Disney Epic Mickey, un trop plein d'ambition ?

Les jeux s'appuyant sur la licence Mickey sont rares. Tout le monde a en tête l'excellent Castle of Illusion sorti sur Megadrive en 1990, mais on oubli souvent l'année 1994, qui vit débarquer deux titres mettant en scène la souris aux grosse chaussure : Mickey Mania (Snes/Megadrive) et Mickey's Wild Adventure (Playstation). Hormis les jeux de courses et de sombres daubes qui n'ont surement jamais tourné sur vos consoles, notons la sortie de Disney's Magical Mirror en 2002 sur Game Cube, qui est aussi un titre a oublier, mais qui reprend la thématique du miroir (j'ai pensé que ça pouvait en intéresser certains, au vu de scénario du titre critiqué ici). Disney Epic Mickey a donc la lourde tâche de faire revivre le second personnage le plus connu au monde (le premier est Mario) dans un jeu vidéo. On a déjà vu moins stressant comme situation !

Pour relever ce challenge haut en couleurs, Disney a racheté Junction Point, le studio d'un illustre game designer : Warren Spector, qui est quand même Monsieur System Shock et Deus Ex. Epic Mickey n'est qu'en production que le jeu subit déjà une pression monstre. Et ceci, car les joueurs et la presse spécialisée attendaient de Spector une vraie relecture et une approche dans la continuité de ses travaux passés. Sa façon de faire est, en effet, très particulière. Il a sa propre vision du médium et il tente de l'introduire dans chacun de ses jeux. Pour lui, un jeu vidéo est un échange, et non un monologue unilatéral, d'un auteur vers son lecteur ou son spectateur, qu'un livre ou qu'un film ne pourraient proposer. Le game designer élabore un ensemble de règles, avec ses possibilités et ses limites, de là, c'est au joueur de créer avec les outils à sa disposition. On reconnaît bien cette philosophie dans les œuvres précédentes du créateur, néanmoins, force est de constater que le bilan n'est pas similaire sur Epic Mickey. Mais pour bien comprendre comment Warren Spector a introduit le principe de « choix », faisons un petit détour par le scénario.

Bien avant qu'il ne soit la star universelle qu'on connait aujourd'hui, Mickey a eu un jour la bonne idée de traverser un miroir magique qui se trouvait dans sa chambre (sympa ça!). Touche à tout et maladroit comme pas deux, Mickey va renverser du dissolvant sur une carte, inventée par le magicien Yen Sid, s'avérant être Le Monde de la Désolation : un univers où tous les héros oubliés de Disney se retrouvent. Après avoir bien foutu le bronx et libéré par la même occasion le Fantôme Noir, le père Mickey décide tout bonnement de tailler la route (ça aussi c'est sympa !). Les années s'écoulent au rythme des succès de la souris la plus connue de la planète, jusqu'au jour où ses anciennes erreurs le rattrapent et viennent taper au carreau..., au miroir plutôt. Plongé dans le Monde de la Désolation et n'ayant pour seule arme qu'un pinceau magique, Mickey doit à présent retrouver Oswald, le lapin chanceux (un ancien héros Disney) afin de savoir comment se sortir de se fourbis.

Le Fantôme Noir est né du dissolvant renversé par Mickey, il a donc comme pouvoir d'effacer la peinture. Pas top pour se présenter comme nouveau membre des Supers Vilains, cette propriété s'avère néanmoins parfaite pour terroriser un monde tiré d'un dessin animé. Basé sur l'opposition du dissolvant et de la peinture, Epic Mickey vous propose de prendre une part active au conflit et cela en vous donnant les deux pouvoirs : celui de créer grâce à la peinture et celui de détruire grâce au dissolvant. C'est sur ce double principe que Warren Spector va faire tourner l'ensemble de son jeu. Génial dans son intitulé, son application in game rencontre rapidement quelques problèmes. En effet, vous ne pourrez pas tout effacer ou repeindre, les limites technique de la Wii et surtout le temps alloué au développement, ont surement quelque chose à voir avec ces restrictions. Le gameplay émergeant s'en trouve donc limité et l'ensemble des choix offerts seront assez binaires : la peinture représente le bon côté et le dissolvant le mauvais. Un peu à l'image des combats qui vous proposent de repeindre vos ennemis (et boss) avec la peinture pour vous en faire des alliés ou tout simplement de les éliminer grâce au dissolvant. Les répercutions de ces choix dans le jeu sont faibles et les décisions importantes dépendront toutes directement de cette dualité entre peinture et dissolvant.

