Fahrenheit
6.6
Fahrenheit

Jeu de Quantic Dream, David Cage et Atari, Inc. (2005PlayStation 2)

Fahrenheit est un jeu plein de promesses mais qui est au final loin d'être à la hauteur des espérances que l'on peut placer en lui. Le poids des décisions du joueur dans le déroulement du scénario est une illusion qui s'effondre d'elle-même au fur et à mesure de la progression, quand on comprend que l'on s'achemine petit à petit vers une conclusion inévitable. En fait la seule marge de manœuvre laissée au joueur se situe dans le déroulement des scènes, on peut choisir d'agir de telle ou telle manière (se barrer en courant de la scène du crime ou cacher les traces du méfait ; sauver un gamin de la noyade ou s'esquiver ; fouiller une maison pour trouver des indices ou s'enfuir avant que la police arrive) mais cela n'a aucune incidence sur le contenu global du scénario. On peut donc s'amuser à rejouer certaines scènes pour saisir les infimes variations possibles (comme réussir à se réconcilier avec la petite amie du personnage principal, au point de passer la nuit avec elle) mais étant donné que cela ne change rien à l'histoire en elle-même, l'intérêt est relatif et ce n'est ni motivant, ni passionnant. La richesse supposée du jeu et de son scénario s'en trouve énormément amoindrie.

Et comme si cela ne suffisait pas, le jeu finit de s'achever tout seul avec un gameplay d'une grande pauvreté. Sur ce point, le jeu veut également nous faire croire qu'il est d'une grande richesse et variété en proposant des situations très diverses (exploration, enquête, combats, sport, infiltration, poursuite...) mais cela se traduit la plupart du temps par des QTE. Utilisés à bon escient, les QTE c'est chouette et ça peut donner de l'impact au gameplay lors des scènes d'action (qui a dit Shenmue ?) mais dans Fahrenheit c'est utilisé à tort et à travers, pour tout et n'importe quoi. On passe donc son temps à bouger les sticks dans la bonne direction ou à appuyer sur L1 et R1, desfois sans trop savoir pourquoi (certains dialogues font appel à des QTE ?!). A mon sens, cela traduit surtout un manque d'imagination de la part des concepteurs. A ce stade, les QTE sont une solution évidente de facilité. En plus, certaines séquences sont beaucoup trop longues et manquent affreusement de rythme, à tel point qu'elles offrent des scènes nanardesques au possible (l'attaque des insectes, le passage dans l'appartement, ou bien celui dans l'église).

Les concepteurs n'ont aucune maîtrise du système, ils n'ont pas compris que c'est la brièveté et la dynamique des QTE qui en font l'intensité et la force. Ils pensent au contraire nous en mettre plein la vue en étalant les séquences de manière interminable, suffisamment pour diluer l'effet voulu et transformer ces passages en vulgaire reproduction de mouvements totalement déconnectés de ce qu'il se passe à l'écran. Fahrenheit est peut-être le futur du jeu vidéo, mais ce n'est certainement pas le cas des QTE, et il faudrait manquer cruellement d'imagination pour penser le contraire. Les QTE se justifient en complément quand le jeu possède un véritable gameplay, alors que dans Fahrenheit le gameplay est tout simplement inexistant. De toute manière, le contrôle des personnages laisse à désirer, la rigidité couplée aux changements brusques de caméra réserve quelques prises de tête, surtout quand on doit être rapide et/ou discret (les passages infiltration quand on incarne Lucas enfant sont horribles).

Il est inutile de parler du scénario qui part en cacahouète lors de sa seconde partie, avec des combats abusés tout droit sortis de Matrix, des personnages avec des super pouvoirs, des complots sortis de nulle part, du blabla new age et j'en passe, qui enfonce encore un peu plus le jeu. Cela devient presque dérangeant, on ne sait plus trop où se mettre tant le jeu n'a peur de rien et ose tout, n'importe comment. C'est dommage car des idées, Fahrenheit en a, mais le jeu veut en faire trop, tout le temps, il semble tellement préoccupé par l'ambition de son scénario et la mission sacrée de proposer "un jeu vidéo différent" qu'il en oublie d'être un jeu vidéo tout simplement.
benton
5
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le 18 mars 2011

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