Goodbye and Hello
7.6
Goodbye and Hello

Album de Tim Buckley (1967)

Tim Buckley est presque aussi connu, si ce n’est plus, pour être le père de Jeff Buckley que pour sa musique, et c’est finalement un bien triste constat. Car il suffit d’écouter les albums de Tim Bukcley et Grace pour se rendre compte qu’un gouffre sépare le père et le fils en terme de qualité. Tim était un véritable visionnaire et un musicien de génie dont l’univers et le répertoire n’ont guère d’équivalent dans la fin des années 60, alors que la musique de Jeff était autrement plus laborieuse et empesée.

Je dirais même, après l’écoute de Goodbye & Hello, que le fils a voulu retrouver l’étincelle, le souffle étrange, épique, mystique, qui habite les chansons de son père, sans vraiment y arriver. Il s’est embourbé dans des structures lourdes et emphatiques, là où son père savait conserver une légèreté et une force de conviction poignantes.

En fait c’est ce qui me frappe le plus à l’écoute de Goodbye & Hello : Tim Buckley a déjà tout pour lui, sa musique, folk au plus profond d’elle, est follement ambitieuse, elle possède une énergie viscérale qui éclate sur les morceaux plus longs que sont les très intenses et sublimes Pleasant Street, I Never Asked To Be Your Mountain (surtout ces deux là) et Goodbye & Hello.

En 1967, personne n’était capable d’écrire des chansons dans le genre, qui touchent l’épique tout en restant terre à terre, des chansons d’une richesse et d’une force détonnantes qui savent garder l’essentiel, notamment par la magie d’une instrumentation dense, mais également grâce à la voix de Tim Buckley dont la profondeur transcende les émotions dégagées par la musique.

On a souvent comparé, comme le reste, la voix de Tim et de son fils, mais si celle de Tim me semble moins puissante et impressionnante, davantage fond de gorge, plus à l’aise dans les graves veloutés que dans les aigus, ce que le chanteur en fait est beaucoup plus nuancé et de ce fait plus touchant. Tim a une sacrée voix, mais il ne donne pas le sentiment de le savoir et d’en jouer, contrairement à son fils.

Pour résumer les choses on peut dire que Tim a un véritable don d’interprétation, il habite ses chansons sans en faire des caisses avec une sensibilité qui touche juste et qui confère à sa musique la spontanéité et la sincérité qui lui sont nécessaires pour vivre, s’épanouir, projeter ses ondes positives, son intensité, sa foi, sans jamais verser dans l’excès.

Il peut donc se permettre de créer des pièces gigantesques à l’image de Pleasant Street et I Never Asked To Be Your Mountain (sans oublier No Man Can Find The War qui est plus courte mais non moins forte), sans paraître prétentieux ou grandiloquent, tout en livrant, à côté, des « petites » chansons intimistes d’une beauté sidérante telles Once I Was, Phantasmagoria In Two et Morning Glory, en conservant la même sensibilité.

On peut notamment saluer le fait que les chansons ne soient quasiment pas perturbées par l’influence du psychédélisme, leur permettant de rester épurées. C’est un détail mais à mon sens cela renforce l’identité de la musique et de l’univers de Tim Buckley, dont la personnalité et la vision étaient suffisamment affirmées pour ne pas se plier aux courants extérieurs. Le choix était pertinent car la musique a ainsi conservé sa magie, son charme et sa force, sans avoir vieilli.

Goodbye & Hello est un disque vraiment bluffant, encore plus si on le remet dans son contexte, à une époque où finalement bien peu d’artistes peuvent se vanter d’avoir créé une œuvre capable d’être toujours aussi intense et définitive même avec le temps qui passe.
benton
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le 1 juin 2013

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benton

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