser tout de suite, le jeu n'atteint pas les sommets pour s'octroyer le statut de jeu mythique, loin s'en faut. Mais pour moi, le jeu vidéo "moderne" n'a plus le potentiel pour ça. Les "vieux" jeux étaient probablement moins ouverts, avaient le bénéfice d'innover dans un secteur encore majoritairement vierge, n'avait pas la contrainte de s'adresser au grand public et pouvait ainsi se payer le luxe de proposer une difficulté taillée pour les hardcore gamers.
Ainsi, Deus Ex Human Revolution n'a pas le panache d'un jeu mythique, victime à mon sens de son époque, mais il m'a quand même très agréablement surpris. Certes, c'est un de ces jeux "couloirs" avec figures imposées par endroits. Certains lui trouvent un scénario bidon, je ne suis pas de cet avis. On peut lui reprocher éventuellement de manquer d'originalité, mais ça devient difficile dans les jeux d'infiltration, non?
Au final, j'ai découvert un mélange de Metal Gear Solid et de Fallout. MGS pour la partie infiltration. Et Fallout pour la partie "RPG". Un mélange assez agréable d'influence nippone et américaine. Le tout pétri dans une ambiance de SF soft/anticipation qui personnellement m'a plutôt paru mature. Le cocktail est sympathique.
Niveau mécanique de jeu, c'est peut-être là que le bât blesse. Le choix nous est laissé: soit bourriner en butant tous le monde, on a alors un FPS assez fadasse, dans des maps couloirs et avec un système de couvert somme toute classique; soit on s'infiltre, et on retombe sur du connu également, radar avec champ de visions des ennemis, un statut général qui passe en alerte, puis en hostile quand vous êtes grillé et les éternels conduits d'aération et autres systèmes d'invisibilité et de gestion du bruit. Si indépendamment, les modes de jeu n'ont rien de très original, le confort peut se trouver dans la possibilités de choisir un style, voire d'en changer en fonction des lieux et des différentes factions auxquelles vous vous frotter. En plus de ces phases "donjon couloirs", on trouve des phases plus pacifiques en villes, celles qui me rappellent Fallout. Commerce, parlotte, cleptomanie, etc... On peut assaillir la ville et la débarrasser de sa population à grands renforts de rafales de plombs; ou l'on peut se voir ouvrir à peu près toutes les portes en dialoguant avec les bonnes personnes, éventuellement aidé en investissant dans des aptitudes dites "d'interactions sociales" qui vous permettront de nouvelles lignes de dialogue. Ajoutez à cela la partie infiltration et piratage, et vous trouverez dans les villes plus de variétés que dans les "donjons". Là encore, rien de révolutionnaire, le confort restant d'avoir un panel large de possibilités.
Pour finir d'évoquer la mécanique de jeu, 2 choses encore: un système d'expérience, qui vous permettra d'acheter des aptitudes (là encore, plusieurs profils possibles: bourrin, infiltration, hacker); et l'inventaire limité, à la RE3 par exemple, qui vous obligera à faire des choix cruels dans l'armement et la gestion de vos munitions, et la possibilité d'upgrader vos armes.
Résulte au final un melting pot qui ne surprend pas vraiment dans chaque compartiment de jeu mais qui multiplie les options et varie les plaisirs. Les amateurs de nouveautés resteront sur leur faim. Ceux qui ne sont pas dans la course à l'innovation apprécieront probablement mieux...