Si Warren Spector a un peu échoué dans sa tentative d'insuffler une vraie mécanique de « choix » , il a par contre brillamment réussit l'épreuve de la relecture graphique. Une ambiance mélancolique plane autour d'Epic Mickey. Le Monde de la Désolation accueille, en effet, tous les seconds rôles, les figurants et les héros oubliés de l'univers Disney. Couplé au chaos perpétré par le Fantôme Noir, visant à supprimer toutes les couleurs de cet univers, vous comprendrez vite que l'ambiance à quelque chose de triste, de magique et de fascinante. La direction artistique est tout simplement sublime et appliquée avec succès sur la Wii. Et mention spéciales à la bande-son, tout bonnement magnifique. Au début de l'aventure, on pourrait penser que l'atmosphère, bien qu'enivrante, va être redondante, car toujours basée sur le même code couleur et les mêmes environnements de désolation. Et bien pas du tout. L'introduction est longue et une paire d'heures sera nécessaire avant d'arriver au gros morceau du jeu. C'est pendant ce laps de temps où l'on doute sur les choix de Spector. Une amorce en demi teinte, qu'il faudra savoir contrecarrer, car le jeu en vaut vraiment la chandelle.

Epic Mickey va créer une passerelle dans vos souvenirs atterrissant directement à l'époque bénie des Mario 64, Banjo et autres canons de la plate-forme 3D. Le jeu est construit comme une poupée gigogne. Tout commence avec de petites épreuves : celles-ci sont regroupées dans un seul monde et enfin, ces niveaux seront tous rassemblés dans un Hub central. Comme à l'époque, les objectifs sont secondaires (essentiellement de la récolte d'objets). Néanmoins, ces missions se multiplieront afin que vous ayez la sensation d'avoir dix milles choses à faire, et c'est le cas ! Le rythme est soutenu et très bien mené, chaque mini objectif nécessite entre 2 minutes et un quart d'heure (sans compter les grosses missions annexes, comme reconstituer vos amis Donald, Daisy et Dingo, qui elles, sont beaucoup plus longues), on enchaine ainsi sans s'arrêter pendant plusieurs heures. Un système d'évolution simple, ingénieux et complètement chronophage ! On se surprend à toujours vouloir aller plus loin, à résoudre encore une énigme ou à accomplir encore un objectif et sans s'en apercevoir, on boucle le jeu. Une vraie réussite !

Je ne voudrais surtout pas finir sur une note négative, mais la caméra vaut bien son paragraphe, et pour cause, elle est juste catastrophique. Pour un jeu de plate-forme en 3D, il faut admettre que c'est assez problématique. Sans cesse mal placée, trop près et parfois même impossible à bouger manuellement avec la croix de direction, la caméra d'Epic Mickey est une vraie plaie qui donnera aux plus calmes d'entre vous l'envie d'exploser leur manette. Pour tout vous dire, je me suis même demandé à quelle point la protection offerte par Nintendo pouvait protéger la Wiimote. Enfin, dernière petite déception : les phases en 2D entre chaque niveau. Courtes et dotées d'un level design extrêmement pauvre, ces séquences ne remplissent même pas leur rôle "d'attiseur" de souvenirs. Elles coupent le rythme et ennuient sévère quand on remarque qu'on doit les traverser dans les deux sens à chaque allez-retour. Dommage.

Un dernier mot sur la fin qui est tout simplement touchante. Ce qu'on appelle la magie de Disney est ici parfaitement retranscrit. Un postulat simpliste se transforme petit à petit en aventure épique où héros colorés et morale niaise arriveraient presque à nous tirer une larmichette. Les valeurs telles que l'amitié, les responsabilités ou l'abandon sont traitées de façon simple mais parlante, un peu a l'image des longs métrages Disney qui savent toujours émouvoir petits et grands.

Epic Mickey est complexe a appréhender. Les premières heures sont un méli-mélo de déception et d'espoir. Déception de constater que la patte « Warren Spector » n'est au final pas si importante et l'espoir de voir qu'on prend quand même un énorme plaisir à jouer. Je vous rassure, avec Disney, c'est toujours l'espoir qui gagne. Que ce soit le gameplay, l'univers ou même le scénario, tout, dans Epic Mickey va crescendo, pour se conclure en apothéose. On aurait pu attendre de Warren Spector un système de jeu plus à même de nous surprendre, mais ne boudons pas notre plaisir, Epic Mickey est un très bon jeu, qui aurait pu rester dans les annales, si seulement il été doté d'une caméra digne de ce nom.
Med
7
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le 9 déc. 2010

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Mehdi El Kanafi

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