Je ne vais me faire que des amis en révélant cela mais tant pis : je n’ai jamais fini Mother 2 (aka Earthbound). Non seulement son univers ne m’avait à l’époque pas plus happé que cela (faut dire qu’à 12 piges, l’anglais et moi ça collait pas trop :p), mais pire encore, j’avoue sans honte n’en avoir gardé presque aucun souvenir aujourd’hui ! Mais avant d’être condamné pour blasphème par un tribunal un brin inquisiteur, au terme d’un procès que je devine expéditif, laissez-moi donc (essayer d’) apaiser votre ire ; car oui, si j’ai été tenté de parcourir Mother premier du nom, c’est bien parce que j’ai décidé d’offrir une seconde chance à sa suite…


Cependant, je vais encore moins me faire d’amis après avoir dit ça mais tant pis : si Mother est certes plein de potentiel, il s’avère au final plutôt décevant. Et la faute première en revient à sa difficulté générale trop importante. J’ai pourtant l’habitude de jouer à des J-RPG de cette époque, et je sais donc que la grande majorité d’entre eux sont très loin d’être user friendly, mais là, même moi je finissais par saturer ! Citons pêle-mêle la fréquence bien trop élevée de combats aléatoires, la propension des ennemis à faire globalement plus de coups critiques que nous, le fait de louper environ une attaque sur 5 (ce qui est ÉNORME), certains ennemis d’une zone donnée bien plus forts que les autres (et très souvent plus rapides aussi) peuvent nous mettre une branlée monumentale si la chance et nous ça fait 100, d’autres nous chourent nos items de soin alors que nos PP (points de psy, équivalent de la magie dans Mother) s’amenuisent peu à peu… Fuir certains combats ? Z’êtes candides, mais je vous aime bien quand même… J’aurais effectivement adoré fuir de temps en temps, mais comme ça marche (à la louche) moins d’une fois sur deux…ce qui a d’ailleurs aussi l’air d’être le cas pour les ennemis. On se console comme on peut… :)


Et encore, j’évoquais là seulement les ennemis de base. Les boss, ces sous-vampires ! Ah non pardon, c’est souvent pire ! Vous vous souvenez de Tigror, dans Secret of Mana ? Faites pas semblant d’avoir oublié, on a TOUS connu notre première mort dans ce jeu face à lui, tellement celui-ci a des stats abusées pour ce moment-là de l’histoire ; ben dans Mother, à moins d’un levelling drastique et régulier, les deux tiers (toujours à la louche…) des boss sont des Tigror-like ! C’est particulièrement éprouvant pendant le premier tiers du jeu, lorsqu’on a aucun équipier pour nous épauler… D’ailleurs à ce propos, le jeu ne nous aime tellement pas qu’un objet facilitant pas mal le tout premier combat de boss peut ne pas nous être confié si on répond "mal" (selon lui) à une question tout à fait anodine où les deux réponses sont tout aussi valables l’une que l’autre ! Sérieux, voir un jeu s’appeler "Mother" nous haïr à ce point, c’est un coup à flinguer toute une enfance ! :D


Enfin, pour être tout à fait complet sur le sujet, on note un certain manque de liant scénaristique, qui peut parfois s’avérer problématique. On comprend vite, notamment une fois arrivé à Musicant, que la recherche des mélodies sera le (maigre) fil directeur de l’aventure, mais sa narration est beaucoup trop décousue. C’est surtout la faute à un monde bien trop étendu pour un jeu relativement linéaire et quasi exempté de quêtes annexes, d’autant plus qu’on n’est pas aidé par la map la moins fonctionnelle de l’Histoire des RPG… Certaines villes sont aussi beaucoup trop grandes, et c’est parfois galère de trouver THE élément déclencheur (pnj ou autre) susceptible de faire progresser l’intrigue. Car c’est bien beau de proposer un univers déjanté pastichant le RPG traditionnel, dans lequel les persos sont attachants et les situations nonsensiques s’enchaînent, mais il faut tout de même agencer le tout par un minimum de cohérence et d’intuitivité, comme le font si bien les jeux Zeboyd Games par exemple. Ici, les événements s’enchaînent tellement aléatoirement que j’ai limite été déçu de ne pas voir une scène finale "super-mario-bros-deuxienne", où Ninten (aka le héros) se réveille, révélant que toute cette épopée n’était que le fruit de son imagination d’enfant…


Au passage, désolé du spoil de la fin de Super Mario Bros. 2


Côté graphismes, Mother m’a également laissé sur ma fin. Alors attention, ça reste plutôt joli pour un jeu NES de cette époque…mais bordel que c’est répétitif ! Chaque même type d’élément décoratif se ressemble d’un lieu à l’autre, avec toutefois quelques swap color histoire de faire illusion. Mais rien ne ressemble plus à une chambre qu’une autre chambre, à une grotte qu’une autre grotte, à une usine qu’une autre usine. Le jeu se rattrape heureusement un peu sur l’éthérée cité de Magicant, ainsi que sur son sympathique bestiaire, composé principalement d’animaux, de robots et d’aliens, et d’autres plus atypiques comme des hippies ou des bagnoles/camions… Côté musiques en revanche, il n’y a pas grand-chose à reprocher, si ce n’est qu’on aimerait parfois bien pouvoir en profiter un peu au lieu d’être constamment harcelé par les mobs. L’OST est plutôt éclectique, sachant tantôt se faire guillerette dans les villes ou sur la map (mention spéciale au thème du train), tantôt plus "oppressante" lorsque vient le moment d’explorer sous-sols et donjons…


Abordons pour finir plus profondément le gameplay. Le système de combat ne déstabilisera à priori personne puisqu’il s’agit d’un très classique tour par tour, le "PSI" remplaçant la traditionnelle magie histoire de justifier une orientation plus ancrée dans le réel. Mais dans les faits, à l’instar de la série Pokemon, ça ne change pas grand-chose, et on retrouve l’équivalent des classiques sorts de foudre, feu, glace, ainsi que la magie curative. Quelques petites idées renforcent d’ailleurs cette ambiance contemporaine, comme le train précédemment cité, ou encore l’utilisation ingénieuse de la carte bancaire : contrairement à la plupart des j-rpg, dans Mother, les mobs ne donnent pas d’argent une fois vaincus, tout au plus daignent-ils laisser un objet de soin en de rares occasions ; en revanche, un peu sur le principe du salaire dans Final Fantasy VIII, notre compte en banque est régulièrement réapprovisionné par papounnet… Et à l’inverse, certains choix sont particulièrement pénalisants, comme l’inventaire de chaque personnage limité à seulement huit emplacements, ce qui nous force parfois à utiliser/sacrifier un item lorsque viennent à s’accumuler les objets-clés et qu’on ne souhaite pas spécialement multiplier de longs et éprouvants allers-retours…


Mother n’est pas un mauvais jeu, loin de là. Mais quelques bonnes idées et une ambiance sympa et drôle ne suffisent pas à en faire un chef-d’œuvre, et à faire oublier des choix de game design discutables. D’ailleurs, je soupçonne la plupart de ses aficionados d’avoir joué à la version "Anniversary 25", qui d’après ce que je sais atténue sensiblement la fréquence des combats tout en boostant l’expérience reçue. Mais peu importe en fait, mon objectif est atteint : je suis désormais fin près à me ré-attaquer à sa mythique suite…

Wyzargo
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le 24 avr. 2018

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Wyzargo

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