Place au fond, maintenant que la forme est négociée. J'ai pu lire que le scénario était puéril et manichéen. Pour ma part, je serai plus clément. Le jeu débute relativement soft, en opposant 2 factions: vous êtes le responsable de la sécu d'une grosse de boite de prothèse cybernétique. Une jeune scientifique géniale (accessoirement votre gonzesse) doit faire une annonce qui doit révolutionner le secteur, et donc le genre humain. Le patron de votre boite se prétend un humaniste en ouvrant la porte à une "évolution choisie" pour la race humaine via ses "augmentations", ce qui ne l'empêche pas de faire essentiellement tourner sa boite par des contrats militaires et des "augmentations" martiales. Les "augmentations" représentent un gain réel dans les capacités physiques/mentales et donc sont de vrais avantages professionnels. Mais pour ne pas rejeter les implants, un traitement à vie est nécessaire si bien qu'on considère parfois les augmentés comme des junkies, sans parler des enjeux économiques que ça représente pour l'industrie pharmaceutique. Voilà la trame de fond. Je la qualifierais pas de puéril...
L'élément déclencheur du scénario est le fait que la boite dont vous êtes en charge de la sécurité se fait attaquer juste avant qu'elle puisse rendre public une découverte révolutionnaire. Alors que l'on peut s'attendre à ce que ce soit le fait de mouvements "anti-augmentations", vous vous faites méchamment péter le c*l par 3 augmentés qui vous laissent pour mort, et kidnappent votre gonzesse. Votre patron, pour vous sauver la vie in extremis, vous fait implanter le fleuron de son matos cybernétique, alors même que votre héros semblait sceptiques quant aux augmentations et à l'orientation militariste de la boite quelques heures plus tôt. Il se réveille bardé de ferraille et de gadgets, et a l'air de mal le vivre. Vous serez ensuite pris dans les feux croisés de plusieurs corporations pro-augmentations, des mouvements alter-mondialo-anti-augmentation, des factions mafieuses/triades pro ou anti augmentations suivant les cas. Le tout saupoudré de lobbying politique, qui vous mettront éventuellement les forces de l'ordre à dos. Je qualifierais pas le jeu de manichéen non plus...
Bon, à partir de là, les goûts et les couleurs, tout ça... On peut être plus ou mois sensible à la thématique principale, qui est la cybernétique et sa légitimité. On peut juger grandiloquent les valeurs d'humanité et de morale qui sont déployées. On peut aussi dire que c'est pas non plus une œuvre majeure de SF, puisque le scénario n'est qu'un prétexte à l'action et pas le cœur même du jeu. Mais j'ai du mal à concevoir qu'on qualifie le fond de puéril et manichéen. Par exemple, et sans spoiler, vous serez amené à être sollicité par des prostituées dans une quête secondaire, que les triades forcent à être "augmentées" contre leur gré pour répondre aux fantasmes des clients et améliorer leurs "services". Y a quand même plus puéril comme scénario de quête secondaire, non?

Bref, le jeu est somme toute efficace à défaut d'être révolutionnaire. Malgré peu d'innovations dans l'absolu, et le fâcheux défaut de faire des allers-retours dans des maps "couloirs", j'ai apprécié le côté ouvert du jeu dans la variété de son gameplay, à défaut de l'avoir dans le level design. J'ai trouvé l'œuvre rafraichissante sur le fond, et efficace dans la forme. Une réalisation très fouillée, des voix anglaises largement convaincantes. Une durée de vie relativement courte ne laisse pas l'ennui s'immiscer dans l'expérience, et l'absence de new game + est compensée par une rejouabilité somme toute correcte.
Celebrimbor
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 15 juil. 2012

Critique lue 335 fois

1 j'aime

Celebrimbor

Écrit par

Critique lue 335 fois

1

D'autres avis sur Deus Ex: Human Revolution

Deus Ex: Human Revolution
Vnr-Herzog
8

Sarif, fais-moi peur !

En 2027 l'humanité n'a pas tellement changé que ça, tout ce qui l'intéresse ce sont les augmentations. Mais on ne parle pas de salaire, on parle d'améliorations biomécaniques permettant aux gens...

le 5 sept. 2011

71 j'aime

15

Deus Ex: Human Revolution
Erwan
8

« Deus Ex », machine à choix

Une balle dans la tête, ce serait tellement plus simple. Ou une bonne vieille grenade à fragmentation, ça, c'est radical. Au lieu de quoi, bien planqué derrière la palissade, Adam Jensen observe,...

le 15 sept. 2011

61 j'aime

1

Deus Ex: Human Revolution
Pipomantis
9

Adam et crève

Mes chères amies, mes chers amis – puisque l'on peut maintenant arrêter les simagrées et assumer la proximité de nos relations – il n'est pas facile, mais alors pas facile du tout d'écrire...

le 2 sept. 2011

41 j'aime

3

Du même critique

Eragon
Celebrimbor
2

Critique de Eragon par Celebrimbor

C'est 2 heures de clichés mis bout à bout! Il ont déjà vu starwars, ces gens là? Parce que y a la princesse, le mentor, le méchant sorcier, l'alter égo négatif du héros mais qui est gentil quand...

le 2 déc. 2010

3 j'aime

1

Revolution
Celebrimbor
3

Mauvais acteurs, scénario en bois et morale gerbante. Ca va faire un tabac!

Bon... Je savais que c'était de la merde avant de la regarder, cette série. Je me renseigne un minimum. Mais étant en plein trip survivaliste, je me suis laissé tenter. Après tout, le pitch est...

le 22 juin 2013

1 j'aime